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1 février 2022 14:56
La France pourrait déployer "plusieurs centaines" de soldats en Roumanie, dans le cadre de l’Otan. Une mission qui détonne avec la volonté affichée de Paris d’aller vers une désescalade autour de l’Ukraine.
Au lendemain de la discussion téléphonique entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, la France a confirmé sa participation à un déploiement à la frontière orientale de l’Otan. Il y a deux semaines, des bruits dans la presse évoquaient le départ de soldats français pour la Roumanie. Or Florence Parly a confirmé le 29 janvier le possible envoi de "plusieurs centaines d’hommes" en direction des Carpates.
Le ministre a ainsi rappelé les déclarations d’Emmanuel Macron. Lors de ses vœux aux Armées, le 19 janvier, celui-ci déclarait que la France était prête à participer à "de nouvelles missions" de l’Otan, "notamment en Roumanie […] si elles étaient décidées". Une opération qui semble contredire la volonté proclamée par Paris d’aller vers une désescalade dans l’épineux dossier ukrainien.
"Ce n’est pas destiné à participer à une quelconque escalade militaire", affirme Florence Parly au micro de France Inter, consciente de l’ambiguïté du message ainsi adressé à Moscou.
Pour la locataire de l’hôtel de Brienne, il s’agit de répondre aux exigences de l’Otan en matière de "réassurance" de ses membres d’Europe de l’Est. "Nous nous préparons, de sorte que nous soyons prêts dès l’instant où l’on nous demandera de nous déployer", se rengorge une Florence Parly insistant sur le caractère "défensif" de l’Alliance atlantique.
Paris attend donc le feu vert de l’Otan pour déployer ses soldats.
 

"Pour Moscou, on est devenu les plus illisibles", réagit Thierry Mariani au micro de Sputnik.

"On passe notre temps à dire qu’il faut une détente et dans le même temps on explique qu’on va envoyer un millier de soldats en Roumanie. Quand je discute avec mes interlocuteurs dans les milieux politiques russes, la France est désormais considérée comme un partenaire qui n’a plus aucune fiabilité dans ses propos", relate l’élu européen. "La France, aujourd’hui, n’est plus fiable", insiste-t-il.
"Dans une affaire aussi grave, notre stratégie, telle que le Président de la République l'a définie, repose sur trois principes: la fermeté, la solidarité et le dialogue", développe de son côté Jean-Yves Le Drian. Dans un entretien accordé au JDD, le ministre des Affaires étrangères réitérait sa mise en garde à l’égard de Moscou.
"C'est à Vladimir Poutine de faire un choix entre la négociation et la confrontation", poursuit le ministre. "La balle est du côté de Poutine", lançait-il déjà au micro de RTL, le matin même de l’entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. Le chef de la diplomatie française affirmait alors qu’"il y a un risque d’invasion" de l’Ukraine par les troupes russes.

Zelensky lui-même appelle au calme

Diplomatiquement, la ligne russe n’a pourtant pas bougé d’un iota. "Si cela dépend de la Russie, alors il n’y aura pas de guerre. Nous ne voulons pas de guerre", martelait Sergueï Lavrov le 28 janvier. Une ligne confirmée par Vladimir Poutine auprès de son homologue français. "Le président Poutine n’a exprimé aucune intention offensive et a dit très clairement qu’il ne cherchait pas la confrontation", commentait l’Élysée vendredi. Selon le Palais, la conversation entre les deux chefs d’État aurait "permis de s’entendre sur la nécessité d’une désescalade".
 
Le même jour, le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, exhortait les pays occidentaux à ne pas semer la "panique" autour du risque d'une invasion russe de son pays. Lors d’une conférence de presse réservés aux médias étrangers, Zelensky a estimé que la surenchère verbale à laquelle s’adonnaient médias occidentaux et "certains chefs d’État respectés" était préjudiciable à l’Ukraine. "Nous n'avons pas besoin de cette panique […]. Il nous faut stabiliser l'économie", a insisté le maître de Kiev, estimant que "le plus grand risque" pour le pays actuellement, était "la déstabilisation de la situation à l’intérieur".
Mais qu’à cela ne tienne, en plus de la France, plusieurs pays de l’Otan ont affirmé leur intention de renforcer leurs dispositifs militaires dans l’Est européen. En tête de pont, Joe Biden a confirmé le 29 janvier l’envoi de "troupes américaines en Europe de l’Est et dans les pays de l’Otan", où 8.500 militaires états-uniens sont déjà en "alerte". Même ton du côté de Londres, avec un Boris Johnson qui s’est dit prêt à opérer un "déploiement majeur" sur la frontière orientale de l’Alliance. Il pourrait notamment s’agir, pour les Britanniques, de doubler leur dispositif militaire (environ 1.150 soldats), actuellement déployés dans les pays Baltes.

"Désescalade": l’Otan redouble la pression à la frontière russe

"Comme d’habitude, Londres se veut le meilleur élève de Washington", réagit auprès de Sputnikl’eurodéputé Thierry Mariani. "Faire de la surenchère sur un dossier permet de moins parler des autres", ironise l’eurodéputé dans une allusion transparente au scandale des fêtes à Downing Street durant le confinement. Quant à Biden, celui-ci "essaie de montrer qu’il a encore quelques muscles, et de faire oublier l’Afghanistan", ironise notre intervenant.
 
Dans le cadre de la présence avancée renforcée de l’Otan ou eFP (pour enhanced forward presence), 300 soldats français, dont deux pelotons de chars Leclerc, sont déjà déployés dans les pays baltes. Placés sous commandement britannique, ceux-ci pourraient également recevoir un renfort allemand. Du moins à en croire le Président lituanien. Ce dernier a affirmé le 28 janvier que des négociations avec Berlin étaient en cours pour muscler la présence allemande dans le pays. Un point que dément toutefois la Bundeswehr.
Certes, Thierry Mariani "comprend tout à fait" la position de pays ayant jusqu’au début des années 1990 vécu sous la domination soviétique. Mais il n’apprécie guère de voir de jeunes soldats français "entraînés par les relents de tel ou tel État dans une guerre hybride et dans laquelle on n’a rien à voir".
 

"Je n’ai pas envie d’envoyer des soldats français se faire tuer pour la paranoïa guerrière de certains responsables politiques baltes", ajoute l’eurodéputé.

Celui-ci tient également à mettre en garde contre les "sombres calculs économiques" de l’Administration Biden. Sous couvert de prétendre compenser une hypothétique coupure de gaz de Moscou, Washington entend démultiplier les livraisons de gaz naturel liquéfié américain et qatari à l’UE. En quelque sorte, les Américains proposent de remplacer un "tiens" par un "tu l’auras". Pas sûr que ce genre de promesse suffise à réchauffer les Européens cet hiver…
 

"Tout cela montre que l’Union européenne est vraiment un nain stratégique", regrette Thierry Mariani, avant de conclure: "Je faisais partie de ceux qui, à une époque, croyaient que, grâce à l’Europe, à vingt-huit, on pèserait plus sur la scène internationale qu’en restant isolé.
Je m’aperçois que nous existions bien plus sur la scène internationale lorsqu’on était libre de nos positions."

 

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