Le pilonnage continu du pouvoir d’achat :
Les promesses non tenues
On commencera par elles. Lors de sa campagne de 2017, le candidat Macron n’a cessé de rassurer son électorat le plus âgé en l’assurant entre autres :
- qu’il était le seul à pouvoir préserver le pouvoir d’achat des retraités,
- qu’il ne ferait jamais d’argent sur le dos des retraités,
- que rien ne changerait pour les retraités dans les cinq ans à venir.
Pour quiconque prend le temps de consulter posément les interviews de l’époque sur la toile, les références ne manquent pas et il est certain que l’habileté électorale du candidat lui a permis de faire croire qu’il serait le Président des retraités.
Mais rapidement l’avenir devait se montrer cruel : la forte majoration de la CSG sans compensation aucune, la désindexation quasi-systématique des pensions, le refus obstiné d’accorder la moindre représentation politique aux retraités dans les institutions dédiées aux retraites, quelques propos blessants ici ou là tenus à des retraités qui s’inquiétaient de la chute de leur pouvoir d’achat, et bien d’autres choses encore douchèrent rapidement les espoirs des retraités, en leur montrant que contrairement à leurs attentes, ce Président-là ne serait pas le leur. Une fois de plus trop crédules, les retraités s’étaient bel et bien fait avoir et ils allaient le payer fort cher.
La référence scélérate au niveau de vie pour « décrocher » les pensions de l’inflation
Parmi les arguments préférés de l’Exécutif et du COR pour réduire les retraités au pain sec, la référence au niveau de vie vise à peser sur les pensions, en montrant que l’aisance relative des retraités ne nécessiterait pas l’indexation pleine de leurs pensions sur l’inflation.
De quoi s’agit-il ? Au soir de leur vie, après quatre décennies de travail, et parfois un ou plusieurs héritages, les retraités ont mathématiquement accumulé toutes choses égales par ailleurs un patrimoine inévitablement supérieur à celui que détient un actif quadragénaire au milieu de sa carrière et cumulant charges de famille et d’emprunt.
Comme le patrimoine du senior a normalement vocation à produire quelque revenu et que ce revenu vient naturellement augmenter le niveau de vie de son titulaire, l’astuce consiste alors à désigner les retraités à la jalousie populaire en leur reprochant d’avoir un niveau de vie supérieur (4,6% pour 2018) au niveau de vie moyen des Français (sans bien entendu rappeler que, dans ce dernier cas, l’âge moyen correspond à celui d’un jeune quadragénaire).
Ce grief largement déployé et exploité permet dans un second temps de peser sur les retraites en les désindexant ou, mieux encore, en leur infligeant un hold-up fiscal tel que celui venant de la majoration brutale de la CSG, ciblée, de telle manière qu’elle ne reste à charge que des seuls retraités ou presque. On n’insistera jamais assez sur le caractère fallacieux et injuste de cette approche discriminante, à la fois :
- parce qu’elle punit collectivement tous les retraités en fonction d’une aisance patrimoniale « moyenne » que tous individuellement sont loin de partager ;
- et surtout parce qu’on ne fait peser cette référence mal taillée que sur les seuls retraités, à l’exclusion des actifs, ce qui – sauf pour la Défenseure des droits qui préfère ne pas répondre – signe une discrimination incontestable, en démontrant en plus que l’État ne dédaigne nullement d’ajouter de son propre chef l’âgisme aux nombreuses avanies dont les retraités sont victimes.
Imagine-t-on ainsi l’État bloquer irréversiblement toute actualisation – même par promotion – des rémunérations des conseillers d’État ou des conseillers à la Cour de cassation au prétexte que le niveau de vie moyen de leurs corps excède de beaucoup celui de l’ensemble des Français ?
On se trouve ici en pleine perversion au confluent de la duplicité d’un raisonnement foncièrement malhonnête, de la lâcheté politique qui prend en otage une catégorie sociale à laquelle on interdit toute représentation officielle et d’un âgisme éhonté puisque cette arnaque ne vise une fois de plus que les vieux.
Et comme de juste dans ce pays asphyxié par la pensée unique, on ne trouvera pas un économiste, pas un universitaire, pas un éditorialiste, pas un politique et pas même une Défenseure des Droits pour dénoncer ce que révèle le simple bon sens. Triste République !
Le tripatouillage électoral des pensions : dates de référence, suivi inextricable, désindexations prélèvements ciblés
Il serait injuste de faire reposer sur l’actuel Président la responsabilité des tripatouillages en tous genres qui ont précédé son quinquennat, sans toutefois qu’il y soit mis fin. C’est ainsi qu’on n’a cessé de changer la date de référence de la prise en compte effective de l’inflation passée dans l’indexation des retraites.
Combien de retraités savent donc que le coefficient de revalorisation de 1,1% applicable au 1er janvier 2022 est issu de la comparaison de la moyenne des indices mensuels de la période du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021 par rapport à la moyenne correspondante du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2020 ?
On évite ainsi soigneusement la référence annuelle à l’année civile qui simplifierait tous les calculs. Or le suivi des références et l’actualisation des mécanismes d’indexation sont devenus si complexes qu’ils défient la curiosité et la technicité de la plupart des retraités complètement perdus – et sans doute est-ce là le but – dans des reconstitutions effroyablement complexes.
Tripatouillage électoral encore, lorsque l’Exécutif et sa majorité décident souverainement de ce qu’ils vont une nouvelle fois piquer aux retraités une partie de leur pouvoir d’achat en les frappant d’une majoration de CSG qu’ils seront les seuls à supporter sans compensation et en bloquant au 1er janvier 2022 à 1,1% l’indexation des pensions 2022 face à une inflation officielle 2021 en moyenne annuelle de 1,6% (inclus le pic mensuel de décembre à 2,8%).
