Le 1er janvier 2015 a marqué l’entrée en vigueur de l’Union économique eurasiatique (UEEA), plus ambitieux projet d’intégration en Eurasie.
Les économistes en sont convaincus : l’UEEA, qui unit la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Arménie, est un excellent instrument pour attirer des investissements étrangers – la mise en commun des potentiels des quatre pays réduit les coûts et simplifie la logistique, et l’ouverture des frontières permet l’afflux d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et bon marché.
Les sociétés logistiques fondent de grands espoirs sur l’UEEA : elles seront parmi les premières à pouvoir profiter de ses avantages. Le Courrier de Russie vous livre l’avis des experts.
Mise en commun des potentiels
Le principal objectif de l’Espace économique commun est de bénéficier de l’effet synergique de la mise en commun des potentiels : chaque participant reçoit davantage de la coopération que ce qu’il aurait obtenu en travaillant seul. Selon les calculs de la balance intersectorielle, l’UEEA pourrait avoir pour effet, en dix ans, d’augmenter de 17 à 20 % le PIB de chacun de ses États-membres, soit de 700 milliards de dollars au total.
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Il est encore trop tôt, toutefois, pour prédire l’impact de l’UEEA sur l’économie de chacun de ses membres. « Le taux moyen des droits de douane s’élève à 2,7 % en Arménie et à 6,9 % dans l’Union douanière, rappelle Alex Gene, attaché douanier auprès de l’ambassade de France à Moscou. L’Arménie reverra probablement ses droits à la hausse pour les faire correspondre à ceux de l’Union, ce qui augmentera le coût des importations depuis les pays tiers. » Le Kirghizistan, dont l’adhésion à l’Union est prévue pour 2015, devra enclencher les mêmes processus.éance de l’Union économique eurasiatique (UEEA), mars 2014. Crédits : kremlin.ru
Par ailleurs, les pays de l’ex-URSS ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce nouvel espace économique. À l’heure actuelle, plus de 30 États et organisations internationales ont déjà exprimé leur intérêt pour la création d’une zone de libre-échange avec l’Union économique eurasiatique. Le service de presse de la Commission économique eurasiatique a annoncé que des négociations étaient en cours avec l’Égypte, l’Inde et Israël. En outre, la fin de l’année dernière a vu s’achever le dernier cycle des négociations sur l’élaboration d’un accord de libre-échange avec la république socialiste du Vietnam, au cours duquel toutes les questions importantes ont été réglées.
Si Oleg Dounaïev ne se hasarde pas à juger des perspectives d’adhésion en qualité de membre à part entière de l’Union eurasiatique d’un État ne faisant pas partie de la CEI, il est néanmoins convaincu que la réalité objective conduira à mettre au point de nouveaux formats de coopération : « Il pourrait s’agir de statuts de membre associé, d’observateur ou de partenaire privilégié. » En outre, compte tenu des positions économiques stables des entrepreneurs turcs sur les marchés des pays de l’UEEA, l’expert pense que la Turquie est prête à développer activement ses relations avec la nouvelle entité économique internationale.
L’élargissement de l’Union profitera à tous, étant donné qu’il simplifiera les échanges commerciaux et le transport transfrontalier des marchandises et facilitera l’accès aux marchés. Plus la coopération engendrera d’exemples positifs, plus important sera le nombre de pays souhaitant renforcer leurs relations avec l’UEEA par un statut juridique particulier.
À grands pas
Les entreprises s’adaptent assez rapidement aux changements entraînés par la création de cette nouvelle entité. Par exemple, lors de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2011, de l’Union douanière et de la suppression des contrôles douaniers aux frontières intérieures de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan, la transition vers le nouveau format de travail s’est faite sans accroc pour les entreprises, qui s’y étaient préparées.
« Il y a bien eu, au début, des problèmes de coopération avec les services biélorusses chargés du contrôle vétérinaire et phytosanitaire mis en place à la frontière de l’Union douanière. Mais la situation s’est rapidement stabilisée », se souvient Natalia Volguina, directrice des achats chez AUCHAN Russie.
Les experts distinguent de nombreux éléments positifs dans la situation douanière actuelle de l’UEEA. Ainsi, depuis le 1er janvier 2014, la déclaration des marchandises au sein de l’Union se fait entièrement par voie électronique, et ce via 26 centres. […]
Alex Gene relève également la suppression de l’obligation de présenter une série de documents à la banque et la classification des participants aux échanges commerciaux. Selon lui, la réglementation douanière de l’Union économique eurasiatique a, de manière générale, des résultats très positifs : « L’UEEA a accompli en cinq ans ce qui en a demandé 25 à l’Union européenne. »
L’élargissement de l’Union profitera à tous, étant donné qu’il simplifiera les échanges commerciaux et le transport transfrontalier des marchandises et facilitera l’accès aux marchés.
Miser sur le dialogue
Malgré ces premiers succès, le fonctionnement de la nouvelle union présente encore nombre de problèmes sur lesquels il faut se pencher. « L’étape finale de tout projet lié au commerce extérieur, c’est l’accomplissement des formalités douanières, rappelle Evguenia Danilina, directrice commerciale du holding douanier Targo. C’est à ce moment précis que se révèlent tous les défauts et imperfections. Et il faut savoir que ce processus commence bien avant l’entrée effective des marchandises, en particulier dans le cas des équipements techniques. »
La conjoncture actuelle vient ajouter des difficultés à des procédures déjà compliquées : l’instabilité des taux de change, l’augmentation significative du coût des livraisons dans leur équivalent en roubles et la cherté des crédits d’acquisition d’équipement obligent les entreprises à revoir leurs projets à long terme. Ce qui ne manquera pas d’entraîner une diminution considérable des importations. Pourtant, Evguenia Danilina est persuadée que, si les sanctions sont maintenues, d’autres pays viendront rapidement occuper la place des exportateurs européens sur le marché russe. « L’expérience et la pratique montrent qu’après l’accalmie, les volumes de livraisons commenceront à croître, que ce soit dans l’alimentation ou dans les équipements industriels, estime Mme Danilina.
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Au fond, toute l’économie de l’Union est créée « à partir de zéro » : des règles communes sont instaurées pour les marchés des pays participants, qu’elles concernent la production d’alcool, l’électricité ou l’industrie pharmaceutique. Élément important : les chefs d’entreprises apportent eux-mêmes de nombreuses corrections aux nouveautés déjà en place – une preuve que le dialogue fonctionne bien au sein de l’Union économique eurasiatique.