À Marseille, le scénario du pire se confirme. Non seulement les dealers font usage de kalachnikov en plein jour, à deux pas des écoles, mais ils n'hésitent plus à sceller des alliances avec des «gâchettes» venues de l'Est pour imposer leur loi.
Après plusieurs arrestations mercredi et des gardes à vue toujours en cours, la police judiciaire a remonté le film des événements qui ont conduit à une fusillade où des policiers ont été pris pour cibles, le 9 février dernier, dans la cité de la Castellane, le jour de la visite de Manuel Valls. Une scène digne d'un western urbain, au cœur de la zone de sécurité prioritaire des quartiers nord, ces fameuses ZSP, où le gouvernement assure déployer les moyens.
Ce jour-là, la guerre faisait rage entre les gangs pour le contrôle d'un point de deal rapportant 60.000 euros par jour. Or les assaillants sont allés jusqu'à s'adjoindre la puissance de feu d'hommes de main issus des Balkans. D'où les tirs sur les représentants de l'autorité. Un fonctionnaire local de la Sécurité publique le dit: «Ces mercenaires ne connaissant pas nos codes, ils ont fait usage de leurs kalachnikovs sans distinction.»
«Les zones de sécurité prioritaires, c'est de la com' gouvernementale ! À Nice, les moyens supplémentaires promis ont même diminué»
Plus de deux ans après la mise en place des ZSP, l'affaire soulève bien des questions. Les policiers attendent toujours une évaluation objective de cette politique, vendue comme une révolution dans la lutte contre la délinquance. Étrangement, le gouvernement reste muet sur ce dossier. Mais l'actualité se charge de rappeler combien ces quartiers demeurent instables.
La fusillade de Marseille a sonné comme un avertissement. Ailleurs, la situation interroge également. Le procureur de la République de Nice a révélé, lors de ses vœux annuels, que «dans les quartiers niçois situés en ZSP, la délinquance a fortement progressé de + 22,6 %». Au point que le maire UMP de la ville, Christian Estrosi, qui avait réclamé des ZSP à Manuel Valls, assure aujourd'hui: «Les zones de sécurité prioritaires, c'est de la com' gouvernementale!
À Nice, les moyens supplémentaires promis ont même diminué. Nous avons perdu des policiers nationaux. Il en manque 70 par rapport à l'effectif théorique. La Ville a payé pour l'État, dans la ZSP des Moulins, un commissariat subdivisionnaire de 250 places qui n'est plein qu'aux deux tiers. Et les habitants se plaignent, de façon récurrente, des réticences des agents à intervenir contre les rodéos nocturnes et les occupations agressives de halls d'immeuble.»
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«Aucune grille d'analyse sérieuse»
Bernard Cazeneuve a affirmé, dès juillet 2014: «Mon état d'esprit est de conforter les ZSP et d'activer des plans sectoriels qui donnent des résultats.» Une première évaluation en octobre 2013 avait conclu au «recul de 27,1 % des violences urbaines dans les 14 ZSP qui en ont fait un objectif». Ponctuellement, des améliorations ont été constatées, notamment sur les atteintes aux biens, à Évreux, Évry, Le Mans, Libourne, Lille, Lyon, Montbéliard, Montpellier, Nancy, Nanterre, Pontoise, Toulon ou Versailles. Mais la situation s'est dégradée à Avignon ou Perpignan.
«Les policiers veulent y croire, parce que la logique de coopération entre services est vertueuse»
Jean-Claude Delage, le secrétaire général d'Alliance, première force syndicale de la police, estime, qu'«il n'existe aucune grille d'analyse sérieuse de cette expérimentation». Le gouvernement annonce que les 500 policiers supplémentaires recrutés chaque année sont prioritairement affectés dans les ZSP. Mais il ne dit pas si les arrivées compensent les départs à la retraite…
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«Le succès des ZSP se mesure à l'aune de la satisfaction des habitants», renchérit un patron de PJ parisienne. À Sevran (Seine-Saint-Denis), au cœur de la ZSP, 700 kg de cannabis et 7 kalachnikovsont été saisis dernièrement. Quelques jours plus tard, de nouvelles bandes avaient repris le même hall d'immeuble…
Comme le soulignait il y a un an le premier bilan des ZSP dressé par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice, «l'une des difficultés rencontrées par plusieurs parquets est le déplacement de la ZSP dans les rues et quartiers limitrophes». En clair: un transfert de délinquance se produit.
«Choix arbitaires»
Par ailleurs, la création de ZSP trop importantes empêche un travail de haute couture. «Quand tout devient prioritaire, plus rien n'est prioritaire, souligne un haut fonctionnaire de police. Ne serait-ce que parce que nous travaillons à effectifs constants. Nous sommes bien contraints de faire des choix arbitraires et parfois affectifs face à des populations qui souffrent.»
Et de citer cette grand-mère qui, naïvement, remercia la police d'avoir débarrassé le quartier d'une bande de dealers et qui avouait: «Nous nous faisons fouiller par les nouveaux - (dealers NDLR) -, mais dans quinze jours, ils nous connaîtront mieux.»«Elle nous disait sans le savoir que nous avions échoué, dit-il. Alors nous avons décidé d'y retourner.»
vu sur : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/03/05/01016-20150305ARTFIG00404-ces-cites-o-les-delinquants-defient-la-loi.php