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david MIEGE
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9 janvier 2020 21:02

La politique d’Emmanuel Macron ne s’est pas traduite par une relance de l’économie, bien au contraire. En 2019, tous les voyants sont déjà au rouge et les perspectives pour 2020 sont pires encore. Seul un bien improbable changement de paradigme monétaire permettrait d'inverser la donne. Bilan.

L’année 2019 se termine. Elle a été marquée par de nombreux conflits sociaux: les Gilets jaunes en début d’année, les mouvements de protestations contre le projet de réforme des retraites en fin d’année.

Pour autant, le bilan économique et social pour 2019 interroge. La France voit sa croissance ralentir de manière impressionnante depuis 2017. Mais, dans le même temps, on n’assiste pas –du moins en apparence– à une nouvelle dégradation de la situation sociale. Sommes-nous en présence d’une forme de résilience de l’économie française ou bien cette dernière est-elle suspendue entre le passé récent et un futur proche, qui serait marqué par une nouvelle et sensible détérioration?

Une croissance qui flanche

Un premier point s’impose: c’est le très net ralentissement de la croissance que l’on a connu depuis 2017. Il convient ici de regarder un peu les chiffres. Les données de l’INSEE sont en effet implacables quand on regarde les taux de croissance trimestriels. La fin du mandat de Nicolas Sarkozy avait été marquée par les effets des mesures prises par François Fillon en 2010. Ces mesures avaient précipité la croissance en dessous de zéro au second trimestre 2012. Sous François Hollande, la politique économique était restée modérément dépressive. Le taux trimestriel de croissance n’excédant pas 0,3% en moyenne mobile.

Croissance du PIB
© Photo. Insee
Croissance du PIB

On notera, cependant, que la croissance reprend à partir du 3e trimestre 2016, sous l’effet des dépenses décidées par François Hollande pour assurer sa réélection. C’est ce qui explique que, de la fin de 2016 à 2017 la France ait connu de bons résultats. Mais, ces derniers ont décliné en 2018 et 2019.

Pour 2017, la croissance avait été de 2,3%. Pour 2018, elle s’était située à 1,7%. En 2019, on ne devrait pas dépasser les 1,3% quand on connaîtra les chiffres définitifs.

Loin de libérer les énergies de l’économie, ainsi qu’il l’avait pourtant promis et ainsi qu’il avait justifié ses réformes du début du quinquennat, qu’il s’agisse de la fiscalité, du droit du travail ou de l’indemnisation des chômeurs, la politique d’Emmanuel Macron s’est pour l’instant caractérisée par un essoufflement de la croissance. Cette politique a donc bien bénéficié à une petite minorité de la population, mais a été sans effets sur l’économie.

Ce que disent les facteurs de croissance

Il faut donc ici regarder l’évolution des facteurs de croissance, comme la demande intérieure, le commerce extérieur ou les variations des stocks. On constate ici que ces facteurs de croissance sont tous en train de baisser.

Contribution des différents facteurs à la croissance
© Photo. Insee
Contribution des différents facteurs à la croissance

La demande intérieure, qui reste le principal moteur de la croissance, avait fortement baissé en 2018 après avoir connu une année 2017 particulièrement faste. Les mesures fiscales décidées par Emmanuel Macron en sont en partie la cause. Cela annonçait une année 2019 particulièrement sombre. Pourtant, grâce au mouvement des Gilets jaunes et à l’argent que le gouvernement a dû leur concéder (près de 17 milliards d’euros), la demande intérieure s’est révélée un peu meilleure en 2019 qu’en 2018.

Par contre, la contribution du commerce extérieur, qui avait été exceptionnelle en 2018 du fait d’un accroissement des exportations et d’un ralentissement de la croissance des importations, est redevenue négative en 2019. Enfin, en 2019, les stocks des entreprises ont continué à se contracter, preuve que la situation financière de ces dernières est loin d’être excellente.

On peut alors se poser la question de savoir si la retombée brutale du commerce extérieur ne serait pas due au Brexit ou aux mesures protectionnistes de Donald Trump?

C’est très difficile à démontrer. En effet, le Brexit n’a pas encore eu lieu et ses conséquences économiques ne se sont pas encore manifestées. Il ne deviendra une réalité qu’à la fin de janvier 2020. Quant aux mesures protectionnistes, elles n’ont pas affecté le volume des échanges, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous.

Évolution du commerce extérieur
© Photo. Insee
Évolution du commerce extérieur

Cependant, si les volumes ont continué de croître depuis le premier trimestre 2017, on constate aussi la stagnation des exportations depuis le début de 2019 alors que les importations continuent de progresser. C’est la raison pour laquelle notre déficit commercial s’accroît. C’est ce qui explique d’ailleurs que le commerce extérieur ait été un facteur négatif pour la croissance en 2019.

De fait, il est clair que la compétitivité internationale de l’économie française s’est détériorée. Mais, les raisons sont ici à chercher plus dans notre position au sein de la zone euro que du fait des menaces des uns et des autres. Si l’on consulte l’édition 2019 de l’External Sector Report, qui est publié tous les ans par le Fonds Monétaire International, on peut constater que dans le cadre de l’euro, la France voit ses prix, via le taux de change réel, surévalués de 2,5% à 7%, alors que les prix de l’Allemagne sont sous-évalués de 13% à 16%. Autrement dit, l’euro provoque un déséquilibre des taux de change réel de 15,5% à 23% en faveur de l’Allemagne et au détriment de la France*.

