On sait depuis longtemps que le Président Macron n’aime pas les retraités et depuis un certain temps, il a montré qu’il est même capable d’un certain acharnement à leur encontre. Si l’on ajoute en effet à l’encours du présent mandat présidentiel, les cinq années pendant lesquelles il a été l’un des plus proches conseillers de son prédécesseur, avant de devenir son ministre, on peut lui imputer pas moins que :
1 - la création à la seule charge des retraités d’une cotisation dépendance, alors qu’on sait que la dépendance est un problème de solidarité nationale qui dépasse largement les retraités actuels,
2 - la remise en cause au fil de l’eau d’un certain nombre d’avantages familiaux purement et simplement supprimés ou rognés,
3 - la majoration de plus de 25% et sans contrepartie aucune d’une CSG destinée curieusement à renforcer les revenus des actifs qui, comme chacun sait, sont contrairement aux retraités incapables de se défendre par eux-mêmes,
4 - et tout récemment, le quasi-gel des pensions du régime de base sur les années 2019 et 2020 (ce dernier millésime censuré par le Conseil constitutionnel pour ... amateurisme rédactionnel).
Toutefois, depuis sa conférence de presse du jeudi 25 avril et à l’inverse de ce qu’on pouvait penser, on sait maintenant que le Président n’avait en définitive aucune stratégie véritable vis-à-vis des retraités actuels. Non, le Chef de l’État considérait très banalement leurs retraites comme une sorte de tirelire à sa disposition : une simple variable d’ajustement à sa politique budgétaire dont on s’aperçoit chaque jour davantage qu’il est rigoureusement incapable de maîtriser la dépense (ne vient-il pas d’enterrer pratiquement sa promesse-phare de supprimer durant son mandat 120 000 postes de fonctionnaires ?).
En effet, lorsqu’à la date mûrement choisie de la fin du mois d’août 2018, l’annonce tombe du quasi-gel des retraites pour les années 2019 et 2020, en reniement direct des promesses électorales de la campagne 2017, tous les retraités sont abasourdis.
L’ART DE LA PROVOCATION
Combien de nos lecteurs savent qu’avec un art consommé de la provocation :
> le pouvoir a réservé le gel des pensions aux seules retraites contributives, c’est-à-dire à celles fondées sur des cotisations dûment versées en leur temps,
> mais qu’inversement, il a continué à indexer rubis sur l’ongle les allocations (ASPA) versées au titre de la solidarité à des étrangers certes en situation régulière mais sans ressources suffisantes qui se sont simplement donné la peine de venir chez nous finir plus commodément leurs vieux jours ?
On sait par ailleurs - et la Cour des comptes s’en est fait l’écho - combien est relâché le contrôle des quelques conditions minimales – notamment la résidence effective en France d’au moins 180 jours par an ou la survie attestée du (titulaire isolé) ou des bénéficiaires (couple) – mises à l’octroi de ces allocations de solidarité
En clair, l’État n’a pas l’argent pour payer dignement ce qu’il doit à ses propres ressortissants, mais il sait parfaitement trouver les fonds pour financer des cadeaux à des gens auxquels économiquement il ne doit rien (et qui même parfois n’existent plus qu’au profit illicite des proches qui, après leur décès, s’approprient sans vergogne un secours toujours bienvenu).
On n’aura garde d’insister sur le fait que la réciprocité est normalement la règle pour les relations internationales et qu’il ne semble pas que nous subordonnions les largesses que nous consentons aux ressortissants de certains États aux facilités que ces mêmes États accorderaient à nos propres nationaux infortunés partis s’installer chez eux.
Ils pouvaient craindre notamment que, pour porter un coup aussi grave à ce qui était considéré comme l’une des garanties fondamentales des retraites, comme un des socles de notre droit social, le Président s’inscrivait dans une stratégie à long terme mûrement réfléchie et que c’étaient certainement de solides raisons qui l’avaient incité à menacer ainsi le cours futur des retraites.
