Dominique Raimbourg, rapporteur de la mission de contrôle parlementaire de l’état d’urgence, livre un regard contrasté sur la prolongation de ce dispositif.
Cette fois, c’est la dernière. Les parlementaires doivent voter ce jeudi la sixième prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet, déjà adoptée mercredi au Sénat. Une prolongation qui accouchera d’une loi anti-terroriste en novembre. Régime d’exception, l’état d’urgence est mis en place depuis 20 mois. Vilipendé par les défenseurs des libertés publiques, son bilan est contrasté. Dominique Raimbourg, ex-député PS et contrôleur parlementaire de l’état d’urgence, nous explique pourquoi.
L’état d’urgence est prolongé pour la sixième fois, a-t-il encore une utilité ?
Dominique Raimbourg : Aujourd’hui, l’état d’urgence sert de façon modeste. Si on regarde les chiffres, on voit que l’utilisation des mesures les plus restrictives diminuent. Lors de la cinquième prolongation, seules 161 perquisitions administratives ont été menées, contre 3 591 les premiers mois, entre novembre 2015 et mai 2016. L’arsenal législatif a largement été renforcé, on peut dire qu’il a atteint ses limites. Mais c’est bon signe, cela veut dire qu’on amorce une sortie de l’état d’urgence.
Alors pourquoi continuer à le prolonger ?
Il faut quand même rappeler que l’état d’urgence a permis de répondre à une situation d’urgence, pour laquelle les services de renseignement et de l’état n’étaient pas préparés. Dans les jours qui ont suivi l’attentat du 13 novembre, plus de 450 assignations à résidence ont été prononcées. L’état d’urgence a également permis d’assécher la logistique des terroristes, notamment ceux qui s’appuyaient sur des trafiquants d’armes et de drogue. C’est parce qu’il permet des garanties que nous avons voté la dernière prolongation. Nous arrivions dans une période électorale, présidentielle puis législatives, donc nous il semblait normal d’avoir des mesures préventives. Mais désormais, ces assignations et ces perquisitions doivent redevenir judiciaires.
Avez-vous constaté des abus de l’utilisation de l’état d’urgence ?
Des cas ont pu faire polémique, tels que pour les militants de la Cop 21, interdits de manifester. Mais nous étions en contexte post-attentat, quasiment tous les chefs d’Etat du monde étaient réunis à Paris. Ca ne me paraît pas anormal que des mesures aient été prises. Pour ce qui est de l’interdiction de certains militants de paraître à des manifestations anti-loi Travail, le Conseil constitutionnel a censuré l’interdiction de manifester.
Comment accueillez-vous l’annonce d’un loi anti-terroriste ?
Le risque de cette nouvelle loi (ndlr : qui va intégrer des dispositifs de l’état d’urgence dans le droit commun), c’est qu’il n’y aura plus de discussions devant les parlementaires. Jusqu’ici les prolongations faisaient l’objet d’un vote. Désormais, les dispositions seront directement inscrites dans le droit commun. Il n’y aura plus de débat. Il faut donc veiller au respect des libertés publiques. Mais je ne pense pas que Gérard Collomb ou Emmanuel Macron soient des dictateurs…»
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Source : Leparisien.fr