Ce manque de compétitivité est aussi lié à la faiblesse des investissements.

Une panne des investissements?

La situation des investissements est effectivement préoccupante. On constate que l’investissement, qu’on le calcule globalement ou que l’on ne regarde que le secteur de la construction, qui avait eu tendance à augmenter à la fin du mandat de François Hollande, est en train de décliner depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron.

Évolution de la croissance de l'investissement
© Photo. Insee
Évolution de la croissance de l'investissement

Ce freinage de la croissance de l’investissement aura des conséquences économiques négatives. N’oublions pas que 2019 s’est déroulée sur la base des investissements faits en 2017 et 2018.

Il convient alors de se demander pourquoi les entreprises investissent si peu, alors que les conditions du crédit sont particulièrement bonnes du fait des taux très faibles (voire des taux négatifs) qui résultent de l’action des Banques centrales. Cette question est importante.

On peut penser que si les entreprises n’ont pas accru leurs investissements comme en 2016 et 2017, c’est parce qu’elles craignent l’avenir. De ce point de vue, les «cadeaux» faits par Emmanuel Macron, que ces cadeaux consistent en abattements fiscaux ou en allègements du Code du travail, n’ont visiblement pas convaincu les entrepreneurs. Les grandes entreprises semblent en effet bien plus disposées à utiliser les capacités d’endettement qui se sont ouvertes à elles par la très forte baisse des taux pour spéculer, pour se livrer à des rachats d’action, que pour investir.

C’est aussi, probablement, parce que la demande intérieure, en dépit d’un effet «Gilets jaunes», reste relativement faible. En effet, pour qu’une entreprise investisse, encore faut-il qu’elle puisse écouler sa production. Sur le marché intérieur, cela dépend de l’accroissement de la demande. Or, les entreprises anticipent que cette demande, après avoir été soutenue en 2019 du fait des mesures prises en réponse au mouvement des Gilets jaunes, ne devrait plus l’être en 2020.

C’est enfin parce que le taux de change de l’économie française, au travers de l’euro, reste surévalué, ce qui limite nos exportations et nous rend plus vulnérables à la concurrence étrangère sur notre marché intérieur. Un écart de taux de change réel en faveur de l’Allemagne de 16% à 23% est en effet considérable.

Cela veut dire que les salaires et les charges des entreprises devraient baisser d’un même montant pour que l’on retrouve une compétitivité normale. Or aujourd’hui, il est aussi clair que tout mouvement dans ce sens provoquerait une explosion sociale de grande ampleur en France. Le gouvernement le sait bien, et les entreprises aussi.

On comprend alors que, piégés dans cette trappe à dépression que constitue l’euro, et sachant pertinemment que le gouvernement ne remettra pas en cause cette situation, les entrepreneurs n’aient pas envie d’investir, sauf dans les quelques secteurs qui ne sont guère sensibles au taux de change (luxe, services informatiques).

Or les investissements déterminent aussi le potentiel de croissance pour le futur. L’économie française a fonctionné en 2019 sur la base des investissements réalisés en 2018 et 2017. La faiblesse de la croissance des investissements en 2019 aura mécaniquement un impact sur la croissance de 2020 et 2021.

Quelles perspectives pour 2020?

 

 

Ce bilan invite donc à se poser la question des perspectives de l’économie française pour 2020. Il est clair que la croissance ne devrait pas vraiment évoluer l’année prochaine. L’INSEE annonce en effet une croissance de 1,3%. Or les estimations, qu’il s’agisse de celles de l’INSEE ou de celles de la Banque de France, sont en général un peu optimistes.

Il est donc possible que le ralentissement perdure et que la croissance ne soit que de 1% si un soutien important n’a pas lieu sur la demande intérieure. Deux années consécutives de faible croissance auront nécessairement un impact négatif sur le chômage. Nous avons aujourd’hui 3,6 millions de demandeurs d’emploi qui sont au chômage, et 2,1 millions de demandeurs d’emploi qui travaillent à temps partiel, souvent dans des conditions très délicates.

De plus, avec des partenaires immédiats qui vont mal, comme c’est le cas avec l’Allemagne et l’Italie, les perspectives de croissance ne sont pas bonnes. Ce n’est que par une hausse importante de la demande intérieure que l’on pourrait relancer significativement la croissance.

Mais ceci risque aussi naturellement d’alimenter le déficit commercial si notre pays reste dans le cadre de la zone euro et ne réagit pas au changement du cadre des échanges qui s’annonce, que ce soit avec le Brexit ou avec la nouvelle politique américaine.

Le gouvernement est donc dans une impasse. Il ne pourrait retrouver des marges de manœuvre susceptibles de permettre la mise en place d’une politique économique plus ambitieuse que s’il mettait radicalement en cause l’appartenance de la France à la zone euro.

Il est cependant peu probable qu’il adopte une telle politique, qui apparaît pourtant comme la seule rationnelle dans la situation présente.

*IMF/FMI, External Sector Report – 2019, Washington DC, IMF, 10 juillet 2019, p. 38. Site : https://www.imf.org/en/Publications/ESR/Issues/2019/07/03/2019-external-sector-report.

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