C’est un paradoxe : alors les Français ont conscience des difficultés que connaissent les prisons, la plupart estiment que les détenus sont "trop bien traités". C’est ce qui ressort d’une étude de la Fondation Jean-Jaurès menée en partenariat avec l’Ifop.
À un peu plus d’une semaine de la présentation de la loi de programmation sur la justice en Conseil des ministres, elle permet de dresser un état des lieux des connaissances de la population française sur le monde pénitentiaire, écrit franceinfo.
Trois points principaux ressortent de cette étude.
Un constat alarmant
Les personnes interrogées n’ignorent pas le problème de la surpopulation carcérale, même si la réalité est encore un peu plus sombre qu’elles ne l’imaginent. Si la norme administrative en matière de cellule individuelle va jusqu’à 11 m², la réalité est de 9 m² pour deux personnes. 79 % des cellules sont occupées par deux détenus. 20 % des cellules sont qualifiées "en surnombre", comprenant trois détenus et plus (selon les chiffres de 2017 de l’Administration pénitentiaire).
Une majorité estime que les détenus n’ont pas accès à des sanitaires individuels (et fermés), ce qui est conforme à la réalité. Ils jugent à 76% que les addictions (drogue, alcool, médicaments) sont fréquentes en prison et sont conscients de la présence de maladies.
Durcir les conditions de détention
L’opinion est ainsi relativement consciente des problèmes de la prison mais elle ne semble pas s’exprimer en faveur d’une amélioration des conditions de vie carcérales.
Seulement 47% souhaitent diminuer le nombre de personnes en détention provisoire, contre 64% en 2000. Seulement 40% se déclarent favorables à l’augmentation du budget des prisons pour améliorer les conditions de vie des détenus, contre 68% en 2000. Seulement 37% soutiennent l’idée d’augmenter le droit de visite aux détenus (40 points de moins qu’en 2000).
Exception à la dureté de ces opinions : 64% des personnes interrogées pensent que les personnes qui souffrent de troubles psychiques ne sont pas à leur place en prison.
Conception punitive
50 % des répondants à cette enquête estiment que les détenus sont "trop bien traités", soit 32 points de plus qu’en 2000. La proportion jugeant qu’ils ne sont "pas assez bien traités" a, elle, reculé de 27 points en dix-huit ans.
Bien que les sympathisants de droite soient plus nombreux à attribuer aux détenus une grande part de responsabilité dans les difficultés du système carcéral (44 % chez les sympathisants Les Républicains, et 59 % au Front national), une part significative de la gauche (33 % au Parti socialiste) et des sympathisants La République en marche (39 %) partage ce point de vue.
On constate, globalement, "une progression assez spectaculaire de la conception punitive de la prison", écrivent les auteurs de l’étude. Où la souffrance et l’isolement devraient participer de la peine… On est loin des pratiques d’autres pays européens comme le Danemark où 25 % des détenus sont dans des "prisons ouvertes" et où les taux de récidive sont bien inférieurs aux nôtres, pointe l’étude. En 2016, il était de 59 % en France, contre 25 % au Danemark.