«La Russie et sa politique extérieure». Tel était le thème débattu à la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 21 février dernier. Les députés auditionnaient Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française et historienne spécialiste de la Russie. Forte de son expertise, l'ancienne député européenne a dressé aux représentants de la nation française un large portrait historique et actuel de la Russie. Rappelant qu'elle n'est pas pro-Poutine, elle s'est efforcée de mettre en lumière certaines réalités russes afin de permettre aux députés de s'interroger sur la position que doit adopter la France vis-à-vis d'un pays qui est parfois considéré comme un ennemi.
Si le sujet principal de cette réunion portait sur la relation franco-russe (actuelle et future), c'est bien le rôle particulier de l'Allemagne, notamment dans la crise ukrainienne, dans cette relation qui fut souvent au centre des échanges.
Analyse.
«Je pense que le couple franco-allemand c'est un cheval et une alouette parce que l'Europe de l'Est, la nouvelle Europe, est derrière l'Allemagne. Elle est, d'une certaine façon, dans la dépendance de l'Allemagne.»
Hélène Carrère d'Encausse exprime aux députés de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale que le problème de la France, dans sa relation avec la Russie, est l'influence de la puissance allemande. En effet, l'Allemagne possède une certaine emprise sur les pays de l'Europe de l'Est rattachés dernièrement à l'OTAN:
«Mais qu'est-ce qui va peser véritablement sur toute la politique de l'OTAN? Ce sont les pays de la nouvelle Europe: la Pologne, les États Baltes. Ils sont des acteurs d'un anti-russisme extrêmement profond, que l'Europe a suivi. L'Europe les a suivi constamment, y compris dans l'affaire des sanctions.»
Rappelons que les sanctions évoquées ici par Hélène Carrère d'Encausse furent imposées à la Russie par l'Union européenne en réponse à la crise ukrainienne. L'historienne, membre de l'Académie française, rappelle que ce sont les pays voisins de la Russie, sous influence allemande, qui ont poussé Bruxelles à condamner fermement Moscou.
Et finalement elle regrette que la diplomatie française s'aligne sur les désidératas des pays de l'Europe de l'Est et donc de l'Allemagne:
«Par conséquent, je dirais que notre vision d'une politique française et puis européenne est une vision qui est faussée parce que nous sous-estimons ce facteur de la pression, qui pour la Russie est fondamentale: la reconstruction d'un certain ensemble sous influence allemande. Et cela fausse complètement [le jeu, ndlr].»
Cette vision exposée devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a fortement fait réagir, ce mercredi 21 février, un certain nombre de député.
Hélène Carrère d'Encausse rappelle aux députés que l'Ukraine s'est réfugiée dans les bras de son voisin russe lorsque le Royaume de Pologne-Lituanie avait quelques ambitions sur l'Ukraine au XVIIème siècle. Déclinant, la Pologne a finalement laissé ce rôle à l'Allemagne:
«D'une certaine façon, l'Allemagne a hérité de cette ambition [précédemment ambition polonaise, ndlr] sur l'Ukraine. Et cela s'est absolument clair. On l'a très bien vu dans la politique d'Hitler, etc. L'Ukraine fait partie du paysage d'influence allemande, il n'y a pas de doute. Enfin, dans l'esprit allemand.»
Finalement, Hélène Carrère d'Encausse prodigue un conseil aux parlementaires, acteurs de la diplomatie française quant à l'orientation future des relations entre la France et la Russie:
«Ce qui faut immédiatement faire c'est aider Poutine à sortir de cette histoire de l'Ukraine orientale et pour cela, il faut lui montrer que c'est possible.»