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5 décembre 2015 13:05
 
source  Rédigé par Hicham Rouibah sur SaphirNews
 
Sans apporter un regard religieux, cet article propose une lecture critique et un questionnement autour de deux concepts hybridés « islamiste » et « islamique ». 

Tout commence lors d’un débat sur l’islam et le monde arabe dans un établissement parisien d’études supérieures en décembre 2014. J’ai posé des questions à des chercheurs et à des étudiants : quelle est la différence entre « musulman », « islamiste », « islamique » ? Entre « jihadiste » et « moujahid » ?
La cinquantaine de personnes présente dans la salle ne parvient pas à m’apporter une réponse véritablement argumentée à mes questions. Cela reflète bien la méconnaissance du public, intellectuel ou pas, des mots qu’ils utilisent dans leurs discours. 

Littéralement, le mot « islamique » désigne ce qui appartient à l’islam, et « islamiste » ce qui en rapport à l’islamisme, sachant que ce dernier englobe différentes variétés de « fondamentalisme »et d’« extrémisme ». 

Par ailleurs, les dictionnaires de la langue française ne donnent pas une même définition de l’« islamisme », certains comme les 38 DRC (Dictionnaires et recueils des correspondances) le définissent par : « Ensemble des pays soumis à la loi du prophète Mohammed (…). Vieilli : religion musulmane ». Tandis que le dictionnaire Larousse le présente comme un « mouvement regroupant les courants les plus radicaux de l’islam, qui veulent faire de celui-ci une véritable idéologie politique par l’application rigoureuse de la charia (…). Vieilli : de l’islam ». 

Les deux définitions proposées par ces dictionnaires produisent une forme d’hybridation sémantique qui ne fait qu’accroître l’amalgame autour de l’islam. On comprend ici la nature de la problématique qui caractérise les discours qui ne distinguent guère « islam » et « islamisme ».
 

 

La définition de l'islamisme dans Le Grand Robert (éd. 2001).
La définition de l'islamisme dans Le Grand Robert (éd. 2001).

L’impact sur l’image de l’islam et des musulmans

Concrètement, selon les médias, un terroriste « musulman » se traduit inévitablement par l’« islamiste »en référence à son « islamisme » et à son « radicalisme ». Toutefois, et à titre de comparaison, les partis politiques dans certains pays musulmans (Les Frères musulmans en Egypte, Al-Nahda en Tunisie…) sont présentés par les médias comme des partis islamistes et non pas islamiques.
Ainsi, en suivant la logique de ces présentations, les partis politiques islamistes seraient donc des partis potentiellement terroristes ? Pourtant, le lien que l’on veut accorder ici et dans la plupart des cas est l’attachement de ces partis politiques à l’islam et non pas à l’islamisme. 

D’autre part, paradoxalement, les groupes de Daesh sont présentés comme un « État islamique » et non pas un « État islamiste », bien que les membres de Daesh, selon les médias, soient bel et bien des islamistes-terroristes. Alors, pourquoi ne pas les qualifier d’« État islamiste » ?
Ou bien islamiste rime seulement avec une personne physique et islamique uniquement avec une personne morale ? Si c’est le cas, pourquoi parle-t-on de partis politiques islamistes (qui sont bien des organisations et non pas des individus) ?
Je rappelle tout de même que le dictionnaire nous apprend que « islamique » est renvoyé à l’islam et non pas à l’islamisme. Ainsi, est-on conscients des enjeux suscités par ces termes significatifs sur l’image de l’islam et des musulmans ? Ou bien veut-on effectivement déformer la figure de l’islam et mener des attaques frontales contre ce dernier ? 

On peut poser de nombreuses questions autour de ces propos choisis arbitrairement par d’innombrables intellectuels : journalistes, chroniqueurs, présentateurs… qui ne donnent jamais d’explications justifiées. Seuls de rares penseurs manifestent leur position, tel Edgar Morin (invité de Patrick Simon, TV5 Monde, 2013) : « (…) le mot islamique est un mot valise qui recouvre beaucoup de réalités (…), il est dommage, à mon avis, de réduire le mot islamique comme on le fait actuellement. » 

Dans un autre registre sémantique, à propos des autres religions monothéistes, il n’y a pas de confusion entre « christianiste » et « christianique », ou entre « judaïste » et « judaïque », comme ce fut le cas avec l’islam. Tout simplement parce que les termes « christianiste » et « judaïste » ne figurent pas dans le langage médiatique et donc sont inexistants dans la langue française. 

***** 
Hicham Rouibah est doctorant en socio-économie et en anthropologie politique à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et à l’IRD (Institut de recherche et développement).
 

 

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