Clemenceau avec un brin d’humour déclarait que « la France est un pays fertile : on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts ». Il ne pouvait pas avoir plus raison. L’Etat français dispose d’une formidable créativité en matière de prélèvements obligatoires.
L’un des exemples les plus concrets est la CSG. La contribution sociale généralisée est née avec la loi de finance de 1990 grâce à l’esprit très créatif de Michel Rocard. Le taux de ce prélèvement obligatoire hybride, entre impôt et cotisation sociale, était initialement fixé à 1,1% sur le salaire brut. Il atteint actuellement de 9,2%…
Sa nature même a fait l’objet de vifs débats. Le Conseil constitutionnel, en 1990 puis 2000, l’avait définie comme un impôt. Mais le Conseil d’Etat en 2015 statua qu’il fallait la considérer comme une cotisation sociale. Dans la réalité, ce statut hybride, flou, permet à l’Etat d’en faire un usage abusif. En atteste ce qu’elle a rapporté en 2019 : 115, 5 milliards d’euros, soit plus que l’impôt sur le revenu.
La CSG représente 21% des prélèvements obligatoires totaux payés par les classes moyennes/ moyennes supérieures retraitées ou salariées. Les retraités « aisés » la subissent au taux plein, c’est-à-dire 8,3% de leur pension. Les revenus de patrimoine, de placement, y sont également assujettis à des taux augmentés de divers prélèvements pour atteindre 17,2%.
La contribution sociale généralisée est prélevée directement à la source, ce qui la rend encore plus insidieuse, car peu de citoyens savent ce qu’elle est exactement ou du moins n’en mesurent pas toute l’importance. Dans un système assurantiel classique, à chaque cotisation correspond une prestation de même nature.
Or si la CSG a été caractérisée comme une cotisation sociale, elle n’ouvre cependant pas droit à des prestations sociales. Logiquement, une cotisation salariale à l’Assurance maladie devrait ouvrir le droit à une prestation de l’assurance maladie en temps opportun. La CSG ne finance pas une branche spécifique de l’assurance maladie, elle sert à combler les trous béants de notre système de sécurité sociale, notamment les déficits de la branche vieillesse et maladie.
A titre d’exemple, les retraités paient une part substantielle de CSG sur leur pension. En 2016, il fut question qu’une partie de cette somme serve à financer l’assurance chômage. Chômage, qu’un retraité n’est pas censé connaître ! Le projet a été abandonné. Ainsi il été décidé qu’une partie de la « CSG activité » finance l’Assurance chômage. La CSG « retraite » quant à elle, finance des prestations dont les retraités ne pourront pas bénéficier (allocations familiales).
Surtout, la CSG s’applique à des revenus de différentes natures qui financent la Sécurité sociale, dont l’assurance vieillesse ; laquelle verse ensuite une pension retraite en prélevant au passage une part de CSG…
Ainsi, les retraités paient la CSG pour financer la retraite de base qu’eux-mêmes peuvent toucher. C’est à n’y plus rien comprendre ! En France, l’impôt payé sur l’impôt est une spécialité nationale.
Du fait d’un statut hybride et mal défini, ce prélèvement obligatoire a ouvert la voie à des dérives étatiques graves. Une en particulier, est devenue très visible avec la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. En effet, sur 100% du salaire brut est appliqué un taux de 6,8% de CSG déductible de l’impôt sur le revenu et un autre taux de 2,4% non déductible.
Ce deuxième point constitue une curiosité à peine imaginable pour le contribuable lambda. Chaque salarié est donc ponctionné de 9,4% sur son salaire brut au titre de la CSG dont seulement 6,8% sont pris en compte dans le calcul final du salaire net imposable. L’impôt sur le revenu de chaque contribuable est donc calculé sur la base d’un salaire net qui est plus élevé que le salaire net disponible.
Les Français payent ainsi des impôts sur des sommes qu’ils n’auront jamais véritablement perçues. Cette pratique est quelque peu douteuse au regard de la légalité et de la Constitution, mais l’Etat n’en a cure tant qu’il peut taxer toujours plus.
A l’heure, où l’Etat taxe massivement tout ce qu’il est possible d’imposer, l’exemple de la CSG rappelle qu’une réforme de la fiscalité est nécessaire. Elle doit se faire selon deux axes. D’une part, simplifier, car une fiscalité incompréhensible trompe le contribuable et fait perdre de l’argent à l’Etat. D’autre part, rationaliser notre politique fiscale. Une baisse du taux d’imposition pourrait libérer l’activité des contribuables et augmenter la base imposable de telle façon que l’Etat lui-même y serait gagnant.
La CSG a le mérite d’une certaine simplicité. Il existe plusieurs taux, mais ils sont proches les uns des autres. C’est presque une flat tax c’est-à-dire un impôt proportionnel à taux bas sur une assiette large, ce qui caractérise généralement les bons impôts. Il pourrait être envisagé utilement de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu autour d’un taux unique d’imposition. Mais à condition que le taux d’imposition reste modeste et qu’aucune niche ne soit admise. La simplicité n’est malheureusement pas le fort de nos décideurs politiques.