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david MIEGE
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27 mars 2020 06:37

FIGAROVOX/TRIBUNE - Nicole Belloubet a annoncé ce lundi qu’elle souhait libérer 5000 détenus pour désengorger les prisons françaises dans le contexte de la pandémie de coronavirus. L’avocat Guillaume Janson estime que cette décision risque d’aggraver la situation sécuritaire et sanitaire du pays.

Guillaume Jeanson est avocat au Barreau de Paris et porte-parole de l’Institut pour la justice.


Inutile de contester la gravité de la crise sanitaire à laquelle le gouvernement fait face actuellement. Inutile de minimiser non plus la difficulté qu’il y a pour lui à gérer de front l’ensemble des répercussions sociales, économiques et sécuritaires de cette crise mondiale dont l’ampleur est inédite.

L’unité et le soutien sont, à ces égards, de mise. Ce soutien que nous entendons apporter ne doit toutefois pas nous interdire d’alerter sur les conséquences néfastes d’une décision qui, bien que présentée comme un remède, pourrait cependant se révéler bien pire que le mal qu’il prétend soigner.

Lundi, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a annoncé aux organisations syndicales du ministère de la Justice qu’elle visait la libération de 5.000 détenus pour désengorger les prisons en cas de propagation du coronavirus.

À la fin de la semaine précédente, la garde des Sceaux avait déjà ouvert la voie à la libération anticipée de détenus malades ainsi que d’autres en fin de peine. Aujourd’hui, c’est au tour de Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, d’appeler à la libération urgente des détenus à travers le monde pour éviter des «ravages» dans «les prisons surpeuplées».

Que dire de l’ordre pris par un directeur d’établissement pénitentiaire d’interdire à ses agents de porter des équipements de protection pour contrer l’épidémie ?

Rappelons au préalable une évidence: il appartient évidemment aux pouvoirs publics de prendre tous les moyens utiles pour protéger la vie et la santé des détenus dont ils ont la charge. Les tergiversations quant à la mise en place de tests de dépistage du Covid-19 à grande échelle pour la population sont encore moins compréhensibles au sujet de la population carcérale, détenus et personnels pénitentiaires compris.

Si le manque de moyens de protection affectés aux policiers et gendarmes dans l’exercice de leurs missions de contrôles des mesures de confinement apparaît déjà difficilement défendable, que dire de l’ordre pris récemment par un directeur d’établissement pénitentiaire d’interdire formellement à ses agents de porter des équipements de protection pour contrer l’épidémie du Coronavirus?

Selon un bilan du ministère de la Justice, cinq détenus auraient été testés positifs au Covid-19 et à l’heure où ces lignes sont écrites, le seul décès à déplorer derrière les murs, aussi tragique soit-il, demeure celui d’un détenu âgé de 74 ans souffrant d’un très grave diabète qui serait décédé à l’hôpital de la prison de Fresnes sans entrer en contact avec d’autres détenus.

Si, du moins telle qu’elle est aujourd’hui exposée, la situation sanitaire des 70.651 détenus actuels ne semble donc pas encore gravissime, elle requiert en revanche sans plus attendre des actions concrètes témoignant de la plus grande vigilance: a minima, une généralisation des dépistages et une identification des détenus physiquement à risque en amont. Puis, si nécessaire, des réaffectations en aval.

À défaut, nous assisterons à une floraison vénéneuse de clusters qui deviendront rapidement incontrôlables et dont les conséquences pourront être tragiques. Il est en effet inquiétant et inadmissible d’apprendre que, mardi, un détenu du centre pénitentiaire d’Aiton fraîchement rentré de permission de sortie, a pu être finalement testé positif au Covid-19, alors que, travaillant pour la prison comme auxiliaire d’étage, il distribuait les repas avec l’aide des surveillants et côtoyait ainsi de nombreux détenus et membres du personnel.

