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david MIEGE
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2 août 2019 23:34
Lorsque l'on ne peut gagner dans les urnes, il ne reste que la rue. C'est exactement le pari fait par l'opposition radicale russe, aussi impopulaire à l'intérieur du pays que soutenue de l'extérieur. Pourtant elle mise sur un nouveau Bolotnaya, ce soulèvement contestataire massif de 2011 qu'elle a eu du mal à rejoindre et que, cette fois-ci, elle veut diriger.
Vue l'importance objective de la manifestation du 20 juillet, il semblerait que certains facteurs de déstabilisation du pays aient été réunis et la succession à Vladimir Poutine s'ouvre bruyamment dans une impression de vide politique inquiétante. Retour sur un évènement qui n'a rien d'anodin.
 
 
L'opposition russe est malheureusement particulièrement inexistante politiquement en Russie, dans le sens où il n'existe pas aujourd'hui d'alternative crédible à la machine Russie Unie, elle-même en perte drastique de popularité et lançant artificiellement de faux candidats indépendants pour tenter de ne pas perdre trop de terrain dans les élections à venir.
Les partis représentés à la Douma font généralement bloc autour du Président Poutine sur les grands sujets, n'apportant pas réellement de solutions alternatives, ce qui vide de sens leur existence politique.
 
Quant à l'opposition radicale, elle prend la rue en otage, ses positions politiques allant à l'opposé du consensus social d'un peuple qu'elle dénigre. Il est possible de montrer, en exemple, cette affiche d'un des candidats rejetés par la commission électorale en raison des sérieux problèmes dans la réunion des signatures indispensables au dépôt de sa candidature pour les élections à Moscou, le fils Gudkov, ancien député comme papa :
 
 
Le slogan est simple : "Que l'on rende la Crimée, ils annuleront les sanctions". Aussi simpliste que faux, mais qu'importe, celui paie décide.
Et c'est justement cette opposition-là qui est soutenue, avec le club Navalny, depuis l'Occident, en même temps que le culte de la personnalité de Vladimir Poutine. Ainsi, l'Occident contribue au dessèchement de l'espace politique russe et mise sur l'avenir. Poutine n'est pas éternel, la succession doit être douloureuse et surtout vide. Le pari est simple.
 
Afin de continuer à compliquer la situation, des réformes particulièrement impopulaires sont largement soutenues et applaudies depuis l'étranger et les organisations internationales ne manquent pas de conseillers.
 
Qu'il s'agisse de la réforme des retraites (que l'on retrouve un peu partout avec des succès comparables), de la médecine ou de l'école, la voie de l'impopularité politique est lancée en Russie, mais dans un système politique qui ne connaît pas les chefs d'Etat jetables. Ce qui rend cette démarche politique particulièrement dangereuse.
Et comme l'opposition est surtout présente à Moscou, la fameuse "Renovation", programme d'expropriation massive lancée par l'actuel maire, termine d'épuiser la patience des Moscovites noyés dans des travaux incessants et souvent incompréhensibles. Une voie royale est ainsi ouverte à l'opposition dans la capitale.
 
Si le vide politique est organisé, tant de l'intérieur par une certaine garde qui tient à ses privilèges, que de l'extérieur comme nous venons de le dire, et que parallèlement le pilier est mis à mal par des décisions impopulaires menées par un Gouvernement néolibéral, le système tangue.
 
C'est le bon moment pour faire un test. Tout d'abord il y eût le 20 juillet, avec plus de 20 000 personnes sur l'avenue Sakharov, quand les gens sont sortis pour "des élections propres". La foule est sortie. Ensuite, cela s'est radicalisé le 27 juillet, lorsque l'opposition (3 à 6 milles personnes) a voulu immédiatement prendre la mairie par la force. Les résultats, pour les "curateurs" sont prometteurs.
Certes il y a eu des "invités" de l'extérieur, des soutiens de Navalny, mais la foule a été là le 20 juillet. Non pas pour soutenir une opposition radicale, comme nous l'avons vu ensuite, mais contre un virage politique que la majorité de la population ne partage pas. Contre cette manie des élites post-modernes de gouverner malgré le peuple.
 
Le détonateur a été assez simple : si l'on ne peut objectivement réunir le soutien populaire nécessaire pour participer à une élection que, de toute manière l'on va perdre, autant tricher ouvertement et ainsi se faire disqualifier, pour pouvoir ensuite crier au scandale et à la répression.
 
Des "fabriques de signatures" ont été organisées par certains candidats de l'opposition radicale, ils ont même fait signer les morts. La commission électorale a donc logiquement refusé leur candidature, ouvrant la voie à la contestation légale devant la justice. Mais à quoi bon, la rue est beaucoup plus sûre et le chantage se met en place, relayé et soutenu tant par les médias que les politiciens étrangers. 
 
Les appels à une manifestation illégale ont été lancés depuis les réseaux sociaux par le Club Navalny. Sobol, la dernière petite navalnette en herbe, juriste tout fraîche, s'est déclarée en grève de la faim  - et se porte à merveille, ce régime lui convient manifestement parfaitement. La police a interpellé un millier de personnes, finalement environ 200 paieront une amende et 5 affaires pénales sont ouvertes pour violence.
Rappelons que ni les canons à eau, ni les gaz, ni les grenades de désencerclement n'ont été utilisés. Navalny et ses acolytes organisateurs passent 30 jours en détention et immédiatement le héros méconnu se sent mal, il aurait été empoisonné, l'Occident s'émeut et "exige" la libération de son investissement "pro-démocratique". Bon, finalement, à l'hôpital, ils se rendent compte qu'il n'a rien ....
Mais un laboratoire évidemment indépendant car en Europe (on peut en recommander un très indépendant à côté de Londres ...) pourrait faire une contre-expertise selon le clan Navalny.
 
Bref, tout est en place pour faire monter la mayonnaise, avec un degré en moins. Pas de réel empoisonnement avec effet visuel impressionnant sans aucun danger pour la santé comme pour Iushenko, l'ancien président ukrainien, qui a ainsi gagné les élections présidentielles en 2004 au "3e tour" après la pression de l'Occident (lors de la première révolution orange). Nous sommes loin de Bolotnaya et des 100 000 personnes descendues spontanément dans la rue (qui ont d'ailleurs hué les représentants de l'opposition radicale, lorsqu'ils voulurent récupérer le mouvement). Mais quoi qu'il en soit, c'est un bon test.
 
Le mécontentement populaire est là. Aucune figure politique alternative, qui pourtant existe, n'arrive à émerger en Russie et seules restent les marionnettes à la Navalny, personnalité abusivement présentée comme opposant numéro Un avec environ 2% de soutien.
Les heurts des prochaines présidentielles russes se préparent. S'il est logique de la part du système étatique d'interpeller les quelques leaders qui truquent le système politique, sans réponse de fond, la crise ne s'arrêtera pas là.
Car les gens ne veulent ni d'un Koudrine ou d'un retour de Medvedev, ils veulent la Russie du consensus de Crimée, qui avait fait baisser la tête un instant à la pieuvre néolibérale, celle qui avance et défend un projet d'avenir commun et propre. C'est un choix décisif qui va devoir être fait.
 

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