Cette désindexation partielle des pensions correspond à une sorte de prélèvement obligatoire qui refuse de dire son nom et qui une fois de plus pénalise exclusivement les retraités (le blocage des salaires de la fonction publique n’empêche ni les avancements, ni les primes qui ont beaucoup augmenté ces dernières années).
D’ailleurs si on reprend posément les calculs en confrontant du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2022 le taux officiel d’inflation aux indexations retenues pour les pensions du régime de base, on observe une insuffisance de quelque 3, 41%. Il faut y ajouter le hold-up de 1,86% (calcul hors impôt sur le revenu) au titre de la majoration de la CSG, car le taux nominal de 1,70% sur un brut de € 100, frappe en réalité un revenu net de € 91,60 (soit 100,00 – 1,00% d’assurance maladie – 6,60% d’ancien taux de CSG -0,50% de CRDS, -0,30% de CASA / Or 1,70/91,60 = 1,86%).
Le cumul est impressionnant puisque la perte totale s’établit à 3,41% (désindexation) + 1,86% (hausse de CSG) soit 5,27% (en calcul cumulé et hors impôt).
Le lecteur situera encore mieux l’importance de la perte si l’on transforme ces pourcentages en jours de retraite et que l’on s’aperçoit alors que 5,27% de perte de pouvoir d’achat représentent un décrochage d’un peu plus de 19 jours de retraite (365*5,27% = 19,24 jours exactement : ce chiffre est supérieur à celui de 12 jours avancé dans un article précédent parce que ce dernier ne couvrait, lui, que la CSG et l’année 2021)
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Par l’ampleur de son résultat, ce calcul pointe sans aucun doute possible un dessein avéré et malsain de châtier les retraités, qui peuvent, eux, voir dans cette onéreuse discrimination une volonté parfaitement injuste de les persécuter. Si l’on observe le rythme soutenu de ce décrochage, qui aboutit en fin de vie au bout d’un peu plus de 20 ans de retraite à la perte annuelle de quelque 3 mois de pouvoir d’achat (19,24 * 4 font déjà 77 jours), les retraités même aisés ont de quoi s’inquiéter sur le financement de leurs vieux jours.
Spécialement s’ils le confient une nouvelle fois à un jeune apprenti sorcier qui a déjà montré tout ce qu’il savait ne pas faire et qui a l’intention de prouver à l’Europe qu’il fera son affaire de réduire drastiquement le pourcentage du PIB national affecté aux retraites, et ce quel que soit le nombre des retraités à venir, dont on sait pourtant qu’il va croître sensiblement dans les années qui viennent.
Quand nombre d’actifs revendiquent et obtiennent un treizième mois, les syndicats, le patronat, le Président et le Gouvernement peuvent être particulièrement fiers que les parents de tous ces actifs se voient peu à peu au fil des ans dépouiller du douzième mois de leurs pensions, avant le pire qui reste à suivre.
En tout cas une chose est sûre, les 7 % de croissance que ne cessait de claironner le ministre de l’Économie, ce n’est pas pour les retraités et, au rythme où il avance et avec les conflits qui pèsent sur l’ordre mondial, leur déclassement ressemble fort à une euthanasie financière qui n’ose pas dire son nom, car cela fait longtemps chez nous que les gouvernants ne sont ni très francs, ni très courageux.
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De même et en période de disette, les retraités supportent de plus en plus mal qu’on verse à des étrangers qui n’ont rien cotisé du tous des prestations, qui dans certains cas peuvent se révéler supérieures à celles allouées à des nationaux aux carrières heurtées et beaucoup dénoncent cette « préférence » étrangère tout à fait malsaine, surtout quand on la rapporte à certaines pensions misérables de veuves d’agriculteurs ayant secondé leur mari durant toute sa vie et qui craignent de voir récupérer sur de modestes héritages les maigres avances qu’on aura pu leur consentir.
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Il n’est donc pas très difficile de s’apercevoir tout au long du mandat qu’il existe une sorte d’antipathie foncière entre le Chef de l’État et les retraités. Il n’a visiblement pas su combler dans sa fonction l’importance du déficit d’âge qui le sépare de ses interlocuteurs. Sa formation financière l’a conduit à préférer – et à préférer durement – les chiffres aux gens.
La solidarité intergénérationnelle n’est encore pour lui qu’un concept abstrait, qui manque singulièrement de vécu et l’obsession bruxelloise du coût des retraites l’emporte et de loin sur les exigences de l’équité et de la solidarité nationales.
La France pour les retraités ne sera pas – loin s’en faut- un État de droit. À juger de l’état actuel d’une opinion qu’on a largement montée et que l’on continue sottement à monter (cf. notamment nos critiques des articles de MM. de Closets et El Karoui) contre les retraités, elle demeurera longtemps encore une ingrate terre de mission. Aux retraités, à leurs associations, à leurs dirigeants et aux plus courageux et aux plus clairvoyants des hommes politiques de bien saisir cette réalité et d’entreprendre sans délai la mise à niveau des droits des 18 millions de retraités d’aujourd’hui, avant même de lancer la véritable réforme des retraites qui, elle, ne concernera que les retraités de demain.
Il suffirait que les actifs d’aujourd’hui, qui n’ont de cesse de mortifier et d’exclure leurs aînés, comprennent enfin qu’ils seront prochainement les futurs retraités et qu’alors les tristes exemples qu’ils auront donnés à méditer à leurs enfants n’inciteront guère ces derniers à l’indulgence à leur égard.