Le militant laïc et féministe Naëm Bestandji explique pourquoi il estime que le burkini est un vêtement islamiste et sexiste, contrairement à ce qu'affirment l'Alliance citoyenne pour les droits civiques de Grenoble.
Par son obsession sexuelle, le corps des femmes est le champ de bataille politique de l'islamisme. Le voilement en est l'outil, le burqini une de ses déclinaisons.
Le voile a été créé par des hommes pour limiter la liberté des femmes considérées comme tentatrices. La première de ces limites est le vêtement. Le "libre choix" brandi par les islamistes dans leur stratégie de communication est en réalité une décision conforme à ce qui est attendu par ceux qui prescrivent le voilement (le Coran ne le prescrit pas).
Il a pour objet de stigmatiser, discriminer et ségréguer un groupe humain en raison de son sexe. Le "choix" présenté est le suivant : être pudique ou pas, une femme bien ou pas, une bonne musulmane ou pas, plaire ou déplaire à Dieu, le paradis ou l'enfer. Mais il faut séduire autant que culpabiliser pour amener les concernées à faire ce "libre choix".
Alors en parallèle on le valorise : la femme serait une perle, le voile son écrin. En désignant ce qui est pudique et "modeste" (donc aussi ce qui ne l'est pas) par des critères sexistes d'un autre âge, les prescripteurs du voile dictent aux femmes comment se vêtir. Les islamistes nomment cela "le cheminement spirituel".
Un projet islamiste
Suite à cet endoctrinement, celles qui refusent de se baigner en maillot de bain comme tout le monde n'ont plus d'autres choix que de s'exclure elles-mêmes des piscines. Mais dans leur rhétorique, nous passons d'une auto discrimination "choisie", en s'affublant du genre vestimentaire le plus sexiste que l'être humain ait inventé, à une discrimination subie. Les coupables ne sont plus les hommes qui leur ont prescrit de cacher leurs corps et leur tête mais la société qui souhaite limiter l'expansion de ce sexisme "religieux" ou tout simplement faire respecter un règlement qui concerne tous les citoyens sans distinction. L'inversion est totale.
Brandir la liberté alors qu'il y a obligation est un classique de la rhétorique d'inversion.
Elles ne réclament pas des horaires séparés. D'autres ont essayé, sans succès. C'est trop tôt. Pour dissimuler leur radicalité, elles tentent d'inclure toutes les femmes en noyant leur sexisme religieux dans la liberté de toutes celles qui auraient des difficultés avec le rapport à leur corps. Prétendre défendre "la liberté de toutes les femmes de s'habiller comme elles veulent" est un des éléments de langage classiques de l'islamisme politique pour détourner voire inverser la notion de liberté. Se dissimuler sous un voilement parce que née femme n'est pas une forme de liberté mais une oppression "choisie".
Cette fameuse servitude volontaire qui en devient militante. La liberté, par définition, libère, émancipe. Elle n'est pas de différencier et hiérarchiser les êtres humains selon leur sexe.
Ces actions pro-burqini sont donc uniquement menées par des intégristes musulmanes (et ceux qui les soutiennent), seules à faire le "libre choix" de se voiler quelles que soient les circonstances.
Aucune autre femme ne fait un tel choix. La majorité des musulmanes ne voient aucun problème à se baigner en maillot de bain. Aucun règlement d'aucune piscine ne leur a jamais interdit l'accès, contrairement aux fausses informations diffusées par les islamistes. Aucun homme non plus, y compris ceux qui prescrivent le voile avec tant d'ardeur, ne font ce "libre choix". Nous sommes bien là dans un carcan qu'elles renomment "liberté" en raison de motivations sexistes.
Les "savants" islamistes ne prescrivent pas le burqini. Par contre, tous prescrivent le voilement. C'est cela qui est adapté à la baignade sous la forme du burqini, un "juste milieu" par la création d'un voile waterproof. Leur liberté est ainsi soumise à l'obligation du port d'un vêtement discriminant. L'une des fanatiques de Grenoble avait très bien exprimé ce "libre choix" : "C'est notre [interprétation de la] religion. On est obligées de rentrer couverte [à la piscine]". Brandir la liberté alors qu'il y a obligation est un classique de la rhétorique d'inversion.
La création du burqini est l'adaptation pragmatique des prescriptions intégristes au contexte dans lequel ces femmes se trouvent. L'adaptation ne va pas vers un détachement de leur radicalité mais vers le transport de celle-ci dans les piscines.
