Peut-on relativiser le «sursaut» de participation alors qu’un électeur sur deux a choisi de bouder les urnes de l’UE ? Ainsi que la la «vague verte» quand leur score stagne dans plus de la moitié des pays membres, voire recule ?
Le brouhaha qui caractérise les soirées électorales ne favorise pas vraiment la distance nécessaire à l’analyse objective des résultats. Cela vaut tout particulièrement pour les élections européennes qui se sont déroulées du 23 au 26 mai.
Les élections, et non le scrutin, car il faut impérativement garder en tête ce constat : les électeurs ayant fréquenté les bureaux de vote se sont sans conteste déterminés en fonctions des enjeux nationaux et non des questions propres à l’UE.
La mise en avant de «grandes tendances» qui seraient communes à toute l’Union européenne est donc, à cet égard, particulièrement sujette à caution.
La «percée» verte (13,4%), inférieure à celle de 2009 (16%) qui fut sans lendemain, est tout de même à relativiser
Les dirigeants politiques, les commentateurs (qui leur sont proches) des soirées télévisées du 26 mai, de même que beaucoup d’éditorialistes des journaux du 27 au matin ont pourtant bien vite oublié ces nécessaires précautions.
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Quant à la France, la polarisation entre LREM et le Rassemblement national se confirme, voire se renforce. La «percée» verte (13,4%), inférieure à celle de 2009 (16%) qui fut sans lendemain, est tout de même à relativiser. D’autant que, même si la participation a grimpé de 42,4% à 50,1%, l’abstention demeure massive et reste un trait majeur de ce scrutin dans l’Hexagone.
Pourtant une constante sociologique est notable : l’électorat macroniste est largement dominé par les couches supérieures, les milieux aisés et «éduqués», un profil très proche, selon plusieurs enquêtes «sortie d’urnes» de celui des sympathisants des Verts, à l’âge près : tout se passe comme si les milieux bourgeois se répartissaient selon l’âge entre le vote écolo, plus jeune, et les sympathisants marcheurs, plus âgés.
En revanche, le Rassemblement national obtient plus que jamais ses meilleurs résultats au sein des milieux populaires, tout particulièrement parmi les ouvriers, et, à un moindre degré, les employés. Ceux-là mêmes qui forment par ailleurs les gros bataillons des abstentionnistes. Même s’il est trop tôt pour mettre en lumière des traits comparables dans une majorité d’Etats membres, il est probable qu’on puisse dégager de nombreux constats analogues.
Aussi diverses, voire confuses, qu’elles soient, les intuitions populaires pourraient ainsi souligner que la nature «de classe» de l’UE n’est pas une vue de l’esprit. Une piqûre de rappel précieuse pour la suite…