Contre toute attente, le Conseil d’Etat a rejeté le recours déposé par des associations de défense de l’environnement et des riverains, donnant ainsi le feu vert à la construction d’un parc éolien en forêt de Lanoué (Morbihan) malgré la présence d'espèces protégées.
Un électrochoc. Anne-Marie Robic, déléguée pour le Morbihan de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) n’en revient toujours pas. « Je n’étais pas prête à ces conclusions. C’est terrible, inacceptable ».
Cela fait 7 ans que l’association se bat aux côtés de Bretagne vivante et de plusieurs riverains, pour empêcher le projet de parc éolien porté par la société Les moulins de Lohan, filiale du groupe canadien Boralex. Sept années de bataille judiciaire rythmée par des décisions tantôt favorables, tantôt défavorables à la cause des défenseurs de la forêt.
Ce jeudi 15 avril, le Conseil d‘Etat a donc tranché définitivement : la société Les moulins de Lohan a le feu vert pour construire et exploiter ses 16 éoliennes dans la forêt de Lanouée (Morbihan).
16 hectares de prise au sol pour 16 éoliennes
L’entreprise québécoise Boralex est spécialisée dans la production d’énergie renouvelable. En Bretagne, son projet, porté par sa filiale Les Moulins de Lohan, est de construire un parc de 16 éoliennes de 185 mètres de haut dans la partie sud-est de la forêt de Lanouée située sur la commune des Forges dans le Morbihan. Sur une parcelle de 331 hectares ces 16 éoliennes et les routes d’accès auront une prise au sol de 16 hectares dans cette forêt qui est aussi le deuxième massif forestier breton.
Ces installations doivent permettre de produire 50 mégawatts, de quoi alimenter en électricité 50 000 personnes, d’après le porteur de projet.
Un réservoir de la biodiversité
Le busard Saint Martin, l'autour des palombes ou l'engoulevent d'Europe sont quelques-unes des espèces d’oiseaux qui nichent dans la forêt de Lanouée. Mais celle-ci abrite aussi des amphibiens, des chiroptères, et quantité de plantes rares. Au total 66 espèces protégées y ont été recensées.
Pour Anne-Marie Robic le parc éolien va inévitablement faire fuire ces espèce et dénaturer complètement la forêt. Pour le Conseil d'Etat les objectifs de la transition écologique et la production d'énergie renouvelable priment sur la protection de la biodiversité.
7 années de combat judiciaire
En juillet 2017 le tribunal administratif de Rennes avait annulé les permis de construire délivrés en février 2014 par le préfet du Morbihan, suivant l'avis du rapporteur public et du juge des référés. Il avait alors annulé l'autorisation d'exploiter, de défricher, et de déroger à l'interdiction faite par le Code de l'Environnement de détruire des espèces protégées.
Deux ans plus tard, en mars 2019 la cour administrative d’Appel de Nantes saisie par Les Moulins de Lohan décide d’annuler la première décision et autorise de nouveau le projet.
Les riverains et la SPPEF décident alors de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat, qui vient donc de rejeter toutes leurs demandes.
A leur grande surprise la juridiction suprême n’a pas suivi l’avis du juge administratif de Rennes ni du rapporteur public. Ce dernier estimait dans son rapport que l’entreprise exploitante ne faisait pas la preuve qu’aucune autre implantation n’était possible pour son projet. Or cette condition est bel et bien nécessaire pour obtenir une dérogation à la protection des espèces protégées.
Le Conseil d’Etat a préféré suivre l'avis de la cour administrative d'appel de Nantes et retenir l’intérêt public de la production d’énergie renouvelable: "la cour administrative d'appel a (...) relevé le caractère fragile de l'approvisionnement électrique de la Bretagne, résultant d'une faible production locale ne couvrant que 8% des besoins de la région". En outre, "la cour a relevé que la société porteuse du projet litigieux, après avoir envisagé plusieurs types d'énergies renouvelables, a retenu la forêt de Lanouée parce qu'elle permet l'implantation d'un parc éolien à plus d'un kilomètre des habitations, situation particulièrement rare en Bretagne où l'on observe un étalement de l'urbanisation et un habitat dispersé (...)"
Une décision de justice paradoxale
« C’est une décision très sévère » commente Sébastien Collet l’avocat des requérants. « Le rapporteur public préconisait l‘annulation de la dérogation au code de l’environnement donnée à l'entreprise mais le Conseil d’Etat n’en a pas tenu compte. Il est également passé outre les avis défavorables donnés par plusieurs services de l’administration, comme l’Atlas des paysages qui estimait que la forêt devait rester un paysage sans éolienne. » et d’ajouter « Il y a une incohérence flagrante car au nom de la transition écologique on détruit de la forêt ».
Pour Anne-Marie Robic le Conseil d’Etat a favorisé l’industrie éolienne au détriment de la véritable écologie.
L’énergie verte des éoliennes est un vaste mensonge. Ce n’est pas en détruisant la forêt pour installer des éoliennes que l’on va réduire l’effet de serre.