En effet, les prévisions qui avaient été faites au début de 2018, que ce soit par l'INSEE, la Banque de France ou les services du Ministère des finances, tablaient sur une croissance entre 1,8% et 2,0%. Ces chiffres ont été revus par l'INSEE à 1,5%.
La comparaison avec 2017 est en effet cruelle. On passe ainsi de 2,3% (en 2017) à 1,5%, un ralentissement sérieux de la croissance. Un ralentissement qui vient au plus mauvais moment car il contredit le discours de notre Président sur le développement de la «start-up nation» et il apporte un démenti cinglant à l'idée que les «cadeaux aux riches» se transformeraient en surcroît d'investissement.
Bien entendu, le gouvernement va accuser les différents mouvements sociaux, que ce soit la grève de la SNCF au deuxième trimestre ou le mouvement des «Gilets jaunes» à la fin de 2018, d'avoir compromis la croissance [2]. Pourtant, l'examen des chiffres montre que les causes de ce ralentissement sont toutes autres. L'INSEE établit en particulier que le mouvement de ralentissement a commencé dès le 1er trimestre 2018 soit AVANT la grève de la SNCF.
La cruelle vérité des chiffres.
Regardons donc les chiffres de ces derniers trimestres. Le ralentissement de la croissance se manifeste donc dès le premier trimestre de 2018, soit bien avant le mouvement social à la SNCF (2ème semestre 2018), et évidemment le mouvement des «Gilets jaunes». Il est accompagné de chiffres eux aussi en décroissance quant à la consommation des ménages et à l'investissement.
C'est donc la totalité de l'année 2018 qui, en réalité, est mauvaise. Et cela vient après des résultats de 2017 (+2,3%) qui étaient nettement meilleurs.
Ces chiffres s'inscrivent en faux face à l'histoire que l'on voudrait nous raconter, celle d'une France qui aurait, à la suite à l'élection de son jeune président, retrouvée le chemin de la croissance pour se voir couper les jarrets par divers mouvements sociaux.
De même, l'idée d'une efficacité de la suppression de l'ISF sur l'investissement doit être remise en cause. Bien entendu, il est possible, et même probable, que les divers mouvements sociaux aient pu jouer.
Mais, s'ils l'on fait, ils ne l'on fait qu'à la marge. On remarquera que le mouvement des Gilets jaunes ne porte QUE sur les six dernières semaines de l'année. Le troisième trimestre a été libre de tous mouvement social, et il est, lui aussi, mauvais. On voit donc bien que les mouvements sociaux ne sont pas la cause majeure, la cause première, de ce ralentissement de la croissance.
Les dynamiques de l'investissement et de la croissance
Deux autres faits sont à remarquer. L'investissement, qui s'était redressé au premier trimestre de 2017, revient rapidement à des niveaux qui sont relativement bas. Emmanuel Macron se félicitait de l'effet positif qu'aurait eu son élection, et des cadeaux fiscaux qu'il avait fait voter, sur les investisseurs.
C'est même l'argument qui fonde son refus absolu — du moins pour l'instant — de remettre en cause sa politique fiscale et de l'inclure, peu ou prou, dans le «débat national». Or, on constate que les investissements n'ont réagi que très mollement. En dépit de cadeaux fiscaux importants, l'effet «Macron» sur l'investissement semble des plus limités.
Si l'on prend le soin de lisser la courbe des investissements, on voit que ce que l'on peut qualifier d'effet «Macron» n'a guère duré plus que les deux derniers trimestres de 2017.
Cette chute de l'investissement est particulièrement préoccupante. Avec un investissement dont la croissance est en 2018 inférieure à celle de la production, on voit se manifester un élément pervers dans la dynamique économique française. Cela implique que la France perdra de sa compétitivité et de son attractivité dans les trimestres qui viennent.
Le même constat peut être dressé quant à la consommation des ménages. Cette dernière est faible en 2018. Elle baisse même de manière significative par rapport à 2017. La consommation des ménages, elle aussi, après s'être maintenue en 2017, commence à baisser dès le début de l'année 2018. En dépit d'un court rebond au 3ème trimestre de 2018, elle retombe lourdement au 4ème trimestre, en dépit de la présence des fêtes de fin d'année.
La dépression qui s'installe en Europe
Le contexte Européen est lui aussi instructif. Depuis le début de 2017, les taux de croissance des principaux pays européens ralentissent. Etait-il raisonnable de croire que l'on aurait pu avoir une croissance soutenue en France en 2018 alors qu'elle ralentissait chez nos principaux partenaires en Europe?
La croissance européenne a connu un épisode de dépression autour de l'été 2016. Elle s'était fortement redressée à l'hiver 2016-2017, ce que l'on peut constater sur les quatre pays choisis comme référence. Mais, depuis cette période, le ralentissement était évident.
Seule la France y avait échappé temporairement en 2017. La cause en était la politique électoraliste de François Hollande qui, pour préparer l'élection présidentielle de 2017, avait procédé à une forme limitée de relance par de nombreux cadeaux fiscaux à la fin de 2016.
Aujourd'hui, la croissance française ralentit fortement, tandis que l'Italie est elle-même entrée en récession. Tout cela était prévisible et aurait dû — si nous n'avions pas à la tête du pays et dans le gouvernement des idéologues bornés — conduire à une révision profonde des politiques économiques.
Mais, Emmanuel Macron a poursuivi la politique que l'Allemagne impose à ses partenaires. Notons qu'il aurait pu remettre à plat l'ensemble de la fiscalité et corriger les inégalités flagrantes qui s'y sont introduites, en particulier au travers de trop nombreuses niches fiscales.
Les conséquences sur la croissance en étaient inévitables. On constate alors qu'il n'y a pas «d'effet Macron» sur la croissance comme sur les investissements. Cela impose de relativiser le discours d'autosatisfaction qui est tenue par notre Président.
y aura-t-il une possible relance conjoncturelle?
Quelles seront les conséquences des 10 milliards d'euros concédés par Emmanuel Macron à la suite du mouvement des «Gilets jaunes»? On peut penser qu'ils feront ressentir leurs effets pour un à deux trimestres. Il n'est donc pas impossible que les chiffres de la croissance s'améliorent en début d'année 2019. Mais, ces effets seront limités. La trajectoire de développement de la France reste marquée par une politique économique récessive. Car, si l'investissement est bien, à terme, la clef de la croissance, comment peut-on espérer que cet investissement se développe quand la consommation reste autant bridée?
On le voit, la question de la répartition des revenus est centrale pour la dynamique économique du pays. Espérer qu'en favorisant les plus riches, ce que Macron a fait, on relancer l'investissement ignore cette vérité vieille comme l'économie qu'il n'y a d'investissement que si les entreprises anticipent une hausse de la consommation.
Autrement dit, et pour reprendre une expression de notre Président, on a jeté «un pognon de dingue» par la fenêtre avec les divers dégrèvements fiscaux dont les plus riches ont bénéficiés.