A 20 ans, elle a perdu un oeil. Lui, à 40 ans, boitera probablement le restant de sa vie. Leur vie a basculé en quelques secondes dans une manifestation mais ils « ne regrettent pas » et restent « gilets jaunes ».
Ce jour-là, le 8 décembre, « je me suis dit +je suis en train de mourir+ » se souvient Fiorina. « Quand vous avez pensé ça une fois, ça ne vous quitte plus » dit-elle à l’AFP.
Lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Paris, pour l’acte 4 du mouvement social, un policier tire une grenade lacrymogène. Le visage en sang, la jeune femme s’effondre sur l’avenue des Champs-Elysées. Elle est grièvement touchée à l’oeil gauche.
Elle n’ira plus manifester mais continue à soutenir les « gilets jaunes ». « J’ai vu mes parents se sacrifier pour leurs quatre enfants. J’ai perdu mon oeil mais pas mes convictions : on doit se battre pour que les gens puissent vivre de leur travail. »
Antonio, lui, vit appuyé sur des béquilles depuis le 24 novembre, une semaine après le début de cette contestation née sur les réseaux sociaux. Ce jour-là, une grenade GLI-F4 explose à ses pieds à Paris. Une plaque de titane remplace aujourd’hui l’os de sa cheville droite.
Malgré les cauchemars qui le réveillent la nuit, il est retourné manifester pour faire entendre la parole des quelque 2.000 manifestants qui, comme lui, ont été blessés depuis le début du mouvement. Le 31 janvier, il a lancé une marche des « gueules cassées » à Paris.
Fiorina et Antonio vivent en Picardie, région déshéritée durement touchée par les fermetures d’usines et où le taux de pauvreté grimpe à plus de 15 %. Tous deux sont issus de cette France qui se lève tôt, besogneuse, qui connaît les fins de mois difficiles et qui a vu dans les revendications des « gilets jaunes » un écho à leur quotidien.