Le bilan économique de Donald Trump a peu intéressé les médias. Il est aussi contrasté que l’a été sa présidence en général.
Après des débuts plutôt bons, la crise de la Covid-19 est venue bouleverser l’économie américaine et obérer ses chances d’obtenir un second mandat, analyse Yves Perez, économiste et essayiste, auteur de Les vertus du protectionnisme (Éd.l’Artilleur).
Les médias se sont peu intéressés à scruter le bilan économique du président Donald Trump, aussi emblématique que décrié. Lorsqu’il fut élu, à la surprise générale, en novembre 2016, il hérita d’une économie qui avait en partie digéré le choc de la crise financière de 2007-2008. Le PIB avait dépassé de plus de 5 % son niveau d’avant crise et le taux de chômage n’était que de 4,7% — niveau correspondant aux Etats-Unis au plein emploi. Le plan de relance du président Obama avait déjà produit des effets positifs à la fin de son second mandat.
Les mesures économiques de Mr Trump
Les mesures prises par le président Trump ne relèvent pas d’une doctrine claire. Elles témoignent d’un curieux mélange d’ultra-libéralisme et de keynésianisme non moins radical.
Les mesures ultra-libérales de Mr Trump : sitôt élu, le président baissa de 8 % en moyenne l’impôt sur le revenu des ménages. Il ramena également l’impôt sur les sociétés de 35% à 21%, soit un taux inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
Il s’attacha aussi à déréglementer les législations bancaire, énergétique et environnementale. Il abandonna la loi Dodd-Franck, votée sous la présidence d’Obama après la crise des “subprimes”, qui visait à mieux encadrer l’activité des banques. Il proposa, au contraire, de libérer les prêts accordés par les banques aux entreprises et aux ménages.
Par ailleurs, farouchement opposé à la thèse du réchauffement climatique, il lança un plan de soutien aux énergies fossiles (charbon, pétrole), qui a permis aux Etats-Unis de redevenir le premier producteur de pétrole au monde devant l’Arabie Saoudite grâce aux schistes bitumeux. Enfin, il retira son pays des Accords de Paris sur l’environnement, niant ainsi les thèses écologistes.
Les mesures Keynésiennes : il décida un grand plan de rénovation des infrastructures du pays. Ce plan d’un montant de 2000 milliards de dollars de dépenses réparties sur dix ans, fut voté durant le second trimestre 2019. De la même façon, il augmenta très fortement le budget de la défense. Fin 2019, la dette fédérale américaine qui était déjà de 19 977 milliards de dollars en 2016 dépassa les 23 000 milliards.
Le protectionnisme et la guerre commerciale avec la Chine : le président Trump s’empressa de retirer son pays du projet de traité de libre-échange transpacifique qu’avait négocié le président Obama avant son départ de la Maison Blanche.
Fin 2019, il renégocia l’accord de libre-échange qui liait les Etats-Unis au Canada et au Mexique dans le cadre de l’Alena. Ensuite, il décida de relever de façon substantielle les droits de douanes sur environ la moitié des produits importés de Chine.
Toutefois, ces mesures ne servirent qu’à freiner l’accroissement du déficit commercial avec la Chine sans parvenir à inverser la tendance. Ainsi, le déficit commercial américain passa de 502 milliards de dollars en 2016 à 617 milliards fin 2019. Par ailleurs, la baisse des importations chinoises s’accompagna d’une diminution des exportations américaines à la suite des mesures de représailles prises par Pékin. Le premier round de l’affrontement entre les deux géants du commerce mondial s’est soldé, pour l’instant, par un match nul.
Un bilan économique mitigé, bouleversé par la crise de la Covid-19
Entre novembre 2016 et fin 2019, l’économie américaine a connu une phase de croissance soutenue. Le chômage est tombé à 3.5%. Le seuil de pauvreté des ménages est descendu à 10.5% de la population, son plus bas niveau historique.
Le côté positif de ce bilan mérite cependant d’être nuancé. En effet, au cours de cette période, la dette fédérale a explosé, atteignant 16% du PIB tandis que le déficit commercial extérieur continuait à croître. Toutefois, et avant la crise de la Covid-19, le président Trump conservait de sérieuses chances d’être réélu. Au début de l’année 2020, la pandémie est venue tout remettre en cause.
Elle a durement frappé l’économie américaine. Le chômage a touché 15 % de la population active. Il en est résulté un profond mécontentement dans une partie de la population, notamment dans les grandes villes. Le président Trump n’a pas su gérer cette crise. Il a manqué d’empathie à l’égard des malades et des victimes. Il a donné l’impression de boxer dans le vide.
Sa popularité dans les sondages a commencé à fléchir même si ses résultats lors de la présidentielles, en termes de nombre de votants, furent supérieurs à ceux qu’il avait obtenus en 2016. Le bilan économique de la présidence Trump demeurera aussi controversé que son bilan politique, dans un pays fracturé par les effets de la mondialisation et qui traverse une profonde crise politique et morale.