Une question passionnée. Depuis la parution d’un article du Parisien sur le harcèlement des femmes dans le quartier de la Chapelle, une chape de plomb s’est levée dans ce coin du nord-est de Paris.
Dans cet article, publié le 18 mai, certaines femmes assurent qu’elles ne peuvent plus sortir seules dans les rues, « porter une jupe ou un pantalon trop près du corps » sans se faire insulter et agresser.
Deux associations du quartier, SOS La Chapelle et Demain La Chapelle, ont lancé une pétition pour dénoncer la situation de ces femmes, qu’elles décrivent comme « une espèce en voie de disparition au cœur de Paris ». Le 6 juin, la pétition totalisait près de 20 000 soutiens.
Depuis, dans les cafés, les commerces, à la sortie des écoles, sur les panneaux d’affichage, les appels à résister à une description « caricaturale » du quartier font face aux louanges d’une « vérité » que l’article aurait « enfin » exprimée.
Mais le constat est unanime : le quartier de la Chapelle n’est pas comme les autres. De la place centrale saturée et surplombée par le métro aérien à la halle Pajol récemment inaugurée, un condensé de cultures et de misère s’entrecroise. Franceinfo a passé une semaine dans ce quartier de Paris pour rencontrer ceux qui le font vivre. Voici leurs témoignages.
(…) Lucie est lasse de voir la parole des femmes remise en question. Depuis son installation dans le quartier, il y a deux ans, cette chargée de communication ne compte plus le nombre de fois où elle s’est fait insulter ou siffler. « Ça va de l’interpellation – ‘eh coquine’, ‘t’es charmante’ – à l’insulte – ‘baisse les yeux salope’, raconte-t-elle.
Au début, je répondais, je leur disais ‘ta gueule’, ‘espèce de connard’, mais en fait, ça ne servait à rien. Le lendemain, un autre recommençait. » Il y a aussi les gestes, les regards, les souffles dans le cou ou les murmures qu’elle seule peut entendre. « Les hommes ne crient pas quand ils agressent. Ils font bien en sorte que seule la femme visée puisse entendre, c’est très pervers. Je me suis sentie sale plusieurs fois », décrit-elle. (…)
(…) Habitante d’un immeuble donnant sur la place de la Chapelle, Laurence prend sur elle, mais sa voix douce tremble entre deux phrases. « On ne peut pas prendre plaisir à se promener ici quand on est une femme. Depuis près de deux ans, notre immeuble est le territoire de bandes de trafiquants. Chaque jour, à partir de 16 heures, des gamins forcent la porte d’entrée et s’installent dans le hall pour dealer. Ils nous menacent, ils fument du shit, ils nous défient. »
« On nous traite de fachos, de racistes, mais on est juste impuissants. » Sur la porte de son immeuble, Laurence a d’ailleurs collé un texte où elle dénonce « ces habitudes ». « On s’habitue à cacher nos formes, à baisser la tête, surtout quand on rentre tard, et puis… tout le temps en fait. » « Le problème, ici, c’est une surpopulation d’hommes et de trafiquants. Quelle femme s’y sentirait bien ? » (…)
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