La bibliothèque du monastère Sainte-Catherine, dans le sud de la péninsule du Sinaï, vient de livrer une découverte surprenante: un manuscrit datant du VIe siècle contenant une ordonnance du médecin grec Hippocrate, considéré comme le “père de la médecine”.
Inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, le monastère abrite une bibliothèque comprenant plus de 3’300 manuscrits anciens, dont le plus célèbre est le Codex Sinaiticus du IVe siècle. Deuxième bibliothèque de manuscrits anciens au monde après celle du Vatican, elle est l’objet de recherches scientifiques dans le cadre du projet d’énumération et de photographie de ses précieux témoins des premiers siècles du christianisme.
Des textes cachés
Dans ce monastère grec-orthodoxe situé au pied du Mont Moïse (Djebel Musa, où, selon la tradition, Moïse a reçu les Tables de la Loi), les scientifiques ont utilisé les techniques modernes d’imagerie spectrale pour redécouvrir les textes cachés d’un manuscrit remontant au Ve et au VIe siècle. L’objet de la découverte: un palimpseste, à savoir une réécriture de nouveaux textes sur d’anciens, en raison de la rareté de ce type de cuir à l’époque.
Selon Ahmed Al-Nimer, chef de l’unité de la documentation archéologique copte au sein du ministère égyptien des Antiquités, le texte écrit sur du vélin contenant les prescriptions a été trouvé par-dessus des écritures effacées sur la première couche de cuir.
Projet scientifique pour protéger un héritage mondial
Le palimpseste contient, outre des prescriptions médicales d’Hippocrate le Grand, deux autres textes médicaux rédigés en grec par des savants anonymes, dont l’un est illustré par des dessins des plantes médicinales. Ce projet scientifique a été lancé suite à une demande faite en 2013 par Dimitri Damianos, l’archevêque du monastère. Il est dirigé par Michael Phelps, président de l’ancienne bibliothèque des manuscrits électroniques à Los Angeles, accompagné de dix autres scientifiques.
Mohamad Abdel-Latif, assistant du ministre pour les antiquités coptes et islamiques, relève qu’une autre page découverte renfermait un texte en arabe du célèbre médecin grec Claude Galien, remontant au IXe siècle. Ce texte a été rédigé sur des écrits religieux de saint Paul de Tarse, datant du Ve siècle.
Rendre les manuscrits accessibles sur internet
Ce projet de photographie, commencé il y a quatre ans, vise à sauvegarder les biens culturels du monastère et à numériser les collections de manuscrits, palimpsestes inclus, afin de les rendre accessibles aux chercheurs du monde entier. Michael Phelps ajoute que l’équipe de chercheurs a également découvert, lors de ces travaux, une ancienne copie de la Bible en syriaque, et des légendes écrites en grec concernant des célèbres personnalités.
Les deux tiers des manuscrits de la bibliothèque du monastère Sainte-Catherine sont en grec. Le reste est principalement rédigé en langue arabe, syriaque, géorgienne et slave. La plupart des manuscrits sont des textes religieux chrétiens pour inspirer ou guider les moines dans leur engagement.
Le précieux Codex Sinaiticus
D’autres sont de nature éducative, comme les textes grecs classiques, les textes médicaux, en plus des manuscrits historiques, géographiques et philosophiques. Le manuscrit le plus célèbre est le Codex Sinaiticus du IVe siècle, dont douze pages et quelque vingt-quatre fragments écrits en syriaque sont restés au monastère.
Conservé au monastère Sainte-Catherine, au Sinaï, jusqu’au XIXe siècle, ce Codex – dont le monastère réclame la restitution depuis longtemps – a été emmené en Europe par un érudit de Leipzig, Constantin von Tischendorff. Ce dernier persuada le Père supérieur du couvent d’en faire cadeau au tsar russe Alexandre II qui finançait les recherches à Sainte-Catherine. En 1933, la Russie étant devenue soviétique, les autorités communistes vendirent le Codex Sinaiticus à la Grande-Bretagne pour 100’000 livres. Il fut déposé à la British Library de Londres.
Consultable dans son intégralité sur internet
Au cours des années, diverses parties du Codex furent dispersées. Grâce à la mise en place d’un important programme de recherche interdisciplinaire, la British Library a pu coordonner avec les autres institutions possédant une partie du Codex la numérisation de l’ensemble des pages conservées. Il est désormais consultable dans son intégralité sur internet (www.codexsinaiticus.org)
En raison de la détérioration de la sécurité dans le Sinaï qui a suivi la chute du régime de Hosni Moubarak début 2011, des enlèvements de touristes et des attentats, le monastère grec-orthodoxe de Sainte-Catherine a été contraint de fermer ses portes en 2013. Le monastère ainsi que sa bibliothèque étaient une importante destination touristique, qui attirait près de 300’000 visiteurs par an avant 2011. Tant les moines que la population locale qui vivait du tourisme souffrent énormément de la perte des revenus engendrés par l’absence de visiteurs. JB
Un des livres les plus importants au monde
Le Codex Sinaiticus, une Bible manuscrite sur un parchemin en peau de bœuf datant du IVe siècle, rédigée en grec entre 330 et 350, est l’un des livres les plus importants au monde écrit il y a plus de 1’600 ans. C’est la copie la plus complète du Nouveau Testament, et c’est une porte d’entrée sur les débuts du christianisme. Le Codex Sinaiticus est plus vieux livre de l’Antiquité dont la substance a survécu. Ce texte a une importance extraordinaire pour l’histoire de la Bible.