Les assaillants des trois attaques perpétrées depuis septembre étaient passés sous le radar des services. Des failles structurelles sont-elles en cause dans ces ratés ? Si le phénomène d’un jihadisme de proximité n’est pas nouveau, le contexte dans lequel il s’inscrit dépasse la seule problématique de la détection.
“On parle beaucoup des services [de renseignement] comme des institutions. Moi je travaille depuis sept ans avec des hommes et des femmes de conviction. Ils ne sont pas rentrés là parce qu’ils ont vu de la lumière. Chaque attentat est ressenti comme un échec pour nous“, lâche-t-il derrière l’écran qui masque son visage. Au même moment, les téléphones portables se mettent à vibrer dans la salle d’audience : un homme vient d’attaquer au hachoir deux personnes devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. […]
Un haut gradé de la DGSI reconnaît que le “travail d’initiative pour détecter ceux qui ne sont pas connus” des services doit être renforcé, en plus du suivi des 8 000 personnes déjà surveillées pour radicalisation islamiste. Mais il observe que si le mode opératoire des assaillants n’est pas nouveau – un jihad de proximité dit “low cost” avec une attaque isolée à l’arme blanche – leur profil l’est davantage : “On a affaire à des individus très déterminés qui ne justifient pas leur action au nom d’une organisation terroriste, mais au nom de leur religion, avec une atteinte portée au prophète.”
Selon ce fonctionnaire, le contexte politique et diplomatique, avec une opinion dans certains pays musulmans très hostile à la France, peut expliquer l’origine étrangère de ces combattants, plus difficiles à détecter. […]
Pour ce spécialiste, la question récurrente de la détection réactive les tensions “entre libertés et sécurité”. “L’idée même que tous les individus puissent être détectés et évalués en termes de menace renvoie à un autre régime politique que le nôtre...” estime Benjamin Oudet.
“Nous avons tout sous les yeux, mais nous sommes en difficulté d’en déduire un référentiel d’action, car cela soulève des questions douloureuses : politique migratoire, politique de la ville, mémoire de la colonisation, politique étrangère ou encore opérations militaires extérieures françaises.” Des problématiques qui dépassent de loin les fonctions du renseignement.