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david MIEGE
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3 mars 2021 17:46

Edouard Husson s’interroge aujourd’hui sur l’avenir du couple franco-allemand, et sur l’instrumentalisation consciente de cette relation au service de l’industrie et de l’économie d’Outre-Rhin.

Ces éléments cyniques sont dévoilés par les documents stratégiques du patronat industriel allemand, qui ne cache pas son intention d’utiliser la relation avec la France pour augmenter ses profits et son emprise sur l’Europe. 

Le patronat allemand cadre, sept mois avant les élections, la politique économique du successeur d’Angela Merkel.

Le BDI, puissante fédération du patronat allemand, fixe, à sept mois du départ de Madame Merkel, le cadre de politique économique dont le prochain gouvernement ne devra pas sortir.  L’Allemagne doit s’affirmer plus que jamais comme une nation industrielle.

 La priorité doit être donnée (i) à des investissements massifs dans les infrastructures, le digital, l’énergie verte et l’espace ; (ii) une priorité donnée aux PME et aux ETI (iii) à un engagement plus efficace de l’Allemagne dans les institutions européennes ; (iv) à une réforme de l’OMC et un engagement sans faille pour la mondialisation. 

Nos dirigeants devraient prendre le temps de lire ce document qui indique discrètement que la France n’est plus aussi indispensable à l’Allemagne en Europe.

Tourner la page de l’ère Merkel

Nous ne sommes pas habitués, en France, à ce mode de relations entre le patronat et le pouvoir politique. A sept mois des élections législatives, qui auront lieu le 26 septembre 2021, la très puissante Fédération de l’Industrie allemande (Bundesverband der Deutschen Industrie) publie un document-cadre dont le titre contient un hashtag significatif : #WirMachen, qui peut se comprendre à la fois comme  « Nous fabriquons » et « Nous agissons ».

Il faut y voir une critique implicite à Madame Merkel, chancelière depuis 2005, qui a décidé de ne pas se représenter, au terme d’un quatrième mandat. Beaucoup de représentants du patronat allemand considère l’ère Merkel avec des sentiments mitigés. La Chancelière aurait largement vécu des réformes de son prédécesseur, Gerhard Schröder (dont l’un des surnoms était justement le « Macher », celui qui agit). Le BDI avait modérément apprécié la manière dont, en 2011, la Chancelière avait décidé sans consulter les entreprises, de sortir de l’énergie nucléaire. Plus récemment, le patronat allemand a reproché à Madame Merkel de ne pas chercher plus activement, tout au long des négociations, un moyen d’empêcher le Brexit.

Les messages envoyés sont donc extrêmement clairs, à l’adresse du successeur de Madame Merkel et du gouvernement qu’il dirigera.

Oui, disent les auteurs du document, l’Allemagne s’engage à réaliser, avec ses partenaires européens, une économie décarbonée d’ici 2050. Mais cela ne peut pas se faire, désormais sans l’industrie.

Plus généralement, sur l’ensemble des sujets abordés, le message est martelé, il faut investir massivement, en centaines de milliards. L’Allemagne a pris du retard, sous le gouvernement de l’actuelle Chancelière : ses autoroutes et infrastructures sont vétustes, son économie digitale est encore embryonnaire, son investissement dans la recherche fondamentale et appliquée est encore insuffisant pour que l’Allemagne puisse réaliser ce qui doit être son ambition : « être un pays des leaders technologiques et des innovateurs ».

Mieux se servir de l’outil « Union européenne » au service de l’ambition industrielle allemande

La Fédération de l’Industrie allemande sait bien que la seule façon pour l’Allemagne de mobiliser les sommes nécessaires à ses investissements, c’est de garder une économie réalisant des surplus massifs à l’exportation. D’où la nécessité de se battre pour maintenir une économie mondiale ouverte aux exportations des Entreprises de Taille Intermédiaire, qui sont les champions exportateurs allemands. L’Allemagne doit être motrice dans une réforme de l’OMC, à la fois pour en simplifier les procédures et pour veiller à ce qu’aucun pays n’ait la tentation de revenir au protectionnisme. Berlin, en l’occurrence, n’agira pas seule mais au sein de l’Union Européenne, pour peser plus.

Les dirigeants français feraient bien de lire attentivement ce texte. On n’y parle pas de « souveraineté européenne » mais de « souveraineté allemande » et de « puissance européenne », à renforcer sans cesse pour permettre à l’Allemagne de remplir ses objectifs.    

Il est amusant que le site « Euractiv », en traitant du document du BDI, ait insisté sur la partie écologique, alors que c’est la partie consacrée à un meilleur fonctionnement de l’Union Européenne, qui devrait attirer l’attention.  

La Fédération du l’Industrie allemande est très claire sur son désir de « débureaucratiser » beaucoup des procédures au sein de l’UE. Elle souhaite que le gouvernement allemand se serve moins de la Commission et plus du Conseil.

Berlin devrait se focaliser plus, expliquent les auteurs, sur la construction de majorités efficaces au sein du Conseil Européen, que les gouvernements de Madame Merkel auraient trop négligé. Il est recommandé, en particulier, de passer à la majorité pour les décisions concernant la politique étrangère commune de l’UE. Charge à Berlin de constituer les majorités nécessaires à ses thèses.

Aide toi, l’Europe t’aidera !

Les dirigeants français feraient bien de méditer l’une des phrases insérées en passant dans le document : « Une étroite concertation franco-allemande reste centrale pour arriver à des décisions dans l’UE. Mais elle doit être complétée par d’autres Etats-membres de diverses tailles et de différentes régions ». Une façon diplomatique d’indiquer que l’Allemagne doit se préoccuper de constituer des majorités conformes à ses intérêts avant de se préoccuper du point de vue français.

Le document du BDI devrait servir d’avertissement : puisque nos gouvernements successifs aiment se référer au « modèle allemand », sont-ils prêts à copier, pour la France, la stratégie recommandée par le patronat allemand : tout faire pour investir massivement dans l’industrie et pour peser dans le sens des intérêts nationaux au sein des institutions de l’UE. « Aide toi, l’Europe t’aidera ! »

 

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