À Istanbul, autrefois Constantinople, Sainte-Sophie, basilique chrétienne construite en 532 puis embellie au cours des siècles, a été pendant un millénaire la cathédrale phare de l’Empire byzantin. En 1453, les Turcs ont détruit cet État chrétien, terminant à l’avantage de l’islam une guerre commencée par Mahomet en personne.
En effet, le Prophète a, semble-t-il, lancé dès 639 un raid infructueux contre les héritiers orientaux de l’Empire romain. Le sultan ottoman Mehmet II (le bien-nommé !) a symboliquement pénétré à cheval dans la cathédrale Sainte-Sophie. Il a ordonné de la transformer en mosquée pour marquer de manière éclatante la victoire du croissant sur la croix. Conformément aux préceptes de l’islam, les fresques murales qui ornaient l’église ont été recouvertes de stuc.
En 1934, Kemal Atatürk, dont il faut une nouvelle fois saluer la largeur d’esprit et la modernité de la pensée, a décidé en 1934 que Sainte-Sophie deviendrait un musée. Il l’a fait restaurer dans son état primitif. On a notamment libéré de leur gangue de plâtre les magnifiques décorations et les peintures chrétiennes.
Depuis 10 ans, les milieux islamiques turcs mènent une guerre sourde et implacable afin que Sainte-Sophie redevienne une mosquée. Ils font du lobbying, organisent sans cesse des jeûnes et des manifestations. Ils viennent par milliers défiler devant l’ancienne église et ont prévu de rompre le prochain ramadan sur son parvis. Le président turc, M. Erdoğan, ne leur a pas encore donné gain de cause mais il hésite à le faire. En attendant, il vient d’évoquer la réouverture au culte de la Mosquée bleue qui fait face à Sainte-Sophie.
Ce combat des islamistes est évidemment symbolique ! La victoire de Mehmet II sur le lamentable Empire byzantin est pour les extrémistes une date qu’il faut commémorer encore et toujours. Pour eux, la place de la chrétienté n’est pas à côté de l’islam mais en dessous, dans un rang subalterne.
Dans l’eschatologie musulmane, un des signes de la fin du monde est la chute du second Empire romain. Cette défaite précédera de peu la venue de l’Antéchrist et la descente du ciel de Jésus. Certains pensent donc qu’en réactivant le symbole le plus visible de la prise de Constantinople, on se rapprochera de la fin des temps.
Cette quête des signes imprègne l’islam extrémiste. On ne comprend rien à certaines décisions de Daech si on ne s’y réfère pas. Par exemple, des islamistes identifient les USA comme ce fameux second empire romain. Or, une tradition musulmane prophétise que la bataille finale entre les forces du croissant et les Romains aura lieu près d’une petite ville syrienne sans intérêt stratégique. L’État islamique a tout fait pour s’en emparer et s’y maintenir contre toute logique militaire.
Atatürk avait imposé à son pays un islam moderne. Le voile était interdit. La Turquie avait réussi à se moderniser sans se renier. Son œuvre est jetée à bas ! Si Sainte-Sophie redevenait une mosquée, il n’en resterait plus rien !
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