Elles ne parlent donc pas au nom des droits de toutes les femmes mais d'une idéologie qui les assigne à être des objets sexuels tentateurs qui doivent être cachés de la vue des hommes. Là est l'humiliation. Si aucun homme ne prescrivait le voile, aucune femme ne le porterait et le burqini n'existerait pas.
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Cette rhétorique d'inversion est utilisée par Alliance citoyenne, l'association grenobloise à l'origine de plusieurs actions pro-burqini. Ce n'est pas un hasard. Elle est liée aux Frères musulmans par ses divers partenariats comme la branche estudiantine de la confrérie, EMF, et par ses références comme le CCIF. Elle a ainsi adopté cette rhétorique, en allant même plus loin par l'expression "droits civiques des femmes musulmanes".
La République et les droits civiques
Demander aux piscines municipales de plier face à l'intransigeance vestimentaire d'une poignée de fanatiques n'a rien à voir avec les droits civiques. En France, il n'existe pas de droits civiques spécifiques à telle ou telle communauté ethnique ou religieuse. La République ne reconnaît que des citoyens. L'appel aux droits civiques est importé des États-Unis.
Elle vise à jouer sur l'émotion en créant artificiellement un lien entre la conquête des droits civiques des afro-américains contre le racisme et la conquête politico-religieuse des islamistes en France par le sexisme. De plus, prétendre parler au nom des "femmes musulmanes" stigmatise et essentialise toutes les musulmanes. Des bigotes qui ont intégré la diabolisation de leurs corps ne représentent qu'elles-mêmes.
Cette analogie avec les droits civiques américains est une démarche politique qui a pour finalité de fractionner la société française, la diviser en communauté où chacune aurait des droits spécifiques. Personne ne milite pour "les droits civiques" des nudistes dans les piscines, puisque la liberté textile est un des arguments des pro-burqini. Personne ne milite pour "les droits civiques" des partisans de tel ou tel parti politique à se baigner avec un vêtement intégral recouvert de slogans, puisque la liberté idéologique est aussi un de leurs arguments.
Le rejet d'une demande de privilège n'est pas une discrimination ni une injustice. Puisqu'elles réclament des droits dont elles bénéficient déjà, alors elles en acceptent la réciprocité comme le respect des règles communes. Avoir été exclues n'est pas dû au fait qu'elles sont musulmanes mais parce qu'elles n'ont pas respecté ces règles applicables à tous. Se victimiser en permanence n'y change rien.
Le danger n'est pas seulement d'accorder un privilège à une minorité islamiste. Il est dans la stratégie des petits pas dans laquelle le burqini s'inscrit. Si cette étape réussit à être franchie, des femmes toujours plus nombreuses se laisseront convaincre par le sexisme islamiste quand d'autres subiront des pressions puisqu'elles n'auront plus d'excuses. Nul doute que certaines de ces mamans en burqini iront aussi à la piscine avec leurs fillettes vêtues de la même façon (pour aussi respecter leurs "libre choix" et "droits civiques"). Une fois que ce sexisme sera banalisé, alors la prochaine étape pourra être visée : les horaires séparés, par "respect de leurs droits".
Le burqini peut sembler anecdotique. Mais sous le verni de son apparente superficialité se cachent bien des enjeux sociétaux dont le statut des femmes est central.
Cette revendication s'inscrit dans l'évolution de certains quartiers populaires marqués par un recul de la mixité. Une mixité aujourd'hui conditionnée, souvent, au voilement des femmes. Au-delà des polémiques autour du burqini, le cœur du sujet est le choix de notre modèle de société, le genre de rapport entre femmes et hommes que nous souhaitons adopter et transmettre à nos enfants. L'égalité des sexes ou le différentialisme culturel ? Un apartheid sexuel où les femmes seraient des objets sexuels qui devraient se cacher de l'autre partie de la société, les hommes ? En autorisant le burqini, on valide ce modèle, on le banalise, on l'accepte.
Le rôle de la République est de favoriser l'émancipation de ses citoyens. Elle est toujours grandie lorsqu'elle réussit à s'imposer face à des revendications qui la ramèneraient vers le passé. Le burqini peut sembler anecdotique. Mais sous le verni de son apparente superficialité se cachent bien des enjeux sociétaux dont le statut des femmes est central.