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david MIEGE
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24 octobre 2018 12:57

Le journaliste Philippe Lobjois, co-auteur d’une enquête sur l’islam au travail et invité de la matinale d’Europe 1, mercredi, juge que la radicalisation en milieu professionnel a profité d’une impréparation des responsables de sécurité et des services de renseignement.

Une petite entreprise d’horticulture en Seine-et-Marne, créée par un couple. Arrive un premier salarié, qui affiche de plus en plus de signes religieux au fil du temps. Viennent ensuite un deuxième puis un troisième salarié. « Les patrons se sont rendus compte qu’ils faisaient la prière chez les clients, sur la pelouse.

Ils ne peuvent pas les virer. » Voilà l’anecdote choisie sur Europe 1, mercredi, par le journaliste Philippe Lobjois pour illustrer l’islam radical dans le monde du travail, objet de son livre La Guerre secrète, co-écrit avec Michel Olivier aux éditions Fayard.

« On ne l’avait pas vu venir ». « Ce n’est pas du tout un fantasme et ça a pris une forme un peu pernicieuse ces dernières années, car on ne l’avait pas vu venir », a-t-il expliqué à propos de ce phénomène au micro de Nikos Aliagas. La radicalisation dans les entreprises est « un sujet tabou dans les entreprises », selon lui : « Les patrons d’entreprises et les DRH ont plutôt des discours positifs, (alors) on s’est intéressés aux responsables de sécurité de 25 grosses entreprises. Ils ne tiennent pas ce discours-là, mais ne peuvent pas le dire. »

Ils ont eu « énormément de problèmes entre 2012 et 2016, et se sont sentis un peu seuls. Tous les services de sécurité étaient en surchauffe à cause des attentats et ils se retrouvaient entre eux pour savoir comment faire quand il y a des gens radicalisés dans une entreprise. »

Congés sabbatiques et départs en Syrie. Cette radicalisation a pris des tournants différents. Il y a ceux qui sont partis sur les théâtres d’opérations, comme les cent collaborateurs de la RATP qui ont décidé d’aller combattre en Syrie, parmi lesquels Samy Amimour, un des terroristes des attentats du 13-Novembre. Mais d’autres entreprises sont concernées, comme La Poste ou PSA, groupe dans lequel existe « une forte communauté musulmane ».

« Ils partaient en prenant des congés sabbatiques et souvent ils revenaient un an après en disant qu’ils voulaient retrouver leur poste », relate Philippe Lobjois. « Les entreprises n’avaient jamais été confrontées à ce genre de choses et la DGSI et les services de renseignements ne savaient pas comment faire. »

La « charte de la laïcité » de Paprec. Comment faire pour résoudre les problèmes qui peuvent se poser avec un salarié radicalisé, alors que « l’entreprise est là pour que ça fonctionne bien », comme l’indique Philippe Lobjois ? « Les responsables de sécurité ont des vrais problèmes, qui passent d’abord par le vêtement et la nourriture », décrit-il. Face à ces comportements, « la culture d’entreprise doit être forte pour bloquer ça ». Parfois, les sociétés vont plus loin, comme Paprec, qui a fait polémique avec une « charte de la laïcité ».

Dans le même temps, il faut être vigilant à ne pas stigmatiser une communauté entière pour le comportement suspicieux d’une très faible minorité d’individus, prévient le journaliste. « Il ne faut pas faire de discrimination et les entreprises, conseillées par des avocats, essayent de contourner cela en disant que la personne qui a les attributs religieux fait peur aux autres. »

Un coup d’arrêt… avant de nouveaux problèmes ? Aujourd’hui, « si la radicalisation reste un tabou dans les entreprises », « il y a eu une sorte de coup d’arrêt depuis la destruction à 80% de l’EI physiquement en Irak et en Syrie. On le voit bien : il n’y a plus les réseaux sur Internet, c’est une sorte de vide. »

La « guerre secrète » dont parle son livre est-elle pour autant gagnée ? « Les patrons de services de renseignement disent qu’ils sont un peu rentrés dans leur grotte, ils attendent et sont absolument certains qu’ils sont en train de se refaire.

Les services affirment que la guerre n’est pas finie, qu’elle prend une autre tournure qu’on n’arrive pas à voir ni à comprendre. Ils pensent que les personnes radicalisées vont encore plus rentrer à l’intérieur des sociétés pour commettre des attentats, mais c’est extrêmement difficile pour eux de le découvrir. »

 

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