Une note interne invite les policiers du département à limiter leurs interventions aux atteintes graves aux personnes et aux biens dans les quartiers où beaucoup d’habitants observent le mois de jeûne des musulmans.
Ce télégramme qui appelle les policiers du Calvados à intervenir dans certains quartiers uniquement pour « les atteintes aux personnes ou atteintes graves aux biens » en période de ramadan laisse percevoir une certaine fébrilité dans la hiérarchie policière.
Daté du 24 avril, le document que le Parisien s’est procuré émane du chef d’état-major de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Calvados et s’adresse à tous les services de polices du département.
Ce commandant divisionnaire indique donner ses instructions au nom du directeur départemental de la sécurité publique. « Sauf atteinte aux personnes ou atteinte grave aux biens (dégradations par moyen dangereux pour les personnes, de bâtiment, véhicule), il n’y a pas lieu d’intervenir dans les quartiers à forte concentration de population suivant le ramadan, pour relever un tapage, contrôler un groupement de personnes rassemblées après le coucher de soleil pour s’alimenter », est-il écrit.
Depuis une semaine, des incidents émaillent certaines banlieues d’Ile de France et de villes de province. Jeudi 23 avril, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a fait valoir que ces tensions actuelles dans certains quartiers populaires étaient dues notamment à « l’effet de la dureté du confinement ».
Mais le patron de la place Beauvau, invité sur BFMTV, a assuré que les forces de l’ordre intervenaient « systématiquement ». Le ministre a par ailleurs « condamné » les violences, en réaffirmant que « l’ordre républicain (devait) être présent partout ».
Eviter qu’une entorse au confinement « ne dégénère »
Voilà pour le discours. Mais sur le terrain, les choses paraissent moins claires. Tout au moins dans le Calvados, comme l’indique le télégramme. « Monsieur le directeur demande à tous les personnels de la DDSP de faire preuve de discernement en la matière, afin d’éviter qu’un manquement aux règles de confinement ne dégénère et provoque un trouble supérieur de violences urbaines », peut-on encore lire dans ce document. Et le chef d’état-major de souligner : « Les opérateurs répondront aux requérants [population] que leur appel est pris en compte, et veilleront à ne pas faire de commentaire ».
Ces recommandations d’extrême prudence se limitent-elles au Calvados, ou sont-elles généralisées à tous les départements ? Dans une visioconférence reliant Beauvau aux préfets des zones de défense, dont le contenu avait été révélé par le Canard Enchaîné, Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat à la sécurité, exprimait, le 18 mars, son inquiétude de voir les cités, au bord de l’implosion, s’embraser si le confinement y était appliqué de manière (trop) stricte.
Pour autant, le gouvernement avait alourdi les sanctions contre ceux qui ne respectent pas le confinement de manière répétée.
Un deux poids, deux mesures qui irrite certains syndicats de police. « Contrairement à ce qui a pu être dit et répété par le gouvernement, cette note prouve que les policiers ont donc bien ordre de ne pas aller dans certains endroits ! » s’insurge ainsi Fabien Vanhemelryck, le secrétaire du syndicat de police Alliance.