Le gouvernement se targue d’une embellie du chômage qui serait proche désormais de 8%. En effet, selon l’Insee la France comptait environ 2,4 millions de chômeurs à la fin du 2ème trimestre 2021, soit 16 000 personnes de moins en moyenne par rapport au trimestre précédent. Sur une population active en France estimée par l’Insee à 29 246 000 personnes fin 2019, ça représente environ 8% de chômeurs (hors Mayotte).
La réalité est très différente. Le gouvernement prend les chiffres de l’Insee parce que ça l’arrange pour donner un taux global de chômage. Mais il gère les chômeurs dans le cadre de Pôle Emploi qui recensait fin juillet 2021, 5 631 900 personnes inscrites et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C) dont 3 359 800 personnes sans emploi (catégorie A) et 2 272 100 exerçant une activité réduite (catégories B, C).
Certes, les chiffres ont un peu baissé en juillet avec la reprise d’activité par rapport à fin juin (5 570 900 chômeurs A, B et C). Mais il y a à ce jour un chômage représentant 19,26% de la population, dont 11,5%, et non 8%, en catégorie A.
Des critères de calcul différents
Pôle emploi publie, chaque mois, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits sur sa liste en comptabilisant la métropole et l’Outre-mer, qu’ils soient indemnisés ou non. Il fait ce calcul en partenariat avec la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) qui produit une information statistique régulière en réalisant des études pour le ministère du Travail.
De son côté, l’INSEE réalise une étude trimestrielle avec les critères du BIT (le Bureau international du travail). Les personnes prises en compte en catégorie A doivent réunir trois critères :
• être sans emploi : les personnes prises en compte sont les personnes âgées d’au moins 15 ans (inscrites ou non à Pôle Emploi) et qui n’ont pas effectué au moins une heure de travail rémunéré durant la semaine de référence (hors congé rémunéré ou congé non-rémunéré si durée inférieure à 91 jours) qu’elles soient indemnisées ou non.
• rechercher activement un emploi et entreprendre des recherches dans ce sens : des démarches doivent être réalisées afin de rentrer sur le marché du travail le mois précédant l’enquête. Le candidat est également comptabilisé s’il a trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois.
• être disponible pour travailler : la personne doit être apte à reprendre une activité sous 15 jours.
On comprend donc que l’Insee est plus restrictif, mais c’est Pôle Emploi qui indemnise. Au regard de l’action gouvernementale, seule l’estimation de Pôle Emploi compte donc et elle est très supérieure.
Les chiffres masqués
Les vrais chiffres sont encore sans doute sensiblement supérieurs. Car pour le moment le chômage partiel, mis en place pour éviter les licenciements résultant de la baisse d’activité liée à l’épidémie du Covid-19, masque une partie de la réalité du chômage.
En sus des chiffres de Pôle Emploi, il faut en effet prendre en compte depuis avril 2020 les chiffres du chômage partiel qui ne sont intégrés ni dans les chiffres de Pôle Emploi, ni dans ceux de l’Insee ci-dessus.
Selon la DARES : 1,3 million de salariés étaient encore en activité partielle (soit 7 % des salariés du privé) en juin 2021. Il y en a sans doute moins à ce jour, d’autant que l’indemnisation a baissé depuis le 1er juillet et baissera encore au 1er septembre (décret n° 2021-674 du 28 mai 2021 relatif à l’activité partielle et au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable).
Il n’empêche qu’il y a nécessairement une partie de ces employés qui ne pourront pas retrouver leur emploi et qui iront rejoindre les rangs des chômeurs enregistrés à Pôle Emploi.
La situation de l’emploi est donc globalement beaucoup plus inquiétante que ne le proclament les ministres qui sont censés s’en occuper. Il est vrai que la réforme de l’assurance chômage a été indûment retardée par des conditions mises à son application par le Conseil d’Etat.
Elle entrera probablement en vigueur au 1er octobre et favorisera le retour à l’emploi en restreignant les conditions d’indemnisation. Mais elle reste encore très insuffisante. Avant de sombrer, l’empire romain avait environ 200 000 indigents qui recevaient des distributions de blé chaque jour, soit 20% de la population au moins, le même pourcentage que celui des chômeurs aujourd’hui.
Sans compter les nombreuses autres catégories de personnes prises en charge directement ou indirectement par l’Etat français, des migrants aux titulaires du RSA et bientôt de la garantie jeune qui sera généralisée.
Les peuples assistés se délitent toujours dans l’engourdissement et la révolte intérieure. Ce pourrait être notre destin si nous ne réagissons pas énergiquement pour rendre à chacun la responsabilité de son propre sort.