Or en commençant par réindexer dès 2020 les plus basses pensions, avant d’étendre la mesure à toutes les autres pensions à compter de 2021, le Président vient de montrer que la désindexation décidée à la fin de l’été 2018 ne correspondait en rien à une réflexion stratégique. Non, en dépit des promesses antérieures, elle relevait d’un simple "coup" budgétaire ou politique inspiré par l’humeur du Prince, les retraites étant ravalées au rang d’une banale variable d’ajustement chargée de rattraper les "béances" de budgets mal ficelés et de financer les cadeaux consentis aux actifs, dont le pouvoir veut s’attacher les faveurs.
UNE DÉSINDEXATION CONSTITUTIONNELLEMENT DOUTEUSE ?
Comment ne pas voir pourtant que - fût-elle provisoire - cette nouvelle et sévère ponction annuelle ou biennale sur les retraites s’analyse économiquement et financièrement comme un nouvel impôt pesant sournoisement sur les seuls retraités. Cette dérive insensée ouvre la porte à tous les abus y compris en cas de besoin et au seul gré de sa majorité fort complaisante -pourquoi se priver ?- une amputation directe et illimitée des pensions, alors que ces dernières correspondent à des droits socialement acquis.
Or ce nouveau hold-up, contraire au surplus aux engagements exprès et répétés du candidat comme du Président, ajoute encore au pillage des retraites entrepris soi-disant (mais en réalité, pas seulement) en faveur des actifs.
Outre la menace qu’elle porte d’une guerre sans merci entre les générations, cette désindexation de trop fait manifestement voler en éclat le principe d’égalité devant l’impôt, déjà passablement mis à mal par une hausse non compensée de la CSG que le Conseil d’État comme le Conseil Constitutionnel n’auraient jamais dû laisser passer, aucun programme électoral n’ayant vocation à piétiner la Constitution.
[...] Cependant, ce faisant, et quoi qu’il en dise, le Président ne se distingue en rien de la plupart des politiciens de l"ancien monde" qui furent ses glorieux prédécesseurs : il sait en mentant courageusement renier ses promesses électorales, mais pas au point cependant de verser dans la témérité.
En tout cas, pas jusqu’à un point précis, celui qui pourrait lui coûter sa réélection en 2022, alors que les 17 millions de retraités, qui très majoritairement votent, pèsent à eux seuls nettement plus du tiers du corps électoral.
Or si on l’examine posément, le calendrier de la brusque volte-face présidentielle est parfaitement construit : on "pille" les retraités quand les échéances électorales majeures sont encore lointaines, mais on leur annonce fort opportunément le retour de l’indexation juste à temps avant pour éviter de compromettre les prochaines échéances majeures, à commencer par les élections européennes imminentes, en passant par les prochaines municipales nécessaires à l’enracinement territorial du parti majoritaire d’En Marche, mais surtout avec la campagne présidentielle de 2022 en ligne de mire.
C’est assurément faire peu de cas de la mémoire de beaucoup de retraités, qui ne sont pas tous loin s’en faut frappés de la maladie d’Alzheimer.
Car la ré-indexation promise n’est tout simplement que le rétablissement de droits injustement supprimés hier, par celui qui sans aucun repentir, ni sans aucune excuse, ne fait que réparer tardivement et sous la pression des gilets jaunes une partie du mal qu’il a fait et de l’injustice qu’il a commise. En effet, la parole présidentielle ne dit rien de la perte intercalaire et probablement définitive subie sur les années de gel des pensions.
Dépourvu d’élégance, mais non de cynisme, le dessein présidentiel est donc parfaitement clair et il n’a rien que de très politiquement classique : il s’agit tout bonnement de tenter de récupérer in extremis l’électorat massif des retraités, même si certains pourraient bien avoir le mauvais esprit de se souvenir - quand il ne faut pas - de toutes les misères et mauvaises manières que l’actuel Président n’a cessé de leur prodiguer au grand dam de leur pouvoir d’achat.
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