Une liste de 900 produits interdits à l'exportation, un gel qui frappe les recrutements dans la Fonction publique, une course à la privatisation des fleurons de l'industrie du pays, l'Algérie vit une crise économique qui refuse de dire son nom.
Les mesures d’austérité qui frappent l’Algérie en disent autant sur la situation économique que politique du pays. Confrontée à la fois à une crise économique masquée et aux spéculations sur l’état de santé du Président et ses intentions de se présenter pour un cinquième mandat, Alger peine à redresser la barre.
Pourtant, c'est bien avec un sentiment de soulagement que les Algériens apprenaient, en début de semaine, que leur déficit commercial avait été réduit de 31%. «C'est essentiellement l'effet mécanique de la remontée du prix du pétrole et la légère augmentation des volumes des exportations d'hydrocarbure», nuance Anisse Terai, ancien enseignant à Sciences Po Paris et économiste algérien:
«Les importations n'ont pas cessé d'augmenter ces dernières années et elles se sont stabilisées en 2017. C'est toutefois une variable exogène, l'augmentation du prix du baril, qui a permis de réduire le déficit de la balance commerciale et non pas l'action gouvernementale», tempère Anisse Terai.
C'est plutôt un certain retour au statu quo ante pour ce pays dont l'économie est basée sur les hydrocarbures, pays qui a connu la tourmente à l'été 2014, quand le prix du baril a été divisé par deux. Les exportations d'hydrocarbures atteindront 31 milliards de dollars à la fin 2017, soit une hausse de trois milliards par rapport à 2016, d'après le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya.
Hasard du calendrier (ou pas), l'annonce de la réduction du déficit était concomitante avec une intervention du ministre du Commerce, qui rappelait que 2018 se plaçait sous le signe du serrage de ceinture.
Près de 900 produits seront interdits d'importation, dont des fruits secs, fromages, légumes frais, viandes, mais aussi des intrants industriels. Une mesure qui n'est que «symbolique, qui n'aura pas d'impact réel sur l'économie.» Elle serait même «contre-productive», critique l'économiste algérien:
«Ces produits ne représentent, tout au plus, que 2 milliards USD [1,66 milliard d'euros, ndlr]. Une part anodine de la facture totale des importations. L'autre facette de cette mesure, c'est que la production locale ne va pas améliorer sa qualité et sa compétitivité, puisqu'on aura supprimé toute concurrence internationale.»
Cette liste serait même appelée à être revue à la hausse, redoute l'économiste, «au gré des caprices de certains oligarques qui souhaiteront que la réduction de la concurrence se fasse au bénéfice de leurs produits» et aussi «à la baisse sous la pression de certains barons de l'importation».
Manifestation de cette ambiance de fin de règne qui plane sur l'Algérie, la course effrénée de clans proches de certains cercles du pouvoir, à «la prédation insatiable». C'est dans ce sens qu'il convient de lire les marchés de PPP (Partenariats-Public-Privé), ou même, certaines privatisations, d'après l'ancien enseignant à Sciences Po Paris, qui rajoute que
«Les acteurs économiques sont sclérosés de peur de se lancer, de mettre en pratique les projets et les idées qu'ils peuvent avoir. Il y a une absence totale d'initiative économique de leur part, due à cette ambiance. Plutôt que d'une liste de restrictions d'importation, c'est une vision économique et l'amélioration qualitative du climat des affaires dont a besoin l'Algérie. Cela passe aussi par la simplification des procédures administratives et la transparence des marchés publics, l'État restant le premier donneur d'ordre du secteur privé en Algérie.»
Élu en 1999, le président Abdelaziz Bouteflika est fortement diminué. À 80 ans, ses apparitions publiques sont réduites et ses prises de parole encore plus rares depuis l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime en 2013.