Nous écrivions récemment sur le retour des pickpockets à Talensac. Nous avons reçu depuis de nombreux témoignages qui permettent de constater que c’est un fléau sur de nombreux marchés nantais, et pas seulement à Talensac. Petit tour d’horizon sur les pickpockets et leurs modes opératoires dans Nantes.
Les pickpockets s’attaquent souvent aux marchés, mais pas seulement. On les retrouve là où il y a du passage ou de l’argent. Entendons nous bien sur la définition : un pickpocket vole sans violence (vol par ruse ou vol simple au sens de l’article 311-3 du Code Pénal). Lorsqu’un voleur use de la violence, ce n’est pas la même qualification pénale (vol avec violence au sens des articles 311-4 ou 311-5 du Code Pénal), idem s’il a une arme (vol avec arme, article 311-8 du Code Pénal) ; les « dépouilleurs » violents qui s’attaquent aux fêtards la nuit près du Hangar à Bananes, qu’ils soient armés ou non, ne sont pas des pickpockets, n’en déplaise à nos confrères d’Ouest-France.
Commerce, Bouffay et tramway : des maghrébins, clandestins ou non
Les clandestins maghrébins qui vendent de la drogue au vu et au su de tous dans le centre-ville ne sont pas seulement des dealers d’habitude. Pour mettre du beurre dans les épinards, ils n’hésitent pas à se diversifier en faisant du vol à l’étalage, du recel et de la revente d’objets volés – notamment auprès de compatriotes plus insérés mais à l’affût de bonnes affaires, des vols avec violence sur des fêtards alcoolisés ou des jeunes isolés… et des vols simples en agissant comme des pickpockets.
Ils opèrent ainsi dans le tramway ligne 1 de Chantiers Navals à Duchesse-Anne, qu’ils prennent sans titre de transport et aux heures de pointe, ainsi que l’après-midi après 15 heures. Ainsi que dans les rues du centre-ville, surtout le week-end et aux heures d’influence. Ils n’hésitent pas non plus à frapper dans les queues des sandwicheries vers midi, notamment à Commerce, mais aussi sur le cours des 50 Otages, rue de la Marne ou dans le Bouffay.
Aux pickpockets clandestins s’ajoutent d’autres qui sont en situation régulière, mais eux aussi d’origine maghrébine. On les retrouve aussi impliqués dans des filières communes de drogue ou d’écoulement de produits volés, organisées selon des principes communautaires.
Les gains sont rarement expédiés au pays et sont dépensés sur place, notamment parce que les voleurs «veulent en jeter mais ils sont des loosers », résume un policier nantais : « ils se droguent, ils boivent, ils veulent s’offrir de beaux habits et des soirées en boîte. On leur a vendu l’Eldorado, ils sont venus et se sont retrouvés à vendre de la dope et voler pour s’offrir la société de consommation aux frais des autres ».
Etals de textile et marchands de légumes : gangs de voleurs à capuches
D’autres maghrébins, issus des quartiers sensibles nantais, s’attaquent aux marchands de textile et de légumes. Ceux-ci ont l’avantage d’avoir de longs bancs difficiles à surveiller et peuvent être accaparés à un bout par un client curieux ou seulement en train de choisir minutieusement sa marchandise.
A Talensac, l’une des fines équipes de jeunes voleurs a été repérée plusieurs dimanches de suite sous l’auvent situé au nord du marché (côté rue Talensac), au moment où il y a le plus d’affluence. « Ce sont six jeunes avec des capuches, des maghrébins », nous explique une marchande de textile qui en a été victime. « Ils raflent ce qu’ils peuvent en passant quand il y a du monde, et après il y en a un qui me demande quelque chose au bout, derrière les portants, pendant que ses copains se servent ». Ces fines équipes ont été vues sur d’autres marchés de plein air ainsi que lors de la braderie… mais évitent de s’attaquer aux marchands de vêtements religieux musulmans sur le marché de Bellevue, on se demande bien pourquoi.