Ironie de l’histoire ou coïncidence troublante, l’annonce de cette libération à venir est intervenue la veille de l’entrée en vigueur de la grande réforme des peines d’Emmanuel Macron.

Depuis plusieurs jours, une trentaine d’établissements ont subi des désordres et des mutineries. Des actions souvent initiées d’ailleurs «curieusement» par des appels lancés sur les réseaux sociaux et sur des groupes où se réunissent beaucoup de détenus. L’élément déclencheur? La suspension des parloirs. Une mesure certes déplaisante. Une mesure d’autant plus douloureuse pour tous ceux qui souffraient déjà, parfois depuis longtemps, d’être séparés des leurs.

Mais une mesure prophylactique néanmoins cohérente avec les restrictions nécessairement induites par le confinement ordonné à près de soixante millions de Français. Craignant des échauffourées, l’administration pénitentiaire avait tout de même veillé à prendre plusieurs dispositions pour tenter d’apaiser des tensions qu’elle jugeait prévisibles: la mise à disposition gratuite de télévision à tous ceux en faisant la demande, des aides financières pour cantiner ou téléphoner davantage et l’accès à des cours d’enseignement à distance…

Des mesures forcément perçues comme insuffisantes toutefois par ceux pour qui l’absence de parloirs renvoie moins à l’entretien précieux des liens familiaux qu’à la raréfaction des produits stupéfiants en cellule.

 

Les autorités ne disposent même pas des moyens de surveiller ceux qui seront libérés.

Car il est faux de prétendre qu’une telle libération sera sans conséquences. Pourquoi? D’abord parce que les autorités ne disposent même pas des moyens de surveiller ceux qui seront libérés. Il a été annoncé que la pose des bracelets électroniques était elle-même suspendue en raison du coronavirus.

Ensuite, parce que certains criminologues ont déjà pu mettre en garde - en France et à l’étranger - contre les conséquences désastreuses générées par les décisions de libération à grande échelle. La Garde des Sceaux évoque ces jours-ci le nombre de 5.000 détenus. Ceci n’a rien d’anodin. C’est en effet la proportion du nombre de ceux qui ont bénéficié en 1981 des faveurs d’un décret de grâce et d’amnistie. Une décision qui avait alors eu pour effet de faire grimper, dès l’année suivante, le taux de criminalité de près de 20%.

Adresser un message fort d’impunité supplémentaire émoussera davantage encore l’autorité des forces de l’ordre.

Enfin, parce qu’on se demande vraiment comment le fait d’adresser un message fort d’impunité supplémentaire n’émoussera pas davantage encore l’autorité des forces de l’ordre qui peinent déjà à faire respecter le confinement dans certains quartiers jugés sensibles. Et ce, d’autant plus que tout est déjà fait actuellement pour limiter les flux entrants en prison. Est-il besoin de repréciser ici que les peines d’amende ne sont que faiblement dissuasives à l’endroit de certains profils délinquants?

Un jeune de 19 ans vient encore d’être jugé pour «mise en danger de la vie d’autrui» en raison de ses manquements répétés aux obligations de confinement liées au coronavirus alors qu’il avait été verbalisé au préalable à dix reprises pour ce même motif.

Cet ensemble de raisons contribue sans doute à expliquer les plus vives réserves exprimées par de nombreux magistrats qui s’inquiètent à raison de cette décision. Des magistrats qui, à l’instar de ceux réunis sous le collectif «Arromanches», auteur d’une tribune remarquée dans les colonnes de l’hebdomadaire «Valeurs Actuelles», se disent «scandalisés par les propos tenus par une minorité (de magistrats) qui ne représente qu’elle-même».

Loin de faire consensus, cette «fausse bonne idée» de la Garde des Sceaux risque donc surtout d’aggraver fortement une situation sécuritaire et sanitaire déjà dangereuse pour notre pays. Une situation inédite qui mérite mieux qu’un irénisme de circonstances. Une situation exceptionnelle qui commande une vigilance accrue transformée en actes. Et ce, de toute urgence.

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