La bêtise humaine semble sans limites. Cinq-cents ans jour pour jour après que le pape Léon X eut condamné Martin Luther pour avoir changé le sens des mots dans la Bible et dans la Tradition de l’Eglise, un pasteur protestant fait sensation en modifiant le “genre” du mot « Amen ».
Le 3 janvier 2021, le Congrès des Etats-Unis ouvre la nouvelle année par une prière laissée aux soins d’Emanuel Cleaver, pasteur méthodiste et membre du parti démocrate : étant donnée la séquence mouvementée qui secoue la vie politique américaine depuis plusieurs semaines, et la volonté des démocrates d’en découdre avec l’administration Trump, on pouvait s’attendre au pire.
Après avoir demandé « la paix dans la chambre législative », en ouvrant un parapluie syncrétiste où se retrouvaient invoqués pêle-mêle « Brahma, le Dieu monothéiste, et Dieu connu sous de nombreux noms », le pasteur a achevé sa prière par une expression quasi-ésotérique : « amen and a-wo-men ».
« A-wo-men » est le barbarisme forgé par le pasteur, pour féminiser la locution « Amen ». En anglais men signifie « hommes » et women désigne les femmes : deux termes en sursis, puisque la présidente de la Chambre basse du Congrès, la démocrate Nancy Pelosi, a officiellement proposé le 1er janvier d’interdire leur emploi dans la rédaction des projets de loi, ainsi que dans les débats. L’idéologie du genre semble ne connaître aucune limite.
Dans un tweet posté dans la foulée de la session, le représentant – républicain – de Pennsylvanie Guy Reschenthaler s’étouffe : « ’Amen’ est un terme hébreu d’origine, traduit par ‘ainsi soit-il’ ; ce n’est pas un mot qui indique un genre quelconque. Malheureusement, pour les progressistes, la réalité objective ne compte plus pour rien. C’est incroyable ».
Interrogé par Catholic News Agency le 4 janvier dernier, John Bergsma, professeur d’hébreu à l’université franciscaine de Steubenville, remet les choses en place : « ’Amen’ est un mot hébreu dont la racine signifie ‘vérité’ », explique-t-il.
« Déjà – rappelle l’universitaire – dans l’Antiquité, les Hébreux utilisaient ‘amen’ dans les cérémonies solennelles pour exprimer leur consentement à la vérité de ce qui a été dit, ce qui signifie ‘c’est vrai’ ou ‘qu’il en soit ainsi’, selon le contexte. »
En revanche, le terme qui signifie « homme » en hébreu est « Adam » ou « ish », mot « qui n’est pas lié à ‘Amen’ ».
Et John Bergsma de conclure : « ’a-wo-men’ est un jeu de mot à effet politique : strictement parlant, c’est un mélange absurde de syllabes de différentes langues. »
Pas si absurde que ça, à la lecture de ces lignes de 1984, roman dans lequel George Orwell analyse la genèse du totalitarisme :
« Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer.
Tous les concepts nécessaires seront exprimés par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. (…) Le pouvoir est de déchirer l’esprit humain en morceaux que l’on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l’on a choisies. »