Un an après son ouverture, le camp de migrants de Grande-Synthe tombe en déliquescence. Les passeurs y font la loi et la population a doublé.
Comme un « monstre » qui aurait échappé à ses créateurs. Le 7 mars 2016 ouvrait à Grande-Synthe (Nord), à l'initiative de la mairie et de MSF, le premier et unique camp de réfugiés de France aux normes humanitaires. 300 cabanons sortaient de terre, sur un terrain drainé, à même d'accueillir dignement plusieurs centaines de migrants, loin de l'extrême précarité dans laquelle ces derniers vivaient jusqu'alors.
Las, ce qui était conçu comme provisoire s'est inscrit dans la durée. Et c'est un triste anniversaire qui se profile pour la Linière, dont l'avenir faitl'objet de négociations entre la mairie et l'Etat.
Plus qu'au démantèlement, il semblerait que l'heure soit à la « reconfiguration. » « Il y a urgence », prévient Amin Trouvé Baghdouche, coordinateur de Médecins du monde (MDM) pour la Côte d'Opale, ONG que nous avons suivie dans le camp.
Cette urgence, c'est celle de mettre à l'abri les femmes et les enfants, premières victimes de l'extrême violence qui règne sur place. « Leur situation n'avait pas été réfléchie en amont, relève le coordinateur de MDM. Il faut envisager qu'une partie du camp leur soit dédiée. »
Plus nombreux à arriver qu'à repartir
Pour les acteurs de terrain, le constat partagé est celui d'une déliquescence, tant des installations que de la gestion. Initialement, il était prévu de démolir les abris en bois au fur et à mesure que leurs occupants les quitteraient. Mais quand 700 l'ont fait en 2016, ils ont été plus nombreux encore à les remplacer. Alimenté en partie par le démantèlement en octobre de la « jungle » de Calais, à laquelle la Linière n'a plus grand-chose à envier, le flux d'arrivées ne s'est jamais tari. Ce sont ainsi 1 450 personnes qui vivent maintenant dans le camp, soit une population multipliée par deux depuis début 2017.
Une manne pour les passeurs, qui font ici la loi. Récemment, le quotidien anglais « The Guardian » s'est fait l'écho de nombreuses violences subies par les plus faibles, dont des viols, selon l'effroyable constat d'une ONG, Dunkirk Legal Support Team. « Ce qui est inacceptable dans un camp censé être humanitaire, mis en place par une ONG et géré par une association chapeautée par les pouvoirs publics », dénonce Amin Trouvé Baghdouche. Contactée, la mairie de Grande-Synthe n'a pas donné suite à nos sollicitations.