Mémoire. A la veille du 11 novembre, le Contrôleur Général des Armées (2s) Serge Barcellini, Président Général du Souvenir Français, le révèle « des milliers de tombes où sont inhumés des Morts pour la France ont disparu ou vont disparaître ». Entretien.
L’Etat est-il à la hauteur dans l’entretien des sépultures des français morts au combat ?
Au lendemain de la Première Guerre mondiale l’Etat a proposé aux familles le choix - soit d’inhumer dans une nécropole nationale le membre de leur famille tué au combat, soit de reprendre le corps afin de l’inhumer dans une tombe familiale. 350 000 familles ont choisi la restitution. La majorité ont inhumé « leur combattant » dans une sépulture à durée dite perpétuelle sans imaginer que cette perpétuité ne durerait pas. Aujourd’hui une sépulture perpétuelle ne dure que 99 ans…
Dans nos cimetières communaux des milliers de tombes où sont inhumés des Morts pour la France ont disparu ou vont disparaître ! En remettant en cause sa parole, les familles n’auraient pas récupéré le corps de leur combattant si on leur avait annoncé que les sépultures perpétuelles allaient disparaître – l’Etat n’est pas à la hauteur du respect que nous devons aux Morts pour la France. Ainsi c’est au moment où l’on célèbre le centenaire de la Grande Guerre que des milliers de corps de combattants de la Grande Guerre vont rejoindre les fosses communes municipales.
Comment faire pour continuer d’entretenir les sépultures de soldats dont les familles sont parfois très éloignées géographiquement ?
Les tombes des Morts pour la France dans les cimetières communaux sont le croisement de trois mémoires – une mémoire familiale (le combattant appartient à une famille), une mémoire territoriale (le combattant illustre sa commune) et une mémoire nationale (le combattant est mort pour la France).
Il est impératif de sauvegarder ces tombes pour l’avenir et l’enracinement de la mémoire. Il est nécessaire de recenser dans chaque commune les tombes où sont inhumés des Morts pour la France et de rechercher les descendants. Alors que « le nomadisme » gagne la société, il est impératif de maintenir un lien entre les territoires et les descendants de ceux qui les ont illustrés. A nous d’inventer les solutions. Le Souvenir Français y contribuera.
Vous plaidez pour que les Français aillent plus dans les cimetières…
Les communes de France découvrent progressivement que les monuments, les stèles et les plaques constituent de véritables chemins de la mémoire. Or, rares sont celles qui y intègrent les tombes encore considérées comme des biens seulement privés. Or, les tombes des Morts pour la France « parlent » à l’ensemble des habitants d’un territoire. Il est essentiel que nos cimetières communaux deviennent des « stations » des chemins de mémoire.
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Vous déplorez la disparition des mémoires locales…
La mémoire nationale est une construction résultant des croisements féconds des mémoires familiales, locales et nationales. Les mémoires locales jouent un rôle essentiel dans cette construction. Les 35 000 monuments aux Morts ont enraciné la mémoire de la Grande Guerre dans toutes les communes de France. Comme l’ont enraciné les cérémonies qui rappellent un épisode historique local - le combat d’un maquis, une rafle, une libération, l’hommage à un héros natif du pays.
Or, ces commémorations locales tendent aujourd’hui à se réduire au profit des journées nationales commémoratives et plus particulièrement au profit des 11 journées commémoratives nationales qui du 11 novembre au 8 mai en passant par le 18 juin, la journée de la déportation, le 19 mars, le 5 décembre … structurent désormais le temps mémoriel.
Face à ces rétrécissements mémoriels et à cette uniformisation commémorative, Le Souvenir Français souhaite sensibiliser les Français. Etre Français, c’est partager une histoire commune, mais c’est aussi en vivre les moments commémoratifs de cette histoire. Que l’année 2018, centenaire de la fin de la guerre victorieuse soit aussi un moment privilégié pour réfléchir et répondre à ces défis mémoriels.