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26 janvier 2018 13:40
Sans même plus recourir au prétexte du dopage, le CIO a décapité le sport russe en enlevant 111 noms de la liste des 500 sportifs ayant accepté les conditions déjà humiliantes de participer sans drapeau et sans hymne national, sans aucune référence à leur pays.
Pourtant, manifestement, cette humiliation n'a pas été suffisante, le CIO va encore plus loin et veut "purger" la Russie d'elle-même, de toutes ses têtes médaillées, pour faire place neuve à une "nouvelle génération", celle qui manifestement n'a aucune chance de médaille, une génération "globalisée". 
 
Pourtant, la stratégie du CIO laisse songeur, car elle est contre-productive à long terme: au lieu de discréditer la Russie, il se discrédite lui-même et les pays qui en bénéficient, provoquant ainsi un sursaut patriotique, post factum, chez les sportifs russes définitivement exclus. Signe de faiblesse intéressant de la part de cette structure.

 
Les trois stratégies du CIO
 
Lorsque le CIO avait pris la décision de suspendre le Comité olympique russe et d'interdire tout signe national russe, sa stratégie semblait plutôt simple ... et avait finalement fonctionné. En interdisant l'équipe nationale russe, il s'agissait alors de provoquer une rupture dans la société, en montrant la toute relativité du patriotisme des grands sportifs, ayant tous plus ou moins rapidement, et avec la bénédiction des instances politiques et sportives, décidés d'accepter les conditions humiliantes conduisant à nier le drapeau et l'hymne, qui devaient rester bien cachés au fond du coeur.
 
La réaction de la société avait été assez violente sur les réseaux sociaux, les "simples" gens ne comprenant pas pourquoi le patriotisme tant valorisé habituellement pouvait être si facilement écarté, selon les circonstances (voir notre texte ici au sujet de la décision du CIO). Dans cette logique, le CIO devait laisser venir un maximum de grands sportifs russes, tout en encadrant au maximum la parole et l'image, pour montrer à tous la très grande relativité des valeurs patriotiques si souvent accolées à la Russie. 
 
De son côté, la Russie a mis en place un discours médiatique recréant une nouvelle réalité, visant à "normaliser" cette réalité, permettant presque d'oublier qu'il n'y a pas d'équipe russe aux JO, mais des sportifs "indépendants", indépendants de leur pays. Cette réalité virtuelle du tout va bien, on va bientôt aller aux JO, qui seront montrés évidemment sur les chaînes nationales et l'on verra nos stars, n'a finalement pas été du goût des organisateurs de cette vendetta olympique. Et ils ont été poussés à la faute.
 
La deuxième solution, qui a été alors écartée, aurait été à l'inverse d'accepter la participation de l'équipe russe au nom du pays, mais purgée de ses têtes médaillées et couronnables, permettant ainsi de développer l'argument selon lequel, sans dopage, la Russie ne peut réaliser les scores de Sotchi. 
 
Finalement, c'est la troisième solution qui a été retenue, la plus faible, la moins rationnelle et la plus émotive: si drapeau, ni couronnes. Ce qui constitue une erreur stratégique du CIO.
 
Ni drapeau, ni couronne ... ni légitimité pour le CIO
 
Le CIO vient encore de changer de trajectoire et refuse une centaine de sportifs russes sur la liste des 500 ayant demandé à participer. Il s'agit essentiellement de ceux ayant participé à Sotchi et des sportifs ayant une chance de médaille. Pourtant, le dopage ou la liste McLaren ne semblent finalement pas être le fondement de la décision.
 
Tout d'abord, le ciblage des têtes couronnées est expliqué de manière très spécieuse par la responsable de la commission évidemment indépendante qui a opéré la sélection. Valérie Fourneyron a ainsi, mélangeant preuves, suspicion et politique, déclaré:
 "En examinant soigneusement toutes les preuves à disposition, nous voulions être absolument certains qu'il n'y ait pas le moindre doute ni la moindre suspicion à propos de l'un des athlètes qui seront invités." 

Pour ajouter ensuite:

«Si un athlète ne figure pas sur la liste des athlètes invités, cela ne signifie pas nécessairement qu'il s'est dopé.» 
Bref, le dopage n'y est pour rien. Peut-être la liste McLaren alors? Mais non, non plus, comme il est possible de le lire dans la presse sportive:
Pendant ce temps les Russes partis représenter la Corée, Lapshin et Frolina, cités dans le rapport McLaren pour le premier nommé, ne sont pas inquiétés et seront présents à PyeongChang. 
Tout va bien... 
 
