Les raisons de la colère qui secoue les commissariats depuis plusieurs semaines sont nombreuses. Des "flics de terrain" vauclusiens ont accepté de témoigner de leur quotidien, entre rage et résignation
... Agissant hors du cadre des syndicats, ils n'ont pas plus d'estime pour les politiques. Pour ces flics désabusés, les premiers, "subventionnés par le pouvoir pour assurer la paix sociale", "ne se battent que pour l'avancement et les mutations de leurs adhérents". Et reproduisent le jeu de rôles des seconds : "Les deux organisations majoritaires, Unité SGP-FO et Alliance, c'est comme le PS et Les Républicains. À chaque changement de majorité gouvernementale, l'un ou l'autre accroît son influence".
"Les gens en ont marre de l’impunité. D’ailleurs, on reçoit beaucoup de messages de soutien."
... Désireux avant tout de "travailler dans des conditions dignes", les policiers frondeurs du Vaucluse rêvent entre autres d'un nouveau commissariat à Cavaillon : dans l'actuel, "mis en cause et victimes se croisent dans le même escalier... puisqu'il n'y en a qu'un !" Sans trop se bercer d'illusions, ils se verraient bien, aussi, conduire des véhicules plus aptes à leur faire remplir leur mission que leurs vieux Peugeot Partner en bout de course, "des bétaillères". Et pourquoi pas s'imaginer plus nombreux ?
"A Orange, 33 000 habitants, la nuit, il n'y a plus qu'une patrouille de deux qui tourne. Huit ans en arrière, il y en avait quatre." Un fait divers récent dans la Cité des Princes vient illustrer ce renoncement : "Dans une cité, on s'est retrouvé face à une vingtaine de jeunes qui nous jetait des pierres. On a attendu que les renforts arrivent d'Avignon..."
La quasi-absence de formation est un autre motif d'exaspération : "On fait trois séances de tir avec trente cartouches par an. C'est une obligation minimale qui, dans les faits, est devenue un maximum. Forcément, on n'est pas à l'aise avec une arme." Mais dans ce torrent d'amertume, c'est peut-être "la nullité de la réponse judiciaire" qui se fait le plus entendre.
"Je n'aime pas m'en prendre aux juges, consent un de nos interlocuteurs, ils font avec des moyens limités eux aussi. Mais il y a moins de risque à être délinquant que policier aujourd'hui."