La dérive sociétale continue
On savait la décision du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) imminente concernant l’élargissement du droit à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Le moins qu’on puisse écrire est que son « avis » favorable – forcément favorable, aurait pu écrire Marguerite Duras – n’a guère surpris. Elle s’inscrit dans une longue dérive éthique dont on peut penser qu’elle débouchera demain sur l’euthanasie et la GPA quels que soient les démentis outrés des uns ou des autres. Car la logique est là ! En marche !
Chacun connaît les attendus de la question. Inutile de s’y étendre. A ce jour, la procréation médicalement assistée est réservée en France aux seuls couples hétérosexuels, dans les cas d’infertilité. La femme a recours au sperme d’un donneur anonyme, son mari étant en droit, considéré comme le père de l’enfant.
L’accès au mariage pour les couples homosexuels portait en soi, en toute logique, celui de la filiation. L’élargissement du droit à la PMA pour les couples de femmes était d’ailleurs inscrit dans la première mouture de la loi Taubira. La pression de la rue avait incité le gouvernement à le dissocier du « mariage pour tous » et à le renvoyer à une future loi d’orientation sur la famille qui, pour les mêmes raisons conjoncturelles, fut reportée sine die.
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Mettre au monde des orphelins… adoptables !
Pour les tenants de l’élargissement, il n’y aurait plus aujourd’hui de raison majeure de refuser cette nouvelle « loi de progrès ». Pour ses opposants – dont je suis avec constance – la mesure reste éthiquement contestable qui vise à programmer volontairement la naissance d’un enfant orphelin de père, au motif qu’il sera adopté, à sa naissance, par le conjoint de sa mère biologique. Redisons ici que cette pratique est à ce jour contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui garantit à chacun d’eux « le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux », sauf accident de parcours.
Or en France le don de sperme est anonyme. Ce qui implique que l’enfant à naître ne saura pas qui est son père. On pourrait, certes, imaginer revenir sur cet anonymat. Mais une autre réalité s’impose alors : à ce jour, les donneurs de sperme sont insuffisants au regard de la demande de PMA pour les seuls couples hétérosexuels. Si demain l’anonymat devait être levé, combien d’hommes accepteraient encore d’être donneurs bénévoles au moment même où la demande serait multipliée ? A moins que l’on glisse alors, subrepticement, vers une rémunération du don de sperme ? Donc vers une autre forme de marchandisation du vivant…
Ce « droit à l’enfant » qui n’est inscrit dans aucune déclaration des Droits de l’homme – pas plus pour les couples hétérosexuels qu’homosexuels – devra-t-il demain être pris en charge financièrement par la Sécurité sociale ?
Dans le même temps où des malades se voient restreindre leur accès aux soins pour raisons d’économies. Une fois encore, nous sommes là dans un débat purement idéologique.
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Un président sur des oeufs
Dans son avis du 27 juin 2017, le CCNE se prononce en revanche contre la légalisation de la GPA, c’est à dire pour la possibilité offerte aux couples d’hommes de recourir à des mères porteuses. Avec pour argument « qu’il ne peut y avoir de GPA éthique ».
Mais on est en droit de s’interroger. Dans ses attendus sur la PMA, le CCNE dit répondre à la « souffrance » des couples de femmes ne pouvant accéder à la maternité. Dans une société où l’égalité des droits semble devenue la règle absolue, on ne voit guère pourquoi les hommes ne pourraient pas faire prévaloir, demain, leur propre « souffrance » de ne pouvoir accéder à leur tour à la paternité.
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Il ne s’agit là, pour l’heure, que de l’avis du CCNE. On peut imaginer que le dossier est désormais entre les mains du président de la République. Un président que l’on sait, à titre personnel, plutôt ouvert sur ces questions de société, du fait du « libéralisme » à la fois économique et culturel qui est sa marque. Même s’il s’est bien gardé de tout engagement trop affirmé durant la campagne, disant simplement son accord de principe à l’élargissement du droit à la PMA pour les couples de femmes.
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C’est assez dire combien, sur cette question, le chef de l’Etat marche sur des œufs. Il en est conscient. Il sait parfaitement compter parmi ses soutiens dans l’opinion, des citoyens qui ont rompu avec la gauche en partie à cause de la loi Taubira.
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Un combat culturel
Mais soyons en sûrs, le débat n’en sera que différé. Aussi longtemps que l’opinion publique adhérera majoritairement à la logique de l’individualisme libéral, la société se verra sommée de tout mettre en œuvre, au niveau législatif aussi bien que financier, pour permettre à chacun de satisfaire ses propres désirs dont on sait qu’ils sont, par nature, illimités.
Une société, dans sa dimension civilisationnelle, peut-elle survivre à pareille évolution ? ... Une société où l’on cesserait de fonder l’égalité des droits des adultes sur la négation de l’égalité des droits des enfants.