Alors que Vladimir Poutine avait évoqué Anne de Kiev pour vanter l'ancienneté des liens franco-russes devant Emmanuel Macron quelques semaines plus tôt, ce dernier a fait de la princesse slave devenue reine de France une figure ukrainienne.
Alors que le président ukrainien Petro Porochenko était reçu ce 26 juin par Emmanuel Macron à l'Elysée, les deux chefs d'Etat ont livré une conférence de presse commune. Si la question de la Crimée a bien évidemment été abordée, l'histoire était également au rendez-vous, et plus précisément l'histoire médiévale européenne.
«Une relation de très longue date existe entre nos deux pays», s'est réjoui Emmanuel Macron, évoquant les racines communes de la France et de l'Ukraine à travers la figure d'Anne de Kiev... à qui il a ainsi attribué des origines ukrainiennes. Ce qui aurait pu passer pour une anecdote destinée à illustrer le discours du président français n'a en réalité rien d'anodin.
En effet, cette princesse qui épousa le roi des Francs Henri Ier en 1051 a longtemps incarné dans la mémoire historique française, sous le nom d'Anne de Russie, le symbole de l'union entre la France et ce qui s'appelait alors la Ruthénie prémongole. Ce vaste empire, qui exista du IXe au XIIIe siècle, évolua plus tard en trois Etats distincts : la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie, et verra ainsi son héritage souvent disputé par les historiens, en tant que plus ancienne entité politique commune à ces trois Etats slaves orientaux actuels.
Attribuer l'héritage exclusif d'Anne de Kiev à l'Ukraine serait-il alors la simple conséquence d'une méconnaissance de l'histoire de la part d'Emmanuel Macron ?
Difficile de le croire. Reçu par le président français à Versailles le 29 mai dernier, Vladimir Poutine avait en effet eu l'occasion de rappeler à celui-ci qui était Anne de Kiev. Alors qu'Emmanuel Macron venait de rendre hommage à la visite de Pierre le Grand à Versailles en 1717, voyant dans cet événement le début des relations franco-russes, Vladimir Poutine avait fait mine de s'amuser de cette courte vue. «Ce n’est pas avec Pierre le Grand en 1717 qu’ont commencé nos relations : les racines sont encore plus lointaines.
Vous avez probablement entendu parler de la reine Anne de Russie… », avait-il souligné. «Elle a contribué au développement de la France puisqu'elle a été l'une des fondatrices de deux dynasties européennes, les Valois et les Bourbons, les seconds étant toujours chefs d'État en Espagne», avait alors rappelé le président russe.
Par cette brève évocation historique, Emmanuel Macron a sans doute voulu flatter le président ukrainien. Il a par ailleurs profité de cette conférence de presse commune pour assurer que la France ne reconnaîtrait pas l'«annexion de la Crimée» par la Russie. «La France est attachée à la souveraineté de l'Ukraine dans ses frontières reconnues», a-t-il déclaré, au terme d'une rencontre d'une heure avec le président ukrainien.
En mars 2014, quelques mois après le début du conflit, la Crimée avait été rattachée à la Russie après un référendum lors duquel 96,7% des votants de la péninsule avaient approuvé la réunification avec la Russie. Moscou a souligné à plusieurs reprises que le référendum s’était déroulé conformément au droit international et à la charte de l’ONU.