Selon un document confidentiel que Le Parisien – Aujourd’hui en France a pu consulter, les dépenses du Palais Bourbon ont largement dépassé les prévisions du budget 2019. Pour l’équilibrer, l’Assemblée devra puiser 47 millions d’euros dans ses réserves.
C’est un gouffre financier qui se creuse sous les élégantes colonnades de l’Assemblée nationale. Un document confidentiel du Parlement, que nous avons pu consulter et préparant le budget 2019, est sans appel : l’Assemblée devra puiser dans ses réserves près de 47 millions d’euros l’an prochain (sur un total de 318 millions) contre 28,4 millions prévus à la fin de l’an dernier.
« Les charges prévisionnelles de l’exercice 2019 sont supérieures à la dotation de l’Etat et aux recettes propres de l’Assemblée, pointe le document. A plus long terme, la question de l’équilibre du budget devra être reconsidérée, le niveau de la dotation de l’Etat et la dynamique constatée dans l’évolution des charges de l’Assemblée nationale apparaissant comme incompatibles. »
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Plusieurs mesures ont contrecarré ce programme a priori économe en deniers publics. Notamment, l’acquisition – combattue en vain par Florian Bachelier, le Premier questeur, du somptueux Hôtel de Broglie. Toutes les autres dépenses bénéficient aux équipes des députés. Parmi elles, la hausse des frais de secrétariat des groupes et des députés eux-mêmes, le régime de retraites, les charges de représentation de trois commissions (Affaires Etrangères, Finances et Défense) ou encore les déplacements des députés du fait de l’augmentation des voyages en avion et de leurs tarifs. Un autre poste obscurément intitulé « Autres charges » explose également.
Des dépenses augmentées en toute discrétion
Dès mars 2018, cette évolution semblait inéluctable puisqu’un budget rectificatif avait augmenté substantiellement les dépenses en faveur des collaborateurs des députés. Et ce, en toute discrétion. Les dépenses totales du budget passaient ainsi à 567, 35 millions d’euros pour 2018, soit une revalorisation de plus de 17 millions d’euros par rapport au budget initial.
« Nous avions le choix entre une baisse drastique des dépenses d’investissement, ce qui aurait porté préjudice au travail des députés et des fonctionnaires de l’Assemblée, une hausse de la contribution de l’Etat qui s’élève déjà à plus de 1 demi-milliard d’euros et un prélèvement sur nos réserves.
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La coûteuse réforme des retraites
C’est l’une des causes principales de la hausse des dépenses. Les retraites des députés (67,4 millions d’euros cette année) devraient augmenter l’an prochain de plus de 11 % par rapport au budget initial de 2018. Motifs : le renouvellement sans précédent de l’Assemblée nationale en juin 2017 et la revalorisation des pensions au 1er janvier 2019.
Mais ce sont surtout les effets pervers de la réforme des retraites votée l’an dernier que stigmatise le document parlementaire. « Malgré la hausse régulière du taux des cotisations, la caisse des pensions connaît une baisse de ses recettes du fait de la réforme du régime des pensions des députés adoptée le 8 novembre 2017. » Explication : le régime privilégié des députés a bien été aligné sur celui des salariés. Mais, cette réforme s’applique en deux temps. La baisse des pensions (soit les dépenses) prévue dans la réforme ne touchera que les futurs retraités. En revanche, la réduction de l’assiette des cotisations (soit les recettes) est d’ores et déjà entrée en vigueur. Pour éponger ce déficit chronique et aggravé, l’Assemblée doit aujourd’hui affecter une subvention interne d’équilibre d’environ 40 millions d’euros.
Le courrier, les taxis et le téléphone explosent
Ce sont les « autres charges » inscrites au Budget 2019 de l’Assemblée nationale. Elles augmenteraient de près de 160 % (à 16, 60 millions d’euros) entre le budget initial 2018 et celui prévu pour l’an prochain. Parmi elles, les frais de comptabilité, les frais postaux ou de taxi, le téléphone, l’équipement numérique des députés et de leurs collaborateurs, des tablettes aux ordinateurs et à la connexion en Wi-Fi.
Ces crédits sont, en outre, « fongibles », c’est-à-dire reportables d’un poste à l’autre et d’une année sur l’autre durant la période de la législature s’ils ne sont pas totalement consommés. « J’assume totalement cette priorité, martèle Florian Bachelier. Ce sont, pour la plupart d’entre elles, des dépenses d’investissement nécessaires à la modernisation de l’Assemblée et à l’efficacité du travail des parlementaires. Elles se substituent à des frais de papier ou de photocopies. »