Alors que le débat entre pro et anti vaccins fait rage en France, le gouvernement met le feu aux poudres avec son projet de loi sur la pérennisation de l’urgence sanitaire. Le 1er ministre s’y voit offert le droit d’interdire aux citoyens non vaccinés les transports, certains lieux ou certaines activités. Et ce n’est pas tout…
“En même temps”. Un slogan déposé par le Macronisme et qui illustre merveilleusement la polémique soulevée hier sur twitter : d’un côté, vouloir rassurer depuis des semaines les citoyens inquiets, les brosser dans le sens du poil à coups de déclarations posées.
Non, il n’y aura pas obligation de se faire vacciner, non il n’y aura pas de “passeport vert” scindant la population entre “bons” citoyens et “mauvais” (sous-entendu, non vaccinés).
Et de l’autre, préparer un projet de loi “instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires”, dans lequel est inscrit que : “Le Premier ministre peut (...) subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités (...) y compris à l’administration d’un vaccin.”
Une idée issue du projet de loi n°3714, enregistré hier à la présidence de l’Assemblée nationale. Fatalement, sa découverte et son analyse ont fait bondir les esprits vigilants. Il est vrai que la question des vaccins est brûlante en France, et fait débat depuis plusieurs semaines. L’éventualité d’une campagne de vaccination obligatoire a par ailleurs déjà été soulevée par des personnalités du monde politique comme Valérie Pécresse, Gérard Larcher ou bien encore Yannick Jadot. Le 24 novembre, Emmanuel Macron avait acté qu’il n’en serait pas question.
Une position d’apparence ferme, d’autant que le même président de la République exprimait sa grande prudence au média “Brut”, vendredi 4 décembre, face aux vaccins de Pfizer et BioNTech et leur relative jeunesse. Il y avait d’ailleurs appelé de ses vœux cette exigence : "il faut être toujours très honnête et très transparent”.
Une transparence fortement ébranlée par cette énième découverte qui n’est pas sans rappeler celle des décrets de fichages validés dans le plus grand des silences en 2020. Le gouvernement pourra avoir beau jeu de prétendre que le projet de loi ne concernera pas la pandémie de la COVID (après tout, c’est écrit tel quel sur l’étude d’impact fournie en annexe du texte), il n'empêche qu’il ouvre là la boîte de Pandore de la vaccination obligatoire en toute impunité, en cas de nouvelle crise sanitaire.
Le projet de loi ne s'arrête pas aux frontières des vaccins. Il propose d’autres mesures suceptibles de faire polémique. Dans la lignée des députés LREM du groupe Agir qui voulaient sanctionner les personnes qui ne s'isolaient pas, le gouvernement propose une quarantaine pouvant être décrétée de force par un représentant de l’État en cas d’infection constatée.
Il faudra pour cela que ce dernier dispose du certificat médical prouvant la maladie, ce qui n’est pas sans poser la question du secret médical. Dans le cas d’un isolement total (ne pouvant excéder 14 jours), grand seigneur, le législateur assure au malade : “un accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’à des moyens de communication téléphoniques et électroniques lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur. “
Dans la poursuite de cette mesure, le projet de loi autorise les autorités sanitaires, encadrées par la CNIL, à créer des bases de données dérogeant au secret médical. Des données pouvant servir à la réalisation d’enquêtes sanitaires afin de collecter des informations relatives aux cas contacts. Le fameux traçage du triptyque sanitaire (tester - tracer - isoler).
La France emboite ainsi le pas à des pays comme la Corée du Sud qui va jusqu’à examiner les données téléphoniques des personnes infectées. Pour le moment, le projet de loi ne va pas jusque-là et limite le traçage des données à caractère personnel “aux agences sanitaires nationales, agences régionales de santé et organismes d’assurance maladie”, tout en précisant “le cas échéant sans leur consentement (des malades)”.
Sollicité par le gouvernement, le Conseil d’État a validé le texte. Même si chacune des mesures peut trouver une justification - on peut tout à fait envisager qu’une épidémie future soit suffisamment meurtrière pour justifier une campagne de vaccination obligatoire et la question de l’isolation des malades fait également appel au bon sens - que celles-ci ne soient pas soumises à chaque épidémie à un débat, pose en soit un problème.
Qu’un texte de loi se permette de glisser le mot “vaccin” une seule fois sur un document de 15 pages prouve également que le gouvernement ne tenait pas particulièrement à ce que ce sujet soit mis en lumière. On ne peut affirmer la volonté de transparence d’un côté sans l’appliquer de l’autre. En somme, voilà les limites du “en même temps”, quand celui-ci se drape du cynisme politique le plus cinglant.