Agnès Verdier-Molinié, la directrice de la Fondation iFRAP, s'inquiète de la dégradation de la situation économique française. Elle redoute que le gouvernement repousse les réformes, pourtant urgentes et nécessaires, après l'élection présidentielle. Avec le risque de perdre encore un an face au mur de la dette qui se rapproche après quatre années en demi-teinte. Entretien.
Valeurs actuelles. Après quatre ans de mandat, comment jugez-vous l’action d’Emmanuel Macron ?
Agnès Verdier-Molinié. À l’instant T, la France est d’une certaine manière convalescente tout en restant sous perfusion… par les milliards empruntés, par la politique de la planche à billets. Notre pays souffre toujours de ses faiblesses structurelles même si cela se voit moins en ce moment.
Au cours de ce quinquennat, aucun des problèmes de la France n’a été réglé : la réforme des retraites ? Repoussée. La décentralisation ? Mise sous le tapis.
La suppression de 120 000 emplois publics ? Enterrée. Pendant que les contrats aidés étaient supprimés dans le public, autant d’agents publics étaient embauchés. Rien non plus sur les suppressions de strates dans notre mille-feuille administratif. Pour l’instant, le système est comme anesthésié par les milliards, mais d’ici à la fin de 2022 va s’ouvrir une nouvelle phase au cours de laquelle nous allons souffrir de l’énorme décrochage de la France face à l’Allemagne. Sauf si nous nous réveillons. D’où l’intérêt du bilan que nous publions.
Si les promesses et les projets de loi étaient parfois ambitieux, les réformes ont systématiquement été amputées ou n’ont pas abouti. Il en résulte beaucoup de demi-mesures et une certaine timidité, notamment sur la réforme du code du travail, qui est finalement assez anecdotique. Il faut dire que l’action d’Emmanuel Macron a été vite bouleversée par les crises successives (“gilets jaunes”, grèves, crise du Covid). Des perturbations qui ont abouti à des volets entiers de mesures “conjoncturelles”, non prévues initialement dans le projet présidentiel et qui ne constituent pas des réformes de long terme et certainement pas une stratégie.
Sarkozy, Hollande, Macron… Quelle couronne de lauriers et quel bonnet d’âne leur attribueriez-vous ?
Il est très instructif de mettre en parallèle les performances en matière de dette, de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires des trois quinquennats ; et ce n’est pas forcément ceux qu’on croit qui taxent le plus et dépensent le plus…
Les dépenses publiques ont beaucoup plus augmenté en points de PIB pendant les quinquennats de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron (+ 4,5 et + 4,8) que sous François Hollande (stables). Idem pour la dette publique, avec + 25,7 points entre 2007 et 2012 et + 18 points jusqu’en 2021 face à + 10,6 points pour François Hollande.
Ironiquement, alors que les campagnes de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron promettaient des baisses de dépenses, c’est sous le quinquennat de François Hollande que la dépense publique a été la mieux maîtrisée. Évidemment, on pourra toujours dire que Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont eu à gérer des crises ( subprimes et Covid) beaucoup plus importantes que celle que François Hollande a eue à gérer (crise des dettes souveraines).
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Clairement, on peut dire qu’aucun des trois quinquennats n’est convaincant pour faire repartir le moteur de l’économie française, car on reste sur un très haut niveau de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques et que la dette ne baisse jamais… On est bien loin (pour l’instant -il n’est jamais trop tard pour bien faire) de la révolution du modèle annoncée.
En résumé, ces quatre années ne sont-elles pas finalement l’incarnation économique parfaite du “en même temps” ?
Nos voisins européens, Pays-Bas ou Allemagne, ont, eux, profité des années 2015 à 2019 pour équilibrer leurs comptes publics et