La "purge" des sportifs russes
 
En effet, le dopage n'y est pour rien. Car la technique mise en place est celle des purges, que l'on appelle "lustration" dans les pays de l'Est. Elles sont employées dans l'administration d'Etat et la justice, sous le slogan de lutte contre la corruption, pour mettre à l'écart les personnes idéologiquement incompatibles avec le nouveau régime, dit démocratique, puisque ces purges sont conduites sous le contrôle et l'égide des organismes internationaux. Des "purges démocratiques". Ici, il s'agit et de corruption - pour affirmer faute de démontrer le dopage d'Etat, et de dopage pour servir de fondement à la purge des athlètes.
 
 Les JO purgés de la Russie, les fédérations purgées des athlètes russes.
 
Comme l'affirme parfaitement le journal Le Monde, qui a compris l'essentiel:
 
Il s'agit bien de "créer" une nouvelle génération. Et pour être certain qu'elle sera bien "nouvelle", les invitations seront envoyées au dernier moment, ce qui enlèvera tout recours possible. Les droits de la défense, quelle importance?
 
Les limites de la stratégie post-moderne du zig-zag
 
Ces virements et revirements sont particulièrement instructifs de la stratégie menée par le CIO. Le monde actuel ne permet plus le conflit ouvert, assumé, car il ne peut l'intégrer et le digérer: un conflit ouvert signifierait que ce modèle idéologique puisse être contesté, donc qu'il soit contestable. Il ne serait alors plus global.
 
Par ailleurs, un conflit assumé est un conflit qui se règle, avec un gagnant et un perdant. Or, en n'assumant pas le conflit, cela permet de ne pas le régler et l'on reste dans la théorie du chaos. Ce mélange des genres entraîne toutefois certaines conséquences.
 
Les conflits ne peuvent donc être fondamentaux, ils ne peuvent qu'être situatifs. Et pour qu'ils restent à ce niveau, il est nécessaire de ne pas permettre au conflit de durer trop longtemps sur la même ligne, d'où les changements perpétuels de stratégie locale.
 
Pourtant, cette stratégie que l'on pourrait appeler du "zig-zag" est perdante pour l'institution qui la mène, en l'occurrence le CIO. Et ce, à plusieurs niveaux.
 
Dans les milieux sportifs, des questions finissent quand même par se poser devant l'absence de justification et le caractère très sélectif de la purge. Ainsi, Fourcade ne comprenant pas pourquoi il y a une responsabilité collective et pourquoi tous les sportifs ne sont pas soumis aux mêmes règles:
 
 
De la même manière certaines fédérations internationales, celles de biathlon (où 14 des 18 sportifs russes ont été écartés) et de ski, ont demandé des explications au CIO, puisque la décision a été prononcée sans aucun argument concret concernant les sportifs victimes des purges.
 
Par ailleurs certains journaux sportifs, spécialisés dans les sports d'hiver, moins connus mais aussi moins politisés, sont manifestement sous le choc de ce qu'ils appellent un scandale qui va porter atteinte à la crédibilité des instances olympiques.
 
Ou encore:
Interrogé ce 24 janvier par RT France, le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG) Didier Gailhaguet s'est dit gêné par les «donneurs de leçons nord-américains». «Je n'oublie pas quand même quelle est la patrie de Lance Armstrong [...] qui aujourd'hui s'acharne sur un seul pays», a-t-il souligné, faisant référence à l'importance du dopage dans l'athlétisme américain. «Il n'y a pas que des sportifs tricheurs en Russie», a-t-il ironisé, ajoutant : «Et ceux qui n'ont pas triché doivent avoir le droit de participer»
 
L'autre effet est le sursaut national des sportifs écartés, qui finalement jouent à nouveau la carte collective. Ainsi:
la star du ski de fond Sergueï Oustiougov a regretté sur Instagram la décision du CIO, se disant déçu par le mouvement olympique. «La vie ne s'arrête pas aux JO. Il y aura d'autres compétitions où nous vaincrons»
La Russie a à nouveau les cartes en main pour retourner la situation à son avantage, puisque le comportement des instances olympiques est irrationnel. Ces instances ont à la fois peur du scandale et du conflit direct, et prennent des décisions dictées par le ressentiment, des décisions viscérales.
Comme en ce qui concerne l'interdiction du drapeau russe, même dans les tribunes. Jusqu'au dernier moment ils peuvent écarter les sportifs russes pour une raison, pour une autre, ou sans raison.
Car il leur faut une "nouvelle" génération, une génération globalisée, dopée à l'ITech et à la tolérance, sans drapeau et sans pays, une génération de citoyens du monde qui s'assume en tant que telle. Ils doivent créer le précédent. 
 
PS: Vu dans la presse anglo-saxonne le 21 janvier:
 
 

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