La pauvreté n'a pas «explosé» au cours de la dernière décennie en France, mais elle n'a pas pour autant reculé. L'Observatoire des inégalités fait ce constat dans un rapport et s'inquiète également de pauvres toujours plus jeunes.
En conférence de presse le 11 octobre, Anne Brunner, chef de projet d'un rapport de l'Observatoire des inégalités consacré à la pauvreté, a fait savoir qu'entre 2006 et 2016, le nombre de personnes pauvres vivant sous un seuil établi à 50% du revenu médian (soit 855 euros par mois pour une personne seule) était passé de 4,4 à 5 millions.
«Ce n'est pas une explosion de la misère mais tout de même une augmentation significative, et un retournement de la tendance des dernières décennies qui allait vers une réduction des inégalités», a-t-elle analysé en présentant le rapport.
Cette évolution est principalement due à des facteurs démographiques, en particulier la progression du nombre de familles monoparentales aux faibles revenus, à la croissance qui demeure faible et à un niveau de chômage élevé, est-il expliqué dans le rapport.
Ce travail indépendant, premier du genre, qui compile et analyse les données officielles disponibles sur la pauvreté, veut dresser un «état des lieux» et «donner des visages aux personnes concernées».
Ainsi, 25% des pauvres vivent dans une famille monoparentale, 67% ont au plus un CAP, la même proportion vit dans les grandes villes ou en périphérie, et 65% ont moins de 20 ans.
«Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, souvent en difficulté d'insertion sur le marché du travail sont les premiers concernés», selon l'Observatoire.
En 2015, 1,7 million d'enfants vivaient dans un ménage en difficulté, dont certains «à la rue, dans des hôtels peu confortables, ou des logements de fortune», selon les auteurs.
Une persistance de la pauvreté
Les familles monoparentales, majoritairement des femmes, ont également été «fortement impactées» par la pauvreté ces dernières années. Elles représentent près «d'un quart de la population pauvre», une proportion très supérieure à la part de ces familles dans la population, et 19% vivent sous le seuil de pauvreté, selon Anne Brunner.
Pour Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, le plan pauvreté présenté mi-septembre par Emmanuel Macron a peu fait «pour aider ces familles» et, de plus, a «fait semblant d'agir à la racine en voulant donner la priorité aux enfants».
«Il faut agir pour les enfants, mais la racine de la pauvreté c'est la précarité de leurs parents, les bas salaires, le chômage», a-t-il taclé.
Malgré tout, la France est l'un des pays d'Europe qui a le plus bas taux de grande pauvreté (situé à moins de 40% du niveau de vie médian, soit 684 euros mensuels) : 3,1% de la population contre une moyenne européenne de 6,4%.
«Si notre modèle social ne réussit pas à protéger une part importante de nos concitoyens du manque ou de la précarité, elle contient tout du moins la grande misère mieux qu'ailleurs», a souligné Anne Brunner.
Autre point positif, la France est l'un des pays européens qui résiste le mieux à la persistance de la pauvreté. Ainsi, 50% des personnes pauvres l'étaient toujours l'année suivante, 30% trois ans après et 20% au bout de quatre ans.
Selon l'Insee, qui prend en compte le nombre de personnes vivant avec moins de 60% du revenu médian (1 026 euros mensuels pour une personne seule), le taux de pauvreté est resté stable en 2017, à 14% de la population, soit 8,8 millions de personnes.
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