La pandémie de Covid-19 –ou plus précisément, la gestion de celle-ci par l’exécutif– a-t-elle rendu les entreprises françaises extrêmement vulnérables aux prédations étrangères?
Tel est le message véhiculé par Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économique (SISSE) à Bercy. Lors d’une récente audition par la délégation sénatoriale aux entreprises, il a noté: «Nous sommes dans une phase où notre niveau de vigilance, de veille, est très, très élevé, avec des opérations de rachat d’entreprises françaises qui sont aujourd’hui sous haute surveillance dans plusieurs domaines.» Et les braconniers ne sont autres que les alliés de la France, dont les États-Unis et d’autres pays européens.
Pour Marc German, spécialiste en intelligence compétitive, la situation dans laquelle se trouvent les entreprises françaises n’est pas l’apanage de la crise sanitaire:
«Cela fait longtemps que des structures d’État tirent la sonnette d’alarme. À partir des années 1970, on a pu constater que tout ce qui avait été mis en place par le Général de Gaulle pour assurer la souveraineté de la France et permettre d’avoir une totale indépendance a été régulièrement déconstruit. Il y a peu de volonté politique pour que les choses changent, il faudrait vraiment un séisme pour que la France puisse se réindustrialiser et garder ses pépites.»
Alors que les entreprises ont reçu des aides financières massives pendant la crise, la fin de la manne de l’État annonce-t-elle une catastrophe imminente, avec des acheteurs étrangers prêts à bondir? Selon Marc German, ces aides du gouvernement ont en effet «gavé» les entreprises françaises, les rendant ainsi plus attractives pour de potentiels acheteurs:
«Une fois que l’entreprise peut avoir un intérêt, on la cède a des intérêts étrangers à vil prix. Nos poulets sont bien gras, gavés d’aides, ont des structures qui financent leur développement. Seulement, il faudrait qu’il y ait une réelle volonté politique, qu’à la tête de l’exécutif, il n’y ait pas un éleveur de poulets pour les renards étrangers.»
Tout ceci est-il simplement du darwinisme économique, qui consiste à éliminer des acteurs non viables, qui coûtent plus cher qu’ils ne valent?
«Certaines entreprises ne sont rachetées que pour être mieux fermées. C’est la concurrence qui retire tout simplement un caillou de sa chaussure. Elle récupère la technologie qui l’intéresse dans la société qu’elle vient d’acquérir et ensuite, elle se débarrasse des employés pour mieux délocaliser», poursuit l’homme d’affaires.
Mais alors, pourquoi les États-Unis, par exemple, ne souffrent-ils pas de ce problème? «Le capitalisme est dans leur ADN», estime-t-il:
«Les États-Unis ont une stratégie de long terme. Ce sont des prédateurs, ils suivent le principe même du capitalisme roi. Les Américains ne rateront jamais une occasion de racheter un concurrent pour le développer ou le faire disparaître. En France, c’est différent.»
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