A l'occasion de la résolution sur le statut de Jérusalem, les Etats-Unis menacent de ne plus aider ceux qui ne soutiennent pas leur position à l'ONU.
Se comportant comme un petit seigneur féodal qui rappelle à ses inféodés leurs obligations: vous prenez l'argent, vous voulez notre protection, vous payez vos dettes. Ceux qui pensaient (encore) être des alliés ne peuvent plus se masquer la face.
« C’est une insulte et un camouflet que nous n’oublierons pas », a lancé la diplomate. Nikki Haley n’a pas précisé si les Etats-Unis pourraient prendre des mesures de rétorsion contre les pays ayant voté le texte ou accentuer leur volonté de moins participer au financement de l’ONU, dont ils sont les premiers contributeurs.
Elle a ensuite précisé sa pensée:
«Quand nous faisons des contributions généreuses à l'ONU, nous avons un espoir légitime que notre bonne volonté soit reconnue et respectée [...] Les Etats-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l'Assemblée générale pour le seul fait d'exercer notre droit de pays souverain.»
Trump a pour sa part clairement menacé ceux qui ne suivent pas de leur couper les vivres:
“All of these nations that take our money and then they vote against us at the Security Council or they vote against us, potentially, at the Assembly, they take hundreds of millions of dollars and even billions of dollars and then they vote against us,” Mr. Trump said.
“Well, we’re watching those votes,” he added. “Let them vote against us; we’ll save a lot. We don’t care.”
Dans ce vote, les Etats-Unis se sont retrouvés en compagnie du Guatemala, du Honduras, du Togo, des Iles Marshall, de Palau, de Nauru, de la Micronésie et évidemment d'Israël. Courageusement, certains pays de l'Est, comme la Pologne, se sont abstenus. Il faut dire que leur position est délicate: ils font bien partie de l'UE car, malheureusement, géographiquement ils sont plus proches d'elle que des Etats-Unis, mais le chef est bien à Washington.
Quelques remarques, évidentes et somme toute banales.
1) La position des Etats-Unis aujourd'hui n'est pas nouvelle sur le fond: ils attendent toujours de toucher en soutien politique inconditionnel les "aides" diverses et variées qu'ils fournissent aux différents pays dans le monde. En géopolitique comme ailleurs rien n'est gratuit, les "aides" financières, militaires, politiques ne servent qu'à asseoir leur hégémonie, qu'à défendre leurs intérêts. Ce qui a changé, c'est la forme. Avant, cela ne se disait pas ouvertement, il fallait garder les apparences et permettre aux pays satellites de garder la tête haute. Ce temps est révolu. Ce qui est une aubaine pour les pays européens, qui doivent réagir.
2) Le fait que les Etats-Unis utilisent leur puissance dans leur intérêt propre n'est pas en soi choquant, il serait surprenant qu'il en soit autrement. Ce qui est plus dérangeant est cette manie de nier cette évidence de la part des pays qui se mettent sous tutelle américaine, sous protection, comme si seule la grandeur d'âme rebaptisée démocratie et droits de l'homme expliquait les mouvements du monde. Un peu comme une prostituée qui serait surprise de voir son souteneur venir lui réclammer son dû.
3) Le problème n'est pas que les Etats-Unis défendent leurs intérêts, le problème est que les autres pays aient en général peur d'avancer la possibilité même d'un intérêt national.
4) Le fait que la communauté internationale n'ait pas suivi Trump sur la question de Jérusalem est un bon signe, un sursaut rassurant. Mais en raison de la fracture politique interne aux Etats-Unis, cela n'implique pas pour autant que, par exemple, l'Union européenne ne distancie des intérêts américains, elle est simplement du côté des adversaires de Trump, qui restent majoritaires aux Etats-Unis.