Faut-il commémorer l’empereur, mort il y a 200 ans, le 5 mai 1821 ? D’un côté, le personnage préféré des Français. De l’autre, un homme controversé pour avoir trop aimé la guerre et rétabli l’esclavage. Pris entre deux feux mémoriels, Emmanuel Macron garde pour l’heure le silence sur ses intentions.
Dans le camp des « napoléonistes », on dresse déjà les herses. « Nous saurons nous défendre! Pas question de se laisser voler cet anniversaire, la dernière chance de commémorer le personnage le plus illustre de notre histoire avant très longtemps », tonne Thierry Lentz, le directeur de la Fondation Napoléon. L’historien a son arme maîtresse toute prête : la sortie le 10 mars de « Pour Napoléon » (Editions Perrin), un livre qui s’ajoutera aux dizaines d’ouvrages qu’il a déjà écrits sur le Consulat et l’Empire. […]
En face, les ennemis de l’empereur seront légion, aussi déterminés que les coalisés européens de Waterloo : antimilitaristes féministes, antiracistes, décolonialistes… Tous aux aguets pour éclairer d’une lumière très sombre un règne controversé.
Côté face, l’auteur du Code civil et du Code pénal, « un immense législateur auquel la France contemporaine doit énormément », reconnaît Jean-Louis Debré, tout sauf un fan de l’empereur. « Ses rêves de grandeur ont entraîné bien des malheurs. Et il est celui qui a mis fin à la République par son coup d’Etat de novembre 1799. » De fait, l’ancien président du Conseil constitutionnel est loin d’être le seul à contester son bilan. […]
Le 20 mai 1802, un décret du premier Consul rétablit l’esclavage aboli en 1794 par la Révolution. « C’est la grande trahison de Napoléon », explique Laurent Joffrin. […] « Ce n’est pas une tache, ni une faute, c’est un crime, et même un double crime, dénonce Louis Georges Tin, président d’honneur du Cran (Conseil représentatif des associations noires de France). La France est le seul pays au monde à avoir rétabli l’esclavage. Je ne comprends pas que l’on continue à célébrer sa mémoire comme si de rien n’était. Enseigner Napoléon, d’accord, mais le commémorer, c’est faire de l’apologie de crime », enfonce l’universitaire. […]