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...chez les syndicalistes, on prétend comprendre le mécontentement, mais on ne s’associe pas à la manifestation du 17 novembre. FO, la CFDT et la CGT n’iront pas. Pour quelles raison?
Afin de ne pas s’associer à un événement soutenu par Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Même son de cloche chez Jean-Luc Mélenchon, donc chez les prétendus Insoumis qui aiment le peuple, bien sûr, pourvu qu’il se taise….
Or, avec cette débandade politicienne et syndicale, on comprend bien que, copains comme cochons, les institutionnels de la politique et du syndicalisme ne le diront pas, mais ils craignent pour la démocratie représentative dans laquelle ils prospèrent comme des vers dans un fromage, parce que la démocratie directe, celle des gilets jaunes aujourd’hui, celle des bonnets rouges hier, empêche les professionnels de la politique de parler haut et fort pour le peuple alors que, dans un même temps, ils agissent sournoisement contre lui –comme par exemple en n’étant pas à ses côtés ce 17 novembre.
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Ces idéologues qui vivent du système en faisant sa critique policée et gentille, courtoise et théâtrale, hypocrite et complice sur les plateaux de télévision, relèvent de la guignolade et de la pantalonnade. Ce cirque est visible après la fin du direct.
Ceux qui se sont traités de tous les noms devant les caméras, qui se sont écharpés et parfois rudement, se tutoient, s’embrassent, se tripotent, rient ensemble une fois le spectacle terminé. Or, une fois le spectacle terminé, ce peuple sans visage continue à souffrir et à trimer, à travailler et à peiner pour joindre les deux bouts, c’est lui qui se trouve en première ligne de cette guerre menée contre les gens simples par les "élites", comme il est dit, qui les sacrifient pour une assiette de lentilles…
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Les gilets jaunes, comme les bonnets rouges, font l’économie de ce petit personnel de la politique politicienne.
Comment pourraient-ils être aimés d’eux? Ils passent par-dessus la tête de ces gens qui se goinfrent au banquet des bien-portants du système et qui vivent dans les beaux quartiers, mangent à leur faim, boivent de bons vins...
Il n’y aurait rien à reprocher à vivre ainsi si, le jour venu, ces gens-là se trouvaient réellement, vraiment, concrètement, aux côtés des gens qui souffrent de la politique libérale de la droite et de la gauche. Cette France d’en bas fait savoir sa souffrance modestement, simplement, sans grands mots et sans longs discours, sans idéologie et sans blablas, juste en disant des choses simples et en arborant ce gilet fluorescent qui signale un danger.
Ils savent bien que la transition écologique invoquée pour justifier ces augmentations, c’est très bien, mais comment fait-on sans voiture quand on habite une ville qui n’est pas équipée de transports en commun?
Le boulanger du Cantal devrait-il faire ses livraisons en métro?
L’infirmière bretonne, ses visites dans la campagne du Trégor en tramway?
Le plombier, ses déplacements dans le bocage ornais avec ses outils en train de banlieue?
Et le visiteur médical de Corrèze, devrait-il faire ses milliers de kilomètres mensuels en trottinette électrique?
Sinon à vélo pour les urgentistes d’un village des Pyrénées? La femme qui va accoucher dans les Ardennes devrait-elle se rendre à la maternité en rollers ou sur un skate?
La France ne se réduit pas à une poignée de mégapoles: Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux. Car, après, en-dehors, au-delà, en plus de ces villes tentaculaires, il existe en France un peu plus de 35.000 communes. Des millions de gens vivent en dehors des mégapoles: peut-on exiger d’eux la trottinette de la transition énergétique comme horizon indépassable?
Que cette force qui se lève fasse attention au pouvoir qui va avoir à cœur de la briser, de la casser, de la déconsidérer, de la salir, de l’anéantir, de le circonscrire. Il va faire sortir des figures pour mieux les acheter.
Ce pouvoir a intérêt à des débordements –il y a toujours des "Benalla" prêts à mettre la main à des dérapages utiles à ceux qui ont besoin du spectacle médiatique de la violence sociale pour l’instrumentaliser.
Il va allumer des contre-feux avec des mesurettes d’accompagnement en distribuant des chèques de charité. Il va agiter l’épouvantail du poujadisme, du populisme, de l’extrême-droite, du pétainisme. L’avenir dira ce qu’il aura été possible de faire avec cette essence…
Michel Onfray