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david MIEGE
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7 juin 2017 16:27
Selon l'Union Générale des Ingénieurs, Cadres et Techniciens (UGICT-CGT), le gouvernement ne dévoile pas l'ensemble du contenu qu'il souhaite modifier dans la loi régissant le travail. L'union va plus loin en estimant qu'il s'agit là d'un objectif assumé pour « ne pas courir le risque de contraintes insurmontables au stade de la rédaction des ordonnances ». Dans un exposé, l'union a décidé de faire « un décryptage détaillée de ces huit ordonnances qu'Emmanuel Macron aurait préféré ne pas dévoiler avant les législatives ». 

Le renvoi à l’entreprise de la quasi-totalité des droits : la généralisation du dumping 

Le temps de travail
L’UGICT-CGT assure que, concernant le travail de nuit qui y est mentionné, le projet de loi pourrait :
  • augmenter les durées maximales de travail de nuit ;
  • supprimer les contreparties obligatoires en matière de repos et de rémunération ;
  • modifier la définition du travail de nuit, qui correspond aujourd'hui au travail effectué entre 21 h et 6 h du matin. Demain, cette plage horaire pourrait être raccourcie.

Exemple : Aujourd'hui tout travail effectué au cours d'une période d'au moins 9 heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures est considéré comme du travail de nuit. Il s'agit d'une disposition d'ordre public. À défaut d'accord particulier, c'est entre 21 h et 6 h. Avec les ordonnances, cette période pourrait être raccourcie par un accord d'entreprise entre minuit et cinq heures par exemple. Par conséquent le nombre d'heures majorées pour le salarié serait plus faible.

Le télétravail est également ciblé. Alors que les syndicats viennent de forcer le patronat à signer un document prévoyant une négociation interprofessionnelle encadrant le télétravail, les ordonnances pourraient autoriser les entreprises à définir elles-mêmes l'ensemble des droits des télétravailleurs. 

Le contrat de travail

Si, comme le rappelle l’Union Générale des Ingénieurs, Cadres et Techniciens, ce sujet n’a pas été évoqué dans la campagne électorale, ni été débattu, elle note que le projet autorise le gouvernement à modifier de fond en comble les règles légales régissant le contrat de travail en les renvoyant à l'accord d'entreprise.

Avec ses ordonnances, le gouvernement pourrait permettre par accord d'entreprise :
  • de créer de nouveaux cas de recours au CDD ;
  • de modifier ou supprimer la durée maximale d'un CDD et le nombre de renouvellements (18 mois et 3 renouvellements aujourd'hui) ;
  • ou encore de modifier le montant de l'indemnité de précarité (10 %) ;
  • ainsi que les « conditions et conséquences » de la rupture du CDI.



Plafonner les indemnités prudhommes en cas de licenciement abusif, sans aucune précision sur le montant du plafond 

L’union assure que, pour la troisième fois, Emmanuel Macron essaie de faire adopter cette disposition contre l'avis de l'ensemble des organisations syndicales. Il s'agit, en cas de condamnation d'un employeur par les prudhommes pour licenciement abusif, de limiter le montant des dommages et intérêts versés au salarié. Initialement prévue dans la loi Macron de 2015, elle a été retoquée par le Conseil constitutionnel.

Avec quelques modifications de forme, elle a été glissée en 2016 dans la loi El Khomri, puis retirée, face à la mobilisation. Aujourd'hui, la condamnation est adaptée au préjudice subi, et le juge tient compte de l'ancienneté, la durée du chômage, la situation de famille et le nombre d'enfants à charge, l'âge, etc.

« Le projet d’habilitation ne donne aucune information sur le montant des plafonds retenus, mais on se souvient que ceux retenus l'année dernière dans la première version de la loi El khomri étaient particulièrement faibles (plafonds inférieurs aux condamnations moyennes). En outre, le gouvernement avait parlé d’instaurer des condamnations forfaitaires, indépendamment du salaire du salarié concerné, ce qui aurait particulièrement ciblé les ingés, cadres et techs, et tiré le montant des condamnations vers le bas. » 


Étendre le référendum pour permettre l'adoption d'un accord contre l'avis des syndicats majoritaires. Les référendums introduits par la loi El Khomri ne pouvaient jusque là qu'être utilisés par les syndicats, l'employeur pourra désormais en déclencher 

Pour généraliser les accords dérogatoires d'entreprise, il faut faciliter leur adoption. Pour cela, la loi El Khomri a proposé le référendum, permettant, quand un accord est refusé par les syndicats majoritaires, de le faire adopter par référendum auprès des salariés.
« Le 1er référendum organisé a confirmé les craintes de la CGT. Initié à RTE, le référendum visait à faire adopter un recul des droits des agents de maintenance sur leurs astreintes et du travail le soir et le WE... en demandant leur avis à l'ensemble des salariés, dont la moitié (et notamment les ingés, cadres et techs) n'était pas concernée ».