Le butin est souvent revendu en ligne ou dans les vide-greniers, devenus des foires au textile à prix discount sans grand contrôle (bien que les organisateurs soient légalement responsables en cas de vente d’objets volés), ou à des receleurs qui rachètent pas cher et cash au sein des quartiers sensibles même.
Clans familiaux de pickpockets : tous les chemins mènent à Roms
Autres pickpockets qui reviennent souvent dans les plaintes des commerçants : les Roms. Jusqu’au début 2016, l’effet de pente les maintenait au bas de Talensac et de Viarme. Ils remontent maintenant jusqu’au coin des rues de Bel Air et des Hauts-Pavés pour mendier. On les voit aussi aux carrefours passants des rues du centre-ville, près des supérettes et même de certaines églises (Sainte-Croix notamment).
Cependant, « les roumains qui mendient sont typés. Les gens s’en méfient et ce ne sont pas eux qui volent. Ils font le guet et renseignent ceux qui font les vols », nous explique une commerçante qui a repéré leur petit manège. « Le samedi, c’est le marché de la Petite Hollande qui y a le droit de 11h à midi et demie et dimanche Talensac de 11h30 à 13h30, mais ils font de plus en plus Talensac le samedi aussi autour de midi. Et jeudi c’est Zola, le plus près du boulevard, vers 11h-midi ». La place Bouffay, les abords de la gare nord et le carrefour des lignes de tramway font aussi partie des zones de prédilection des pickpockets roumains.
En l’occurrence, nous explique un autre commerçant qui est intervenu récemment pour repousser les pickpockets loin de son banc, « ceux qui volent, ou plutôt celles, sont des jeunes filles un peu mieux habillées avec les collectes de vêtements des organisations humanitaires : vestes de similicuir et leggings ou jupe longue, voire de très jeunes enfants » qui volent aussi dans les transports en commun ; leur irresponsabilité pénale leur évite les poursuites judiciaires. Les biens volés sont essentiellement des portefeuilles, des cartes bancaires, des téléphones… Il y a plusieurs équipes de voleurs : « on en a une le dimanche, puis une autre le suivant, ils alternent », nous précise un commerçant de Talensac.
Organisés selon l’appartenance à un clan familial élargi, les réseaux disposent de receleurs et de revendeurs dans leur communauté, mais aussi au-delà, notamment au sein d’autres itinérants « voire de français de souche pour certains biens comme les antiquités ou le carburant ; il n’y a pas de petites économies et les biens volés se revendent souvent pas cher, donc permettent à ces receleurs de faire de grosses marges nettes d’impôts », nous précise un gendarme. Les gains issus des vols sont consommés sur place, voire envoyés en Roumanie et réinvestis au sein du clan familial là-bas. Ils se complètent avec d’autres trafics (prostitution, vols de câbles, ferraillages, cambriolages…).
Des pickpockets bien habillés avec un fort accent de l’Est
« Certains jours, on a plus de pickpockets que de clients », s’indigne un commerçant de la halle de Talensac. Le bas et le centre sont particulièrement visés, ainsi que les bancs situés près des portes. « Ils sont bien habillés, mais on les repère rapidement, d’autant qu’on connaît nos clients. Quand ils font la queue, ils ne regardent pas que la vitrine », explique une vendeuse.
Leur manège est souvent le même : « ils sont habillés comme tout un chacun, discrets, mais ils se placent pile là où on paye. Ou aux portes. Ils zyeutent les cartes, les terminaux de paiement. Ils repèrent les personnes âgées, qui ont des mouvements lents, prennent le temps de voir le code, le retiennent », explique un vendeur de Talensac.
« Puis un de leur complice s’empare discrètement de la carte dans la cohue », soit en volant le portefeuille, soit en demandant un renseignement – c’est ce que faisaient de façon quasi systématique ceux qui travaillaient l’hiver dernier sur le marché de la place Zola. Sur d’autres marchés de plein air, notamment aux Américains (mardi matin), « ils se placent là où on paie. Et ils vont et viennent avec rien dans leur sac ou quasi, en jetant des regards partout et surtout sur l’argent. Celui des clients comme celui des commerçants ».
