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19 juillet 2021 17:58

La vaccination obligatoire des soignants imposée par le gouvernement divise les professionnels de santé. Si certains l’ont acceptée, quelquefois à contre cœur. D’autres ont fait le choix de rendre leur blouse, en prévision de la date butoir du 15 septembre à partir de laquelle les sanctions devraient s’appliquer aux derniers contrevenants.

«J’ai entamé mon schéma vaccinal à la suite des menaces formulées par le Président lundi dernier», s’agace à notre micro Antoine V. Officiant depuis une quinzaine d’années dans la fonction publique hospitalière, cet infirmier a fait le choix à contrecœur de se faire vacciner. S’il continuera à exercer son métier, il espère entamer sa reconversion sans tarder. 

En cause, l’extension du passe sanitaire et la vaccination obligatoire pour les soignants annoncées par Emmanuel Macron le 12 juillet et actuellement en discussion ce lundi en Conseil des ministres. Des mesures qui suscitent toujours l’indignation d’une partie du pays. Les manifestations de ce week-end ont en effet réuni, selon les chiffres préfectoraux, 114 000 manifestants à travers la France. Depuis l’allocution présidentielle, 3,5 millions de personnes ont pris rendez-vous pour se faire vacciner. De son côté, le personnel soignant a jusqu’au 15 septembre pour franchir le pas. À partir de cette date, «des contrôles seront opérés et des sanctions seront prises», a menacé le locataire de l’Élysée. 

​Élisabeth Borne, ministre du Travail, précisait ainsi que serait prévue dans la loi «une disposition particulière de suspension du contrat de travail, puisque la personne n'est pas en situation d'exercer son métier si elle n'a pas été vaccinée». Une suspension du contrat, et donc une privation de salaire, qui devrait durer, toujours selon le ministre, «d’un mois à six semaines». Si le salarié persiste dans son choix de ne pas se faire vacciner, il risquerait alors une mise à pied de quelques jours, puis le licenciement. 

1,5 million de professionnels concernés

Si certains sont rentrés dans le rang, d’autres ne l’entendent pas de cette oreille. À notre micro, Donovan Granger, agent d’aide à la personne en Ehpad, dénonçait vendredi dernier cette mesure qui porterait atteinte selon lui à la liberté individuelle et au «choix de tout Français de se faire vacciner ou non». Au total, soixante-dix professions devraient être concernées. «Les personnels soignants et non soignants des hôpitaux, cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap», énumérait Emmanuel Macron dans son allocution. Soit près de 1,5 million de personnes. Bien plus donc que le personnel soignant au sens strict. La vaccination obligatoire devrait ainsi être étendue à «tous les professionnels au contact des personnes fragiles». 

Père de famille «avec, comme tout le monde, un crédit sur le dos», Antoine V. a lui décidé de se faire vacciner pour continuer à travailler. S’il ne peut pas «se permettre de démissionner», il a néanmoins fait le choix de se reconvertir.

«Je mûris ça depuis longtemps. Mais l’obligation vaccinale, ajoutée aux conditions de travail qui se dégradent sans cesse depuis plus de dix ans, m’a définitivement décidé à franchir le cap», précise-t-il. 

Sans être contre l’utilisation des vaccins anti-Covid, l’infirmier reste partisan du principe de précaution, «parce que j’ai été formé comme ça» et «au libre choix de l’usage de son corps». C’est plus encore l’argumentaire du gouvernement pour justifier cette vaccination obligatoire des soignants qui, selon lui, est infondé. 

«Le vaccin n’empêche ni la contamination ni la transmission du virus, mais évite seulement les formes graves et donc l’engorgement du système hospitalier. Or ce sont les coupes budgétaires successives et les suppressions de lits qui nous ont interdit de faire face à cette épidémie», rappelle-t-il au micro de Sputnik. 

Imposée par le gouvernement, cette vaccination obligatoire a en effet pour but d’enrayer la propagation de l’épidémie et en particulier du variant Delta sur le territoire. Selon les chiffres du ministère de la Santé, seuls 55% des professionnels de santé des Ehpad et des unités de soins de longue durée auraient reçu au moins une dose. Santé publique France estimait de son côté à la fin du mois de mai à 91% le taux de vaccination des professionnels de santé identifiés dans la base Vaccin Covid. Un chiffre sous-estimé ou surestimé puisque cette querelle des chiffres n’est toujours pas tranchée. Reste que, face à cette obligation, d’aucuns ont décidé comme Donovan Granger de «rendre leur blouse» si rien n’était fait d’ici septembre.

La grande démission des soignants?

Le lundi 12 juillet, le chef de la réanimation à l’hôpital Lariboisière déclarait sur RMC que «40% du personnel infirmier de son service avait donné sa démission» en raison de l’épuisement et de la fatigue accumulés ces derniers mois. Dans Sputnik donne la parole, Donovan Granger reconnaissait de son côté que les efforts cumulés par ses collègues depuis des mois n’étaient pas pour rien dans la contestation de cette vaccination obligatoire.

Au point pour certains de quitter la profession. Parmi les vingt-cinq soignants de son service, cinq ont ainsi fait le choix «de démissionner si vraiment il n’y a pas d’autres choix». Un mouvement difficilement quantifiable à l’échelle nationale

 

Les vidéos de professionnels de santé exprimant leur colère depuis lundi fleurissent en revanche sur les réseaux sociaux. À l’exemple de celle qu’a postée sur Tik Tok Laura, une «maman, infirmière, féministe et en lutte contre les violences conjugales». Un clip où elle annonce qu’elle démissionnera elle aussi. À l’inverse, d’autres comme Julien Martinez, infirmier à Lyon, appellent leurs collègues à ne pas associer l’enjeu primordial de la vaccination à leur combat contre Macron. Ainsi, Julien Martinez, infirmier à Lyon, est à l’origine du hashtag «InfirmierVacciné» qui circule désormais sur la Toile. 

​Une telle mise en accusation des soignants révulse Antoine V. Celui-ci se dit «rempli de haine envers la classe politique» qui se servirait des soignants comme levier de pression quand «elle n’a fait qu’aligner les mensonges et les incuries» depuis le début de la crise. 

«Avec les applaudissements, on a servi de levier émotionnel et cette fois-ci, d’une autre manière, on nous utilise pour montrer qu’on ne suit pas l’exemple. Notre exemplarité n’est plus à prouver avec ce qu’on a traversé depuis un an et demi. Les premiers mois, on nous a envoyés au front sans masques et sans protections valables, au rythme de directives gouvernementales contradictoires!» rappelle l’intéressé.

Le compte à rebours est néanmoins lancé pour les récalcitrants qui n’auraient pas relevé la manche au 15 septembre prochain. 

Antoine V., de son côté, s’est déjà renseigné sur son Compte professionnel de formation (CPF). Il envisage de passer le permis poids lourds pour devenir routier ou grutier. «Un métier où je pourrai enfin travailler seul sans avoir des gens incompétents au-dessus de moi pour me dire comment je dois faire», assène-t-il.

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