Ainsi que vient de le publier l’administration des douanes, le solde commercial de la France en 2021 s’établit à -84,7 milliards d’euros. Il comprend également les livraisons de matériel militaire, dont la France est un exportateur net, ce qui améliore ce résultat.
Comme l’a souligné le récent rapport du Haut-commissaire au Plan François Bayrou, Reconquête de l’appareil productif : la bataille du commerce extérieur, ce triste résultat résulte de « l’évolution de notre économie vers un modèle de consommation et non de production.
De 2001 à 2019, alors que nos exportations augmentaient d’environ 54 %, nos importations faisaient un bond de plus de 75 %. »
Ce constat porte à s’interroger sur la lenteur de la baisse des impôts de production touchant significativement l’industrie, dont il faut attendre l’annonce dans la traduction du plan de relance de 100 milliards à compter de la loi de finances 2021, pour un montant extrêmement modeste de 10,5 milliards d’euros.
Une lente abrasion du solde du commerce extérieur français à compter de 2002
Le lent décrochage du solde du commerce extérieur français débute vers 2003 et s’accélère depuis. La chronique donnée par le service statistique des douanes est assez explicite, que l’on soit en FAB/FAB (franco à bord, c’est-à-dire mesuré à la frontière du pays exportateur/importateur hors coûts (des transports), assurance et fret (CAF))) ou en CAF/FAB (qui les inclut à l’import).
Source: DGDDi
Comme on peut le constater au travers du graphique précédent, le décrochage du solde en FAB/FAB commence à compter de 2003, et passe en négatif à compter de 2004. Deux points bas se dessinent : 2011 avec le début de la crise des dettes souveraines (-75 milliards d’euros FAB/FAB) et 2021 (-84,7 milliards). Entre ces deux dates, le déficit commercial se redresse quelque peu sans jamais passer en dessous des 42,7 milliards d’euros (point haut en 2015).
Qui s’explique par des certains soldes produits particulièrement enfoncés
Les données statistiques de l’administration des douanes montrent bien les secteurs largement déficitaires qui grèvent le solde commercial français (répartition par grandes familles de produits). Par convention les secteurs « produits » sont présentés en CAF/FAB :
Source: DGDDi
La France n’étant pas un produit producteur de pétrole ou de gaz, elle recourt même avec ses propres multinationales à des importations massives d’énergies fossiles. Le secteur « Energie, extraction, déchets » est donc constamment déficitaire sur la période, avec un niveau anormal en 2020 lié à la crise et aux confinements qui ont fait baisser les consommations d’énergies fossiles (entreprises à l’arrêt, véhicules etc.).
En revanche on constate que les produits manufacturés deviennent très déficitaires à compter de 2007. Une tendance qui s’accélèrera à compter de 2012. Il s’agit des conséquences de l’externalisation de chaînes de production en dehors de nos frontières (déficit commercial avec certains pays de l’Europe de l’Est) et vers l’Asie (avec en premier lieu la Chine), voir avec notre principal partenaire commercial (l’Allemagne).
Dernier point noir, le commerce agricole, tout juste à l’équilibre (+0,8 milliard). Nous sommes de plus en plus concurrencés et dépendants des productions étrangères et nous avons en outre pris l’habitude d’exporter des produits agricoles bruts et d’importer des produits alimentaires transformés (par exemple s’agissant des chips et de la ratatouille pour reprendre les exemples du Haut-commissaire (voir référence en chapeau).
Si l’on veut mesurer le décrochage français par produits, on peut comparer les variations de soldes produits entre 2001 et 2002 et entre 2020 et 2021, avec un maillage plus fin :
Nous voyons que nous sommes aujourd’hui en décrochage sur un grand nombre de produits où nous améliorions nos soldes dans les années 2000. En particulier s’agissant de la production de machines, d’hydrocarbure, de produits manufacturés, d’énergie, de produits de la métallurgie, de produits agricoles et sylvicoles etc…
Nos principaux partenaires européens s’en sortent mieux que nous
En effet, l’Allemagne malgré la crise présente un solde commercial excédentaire de 5% du PIB et de 3% pour l’Italie. Même l’Espagne qui semble dévisser à -2,3% du PIB présente un solde commercial déficitaire deux points plus haut que le nôtre (-4,3% en novembre 2021).
Source: DGDDi, Eurostat, novembre 2021.
Conclusion
Le déficit commercial français se creuse. Notre dépendance aux importations augmente les risques de dégradation par importation de l’inflation extérieure pour les biens manufacturés/ou transformés, et nous rend plus vulnérable aux fluctuations des cours mondiaux.
Par ailleurs le quoi qu’il en coûte a son pendant dans une économie ouverte : la dépense publique solvabilise la demande et augmente par conséquent encore les importations au détriment de la production interne, insuffisante, moins compétitive ou mal ajustée.
Dans ces conditions, une stratégie raisonnée de « réindustrialisation » et de « désinternationalisation » partielle des chaînes de valeur peut être pertinente. Mais elle doit s’accompagner d’une augmentation de la compétitivité coût et hors coût, ce qui suppose une nouvelle baisse substantielle des impôts de production et un effort sur l’allègement des charges patronales/salariales sur les salaires intermédiaires… réflexion qui commence à poindre dans les programmes électoraux.
Rappelons enfin que le PIB prend en compte dans ses composantes, les résultats du commerce extérieur… si bien qu’une amélioration du solde commercial ne doit pas se traduire seulement par une baisse relative des importations, mais aussi par une augmentation substantielle des exportations.