La Russie a passablement prématurément annoncé que les premiers objectifs militaires étaient remplis, les capacités de l'armée ukrainienne ayant été largement réduites et que les autorités ukrainiennes s'engageaient à juger sévèrement les tortures perpétrées contre les soldats russes faits prisonniers.
Si ces déclarations ne sont pas "prématurées", comment apprécier le bombardement sur le territoire russe de la raffinerie de Belgorod ou l'absence d'arrestation suite à la diffusion de nouvelles vidéos de torture ? Il ne suffit pas de vouloir très fort quelque chose pour que cela devienne réalité.
Rappelons la déclaration du ministère russe de la Défense avant-hier, justifiant la réduction significative de l'activité et le regroupement (retrait, si l'on sort de la Novlangue ?) des forces militaires russes :
"Lors de la première étape de l'opération spéciale, il était prévu de forcer l'ennemi à concentrer ses forces pour tenir de grandes localité dans les régions de Kiev et de Tchernigov, y compris Kiev, les coincer sur le champ de bataille et, sans prendre d'assaut les villes (pour éviter des pertes civiles ), leur infliger des pertes, qui ne leur permettrait pas d'utiliser leurs forces sur le front principal des activités russes - le Donbass. Tous ces objectifs ont été atteints."
Que les grandes villes n'aient pas été prises, c'est incontestable (mais est-ce une victoire?), pour le reste, beaucoup de questions se posent. Hier, un incendie a été annoncé à Belgorod. Toute la journée, les médias sont restés particulièrement silencieux sur l'origine de cet incendie.
Finalement, l'information est tombée ce matin par le gouverneur : deux hélicoptères de l'armée ukrainienne, cette armée qui a "perdu" ce qui justifie le regroupement des forces russes, sont entrés sur le territoire de la Fédération de Russie à basse altitude, n'ont pas été interpellé, ont bombardé la raffinerie de Belgorod et rien ne dit qu'ils ont été abattu.
Dans le même temps, ce matin, la Russie annonce que les forces militaires russes quittent l'aéroport de Gostomel, à côté de Kiev, dans le cadre du regroupement de leurs forces. Une logique implacable ... Sans même parler des incidences militaires, sur le plan de la communication, c'est une erreur : les Ukrainiens commencent déjà à diffuser des vidéos "fin du monde" sur l'état de Gostomel "après le départ des occupants". De toute manière, la Russie sera accusée.
La manière dont les autorités russes estiment la défaite de l'armée ukrainienne est assez surprenante. Peut-il serait-il temps de réfléchir non pas en comptable, qui dresse des listes, mais en stratège et en politique ? Le silence de la classe politique russe - et médiatique - est, lui en revanche, très significatif.
Autre exemple du décalage entre le discours médiatico-politique russe et la réalité. Lors de ces fameuses négociations à Istanbul, que la classe dirigeante russe a immédiatement d'une seule voix qualifiées de productives (avant de faire marche-arrière communicationnelle - mais pas réelle - suite à la vague de mécontentement populaire), la délégation russe se félicitait de ce que les autorités ukrainiennes s'étaient engagées à condamner fermement les auteurs des tortures contre les soldats russes prisonniers. Puisque même l'ONU a soulevé la question, l'Ukraine doit jouer le jeu - en apparence.
Et manifestement, les Ukrainiens y mettent autant de coeur que pour juger les auteurs des atrocités d'Odessa où, le 2 mars 2014, il y a des centaines de blessés et de morts dans la Maison des Syndicats en flamme, suite à l'opération de répression menée par les autorités ukrainiennes avec les groupes néonazis contre les opposants au Maïdan. Et cette fois-ci, ne tenant pas compte de l'expérience, la Russie est heureuse de voir la bonne volonté ukrainienne. Pourtant, plusieurs jours ont passé, les coupables sont connus et filmés et aucune arrestation n'est en vue.
Dimanche, une vidéo de torture des soldats russes par les ukrainiens a été diffusée. Voici la présentation faite par Svetlana Kissileva, journaliste dans le Donbass :
"Le monde entier devrait voir ces séquences pour se rendre compte que ce n’est pas la guerre de la Russie contre l'Ukraine soutenue par les pays de l'OTAN, mais une guerre du bien contre le mal.
Sur cette vidéo, les soudards ukrainiens tirent dans les jambes des prisonniers russes, ensuite, ils les tabassent. Au début de la vidéo, les prisonniers russes sont allongés sur le sol, les jambes transpercées ; certains ont des os des jambes brisés. On pourrait penser que les soldats russes ont été capturés alors qu'ils étaient blessés. Mais non. À la fin de la vidéo, on voit comment les soldats ukrainiens tirent dans les jambes de tous les prisonniers qui arrivent.
Plusieurs meurent de douleur sur la vidéo en direct. Tout cela est filmé par les soudards ukrainiens eux-mêmes. C’est ainsi qu’ils agissent avec les défenseurs du Donbass capturés depuis 8 ans."