
Chantal a 59 ans, dont 43 à travailler à Tupperware Joué-lès-Tours où elle a rencontré son mari, salarié également depuis 26 ans dans la même usine.
Comme eux, ils sont une dizaine de couples « Tupp » parmi les 235 salariés qui perdront leur emploi d’ici deux mois. Une situation peu évidente à vivre, engendrant des incertitudes, des nuits courtes et de l’angoisse. « Pour moi, je suis à la retraite dans quelques mois, mais mon mari a encore 7 ans à faire, on s’interroge sur les perspectives derrière, surtout avec les enfants, la maison qui n’est pas finie d’être payée… »
Pour Chantal comme pour ses collègues, l’annonce du 19 octobre dernier a été vécue comme un couperet brutal et incompréhensible, d’autant plus que les rumeurs d’une éventuelle fermeture avaient toujours été balayées par la direction de l’usine dans les mois précédents. « Quand on a vu des machines partir on s’est interrogé, mais on nous a assuré que l’usine ne fermerait pas ». Une direction depuis aux abonnées absentes. Depuis le 19 octobre dernier, le directeur est en effet parti de l’usine, remplacé par quelqu’un du siège France, venu faire le sale boulot nous dit-on. « Il n’y a plus personne, on reste seuls face à nous mêmes. On a l’impression de ne pas être respectés » témoigne un salarié.
Un gâchis pour beaucoup de ces femmes et hommes qui évoquent et parlent désormais au passé de leur entreprise. « Tupperware c’était vraiment une bonne boite, si c’était pas le cas les gens ne seraient pas restés aussi longtemps dans l’entreprise » explique Pascal. Et ce dernier d’évoquer « de bonnes conditions de travail avec des primes vraiment intéressantes jusqu’à peu ». Un discours entendu ailleurs, dans d’autres entreprises, dans d’autres usines… un discours d’une classe ouvrière se sentant condamnée une nouvelle fois sur l’autel des bénéfices, malgré son esprit d’entreprise et son sens de l’effort et de l’investissement pendant parfois plusieurs décennies.
« Une fermeture facilitée par les ordonnances Macron »
Et c’est en cela que la pilule est d’autant plus difficile à avaler et que le sentiment de trahison n’en est que plus présent. Pour les salariés, si les raisons invoquées par l’entreprise, à savoir une baisse de production liée aux baisses des ventes ces dernières années, est une réalité, la solution adoptée de la fermeture d’usine est en revanche incomprise, d’autant plus que pour eux, toutes les solutions n’ont pas été explorées : « Sur les 235, nous sommes 63 à partir à la retraite d’ici 2020, ils auraient peut-être pu commencer par proposer un plan pour ceux-là dans un premier temps » explique Chantal.
« On ne me fera pas croire que cette fermeture n’était pas prévue depuis de longs mois. Tout a été fait pour faire baisser la production, elle entre dans une stratégie globale et ils ont pu l’appliquer grâce aux ordonnances de la loi Macron » évoque un salarié. Les ordonnances de la loi Macron ont en effet modifié les règles. Désormais seuls les résultats sur le territoire national sont pris en compte dans l’appréciation et la justification d’un plan social. Or, si Tupperware connaît des difficultés en Europe et en France, ce que conçoivent les salariés, ils rappellent également que l’entreprise a réalisé 220 millions dollars de profit dans le monde. Difficile dans ce cas pour les salariés de ne pas se sentir comme les premières victimes des Ordonnances Macron.
Mais si en France, Tupperware est en perte de vitesse, les salariés refusent également d’en endosser la responsabilité. Et Pascal, employé ici depuis 1976, de justifier cela par un certain immobilisme : « C’est vrai que les produits Tupperware se vendent moins, mais en même temps, depuis que je suis là je n’ai pas vu beaucoup de changements, ni d’innovation. Les produits n’ont pas été assez renouvelés et le principe de la vente à emporter en réunion est aujourd’hui dépassée. Si l’entreprise ne gagne plus assez d’argent c’est surtout parce qu’ils n’ont pas su s’adapter, pas parce qu’on coûte trop cher ».