Des internautes, opposés au texte de l’ONU sur les migrations, se sont étonnés de tomber sur des messages du réseau social les renvoyant vers des articles des… Décodeurs du quotidien.
Ils ont d’abord cru à une mauvaise blague.
En partageant, ces derniers jours, sur Facebook, des articles ou vidéos hostiles au controversé « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », adopté lundi par la très grande majorité des pays de l’ONU, dont la France, de nombreux internautes ont eu la surprise de découvrir des messages et des liens renvoyant vers le site du Monde, qualifié de… « média de vérification » par le réseau social américain, et ses « Décodeurs », pour… « des informations supplémentaires sur le sujet ».
« En gros, d’autres journaux « pas dans la bonne pensée » ne seraient pas fiables, mais Le Monde (ce qu’il est devenu…) est l’organe où lire la bonne parole et être bien rééduqué !!
Cela s’appelle de la propagande », traduit l’un d’eux. Comme beaucoup d’opposants à la politique du président Macron, il est tombé sur le lien de l’article « “Vendre la France à l’ONU” : de Trump aux « gilets jaunes », itinéraire mondial d’une intox », signé par le service factchecking du quotidien. «
Ce n’est pas la première fois que Facebook tente d’influencer le public en sortant de son rôle », ajoute-t-il.
En pointe dans la dénonciation du texte des Nations unies, l’activiste et membre du blog Fdesouche Damien Rieu n’a pas non plus échappé à la surveillance du puissant réseau de Mark Zuckerberg.
En partageant sa vidéo « contre le dangereux Pacte de Marrakech pro-migrants », un message automatique indique ainsi : « Avant de partager ce contenu, sachez que Les Décodeurs du Monde a des informations supplémentaires sur le sujet. » En dessous, un lien direct renvoie sur leur site pour un avis autorisé.
« On a l’impression d’être dans une mauvaise caricature de Big Brother. Mais c’est contre-productif : ça donne envie d’encore plus partager la vidéo comme me l’ont signalé de nombreux amis, remarque Damien Rieu, contacté par Valeurs actuelles.
Le Monde, comme toute la presse, se sent investit d’une mission pédagogique sur les citoyens qui votent et pensent mal car ils seraient forcément « mal informés ». Difficile pourtant d’imaginer déontologiquement pire que de faire la police de la pensée pour un GAFA. »
En janvier dernier, le Canard enchaîné rapportait dans un article, intitulé « Entre Le Monde et Facebook, un beau conte de « fake » », que le géant du Net collaborait avec le quotidien du soir pour traquer les fake news sur ses pages, fréquentées par 33 millions d’abonnés en France. « Julien Codorniou, le vice-président de Facebook chargé des partenariats, qui vit à Londres, est membre du… conseil de surveillance du « Monde » ! », précisait le palmipède. Et ce dernier est même un « grand ami de Xavier Niel – le coproprio du quotidien ».
« La romance entre Facebook et Le Monde, elle, a réellement démarré en février 2017 », écrivait encore le Canard. Un temps « pris d’un doute » éthique, Le Monde « a soulagé illico sa conscience », ajoutait même l’hebdomadaire, parlant de « pragmatisme financier ».
Quelques jours plus tard, « le quotidien de référence » finissait par justifier son « partenariat » rémunéré avec la plateforme, comme « plusieurs autres médias français dont Libération ou l’AFP », tout en jurant qu’il « n’entrave en rien notre indépendance éditoriale ».
Il faut « démonter les discours trompeurs »
Depuis, les Décodeurs du Monde se sont employés à « mettre l’information en forme et la remettre dans son contexte » selon des critères aussi obscurs que subjectifs, y compris sur le Pacte sur les migrations de l’ONU, « devenu la base d’une théorie conspirationniste dans le mouvement de protestation français » des « gilets jaunes ». « Les Décodeurs nous ont déjà prouvé qu’ils étaient capables de se dépasser dans la mauvaise foi militante. C’est quasiment devenu un art chez eux. Je suis admiratif », souligne Damien Rieu.
« Ils noient le poisson, notamment en utilisant des critiques trop grossières pour disqualifier toutes les autres, poursuit l’activiste identitaire. Ils ne laissent pas de place pour un point de vue contradictoire, par exemple celui de Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche en droit international au CNRS, qui explique que « les formulations normatives pourront être utilisées devant les tribunaux pour créer des obligations ».
C’est soviétique et partisan. » Le texte des Nations unies lui-même appelle d’ailleurs à « mettre à disposition de tous les citoyens des informations objectives, claires et fondées sur des données factuelles » pour « démonter les discours trompeurs qui donnent une image négative des migrants ». La boucle est bouclée.