Ces pickpockets là sont des professionnels de leur affaire, qui fonctionnent par deux ou par trois – un qui regarde, un qui vole et un qui emmène la carte bancaire volée : suivant l’adage « pas de butin pas de vol », si elle n’est pas retrouvée, le risque de poursuite judiciaire s’évanouit. Souvent issus des pays de l’Est, voire du Caucase (Géorgie notamment), ils font aussi dans le cambriolage de maisons ou de locaux professionnels. Les gains sont souvent réinvestis dans le pays d’origine.
Ou le vol de caisses. « Il y a six mois, l’un de ceux qui étaient à attendre aux portes qu’il y ait une victime a profité d’un moment d’inattention de mon vendeur, est venu devant le banc, a tendu la main jusqu’aux tiroirs et a volé les billets », se rappelle un commerçant de Talensac, qui avoue que lui, comme ses collègues sont « souvent les derniers à repérer les voleurs parce qu’ils frappent à l’heure où on travaille le mieux, on est occupés à servir les clients ».
Bourgeoises en quête d’économies et délinquants de passage
Les commerçants qui vendent du textile, des chaussures ou de menus objets sont confrontés au grand brassage de la délinquance : « tout le monde ou presque peut voler, ça fait des années que je vends ici et j’en ai vu de toutes les origines et de toutes les couleurs », nous explique l’un d’eux au marché de la Petite Hollande. « J’ai déjà pris sur le fait des bourgeoises, bien habillées avec un sac de marque et tout qui étaient en train de me voler », renchérit une autre à Talensac.
Il y a aussi la délinquance de passage. Certains suivent l’adage selon lequel l’occasion fait le larron. Voler une carte ou un portefeuille est vue comme un « bon coup » pour payer un repas, une nuit d’hôtel lorsqu’on est à la rue ou un billet de train pour aller ailleurs. Ainsi, il y a quelques mois, une vendeuse de textile sur un grand marché nantais avait repéré « trois grands noirs qui avaient l’air d’être venus pour autre chose que pour faire des courses ». Bingo. « Pendant que un m’accaparait tout au bout du banc, un autre est passé derrière pour s’emparer ma caisse et le troisième faisait le guet ». Le trio indélicat a du quitter Nantes pour d’autres cieux puisque la victime, qui fait plusieurs marchés, ne les a pas revus depuis.
Marchés : attention aux cartes et aux portefeuilles entre 10h30 et 12h30
Sur les marchés plus particulièrement, la tranche la plus délicate, celle où les pickpockets travaillent le plus, est entre 10 heures 30 et midi et demie, voire 13h15 le dimanche à Talensac. Pile le moment où les commerçants travaillent le mieux, où les queues s’allongent, où la cohue protège les indélicats et rend vulnérable les victimes.
« Le moment aussi où on aimerait que la police municipale passe plus. Nous on travaille, on prévient nos clients quand on les repère, mais ce n’est pas à nous de faire la chasse aux voleurs. On paie assez cher de droits de place pour avoir un minimum de services et de sécurité », s’indigne un commerçant qui fait plusieurs marchés à Nantes, dont Talensac. « Quitte à ne pas réussir à les attraper – à quoi ça sert du reste puisqu’ils n’ont que des peines symboliques quand ils sont condamnés, ça permettrait au moins de les empêcher de travailler. Quand la police municipale est là, ils se cassent », complète un de ses vendeur chevronné.
La police municipale avait pris l’habitude de passer à ces heures au printemps dernier, mais se fait quelque peu discrète depuis plusieurs semaines, voire depuis la fin de l’été sur certains marchés. Pendant ce temps, les voleurs s’en donnent à cœur joie. Si le communisme est mort et enterré, le message de Marx dans la société post-moderne revit : « voleurs de tous pays, réunissez-vous ». Rendez-vous à Nantes.
Louis Moulin
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