Le gouvernement voudrait donc étendre le recours aux référendums. Jusque là réservé aux syndicats, il pourrait maintenant être lancé à l'initiative et dans les conditions décidées par l'employeur.

Redéfinir le rôle de l'accord de branche et réduire leur nombre 

L’union rappelle que, grâce à la mobilisation contre la loi El Khomri, il a pu être obtenu que la loi précise qu’il y a six sujets sur lesquels l’accord de branche prime forcément sur l’accord d’entreprise :
  • les salaires ;
  • les classifications ;
  • l’égalité professionnelle ;
  • la pénibilité ;
  • la formation professionnelle ;
  • la prévoyance.

Et de noter que « réformer cette disposition par ordonnance a probablement pour objectif de supprimer tout ou partie de ces six domaines » 
 
 

La « simplification » des institutions représentatives du personnel et la fusion entre délégué du personnel, CHSCT et comité d'entreprise dans une instance unique. Le projet va plus loin que prévu et prévoit à titre expérimental de fusionner aussi le Délégué Syndical 

L’union note qu’alors que la réforme de 2015 (loi Rebsamen) commence à peine à s'appliquer, le gouvernement remet le couvert pour réformer les instances de l'entreprise. L'objectif: fusionner le Comité d'Entreprise, le CHSCT et le Délégué du personnel dans une instance unique. Pourtant, plusieurs possibilités ont été introduites en 2015, et notamment :
  • pour les entreprises de moins de 300, l'employeur peut mettre en place une délégation unique du personnel regroupant CE et DP ;
  • dans les entreprises de plus de 300, par accord d'entreprise, l'employeur peut créer une instance unique ;
  • le gouvernement veut aller encore plus loin (sans évaluation des réformes précédentes), ce qui pose plusieurs problèmes ;
  • la remise en cause du rôle du CHSCT, qui, aujourd'hui, a une personnalité juridique qui lui permet d'aller en justice, de faire des enquêtes ou diligenter des expertises (par exemple sur les risques psychosociaux, les violences sexuelles…) C’est ce qui a permis de faire annuler un plan social à la FNAC, du fait des risques psychosociaux qu’il faisait courir aux salariés qui auraient vu leur charge de travail exploser ;
  • le risque que les missions du CHSCT soient financées sur le budget du CE, amputant d'autant les moyens pour organiser une offre de culture et de loisir, la restauration... en particulier, le CHSCT peut demander des expertises sur la santé et la sécurité, financées par l'employeur. Le Medef cherche depuis longtemps, à limiter le nombre d'expertises à les faire payer par le CE ;
  • la baisse du nombre d'élus, et la suppression des instances de proximité, les DP et les CHSCT.


Renforcer les moyens du dialogue social avec des moyens en formation et en temps supplémentaire, et l'introduction d'une forme de chèque syndical

Pour l’union, il s’agit probablement d’une contrepartie destinée à faire avaler la pilule de tous les reculs précédents, mais le compte n’y est absolument pas.
Le projet prévoit :
une forme de chèque syndical, avec la possibilité par le salarié d’apport des ressources financées par l’employeur au syndicat de son choix, sur le modèle de ce qui existe à Axa ;
un renforcement de la formation des élus, et des mesures (non précisées), pour reconnaître celui-ci dans les carrières et lutter contre la discrimination syndicale.
La CGT porte de nombreuses propositions sur le sujet, rendues publiques à l’occasion de l’action de groupe contre les discriminations syndicales à Safran. Pas de réponse là-dessus pour l’instant…

Renforcer le pouvoir de Conseils d'Administration et « inciter » à une meilleure représentation des salariés dans les CA 

« Au lieu de généraliser les administrateurs salariés, d'augmenter leur nombre et leurs prérogatives pour se rapprocher des pays d'Europe du Nord, on se limite à des mesures "incitatives". Sachant que le patronat refuse obstinément de partager les orientations et décisions stratégiques, une simple incitation ne permettra pas d'aller bien loin. » 

Réformer l'assurance chômage

Le gouvernement s’était engagé auprès des syndicats que la réforme de l’assurance chômage ne se ferait pas par ordonnance, visiblement les arbitrages ne sont pas si clairs. Les éléments annoncés sur l’assurance chômage et la formation professionnelle sont les suivants :
l’ouverture du système aux indépendants et aux salariés après une démission, le renforcement du contrôle des chômeurs ;
la gestion tripartite du système (actuellement géré uniquement par les syndicats et le patronat) au prétexte que la dette du régime est actuellement garantie par l’État ;
une réforme de son financement, avec suppression des cotisations chômage qui seraient remplacées par la CSG ;
l’utilisation des fonds de la formation professionnelle pour financer la formation des demandeurs d’emploi, la fin du paritarisme de sa gestion.

Source : UGICT-CGT

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